C’est une première qui s’est jouée à Monaco ce lundi avec le tout premier Sommet européen des femmes chefs d’entreprises mondiales. Un rendez-vous rassemblant seize délégations des branches de l’association de divers pays d’Europe répondant à l’invitation lancée par l’entité monégasque.
"Notre réseau mondial, fondé en 1945, est une communauté d’influentes, présentes dans 120 pays, qui agit pour soutenir les femmes entrepreneurs et valoriser leur rôle dans l’économie", a rappelé en ouvrant les échanges Johanna Houdrouge, qui préside l’association des femmes chefs d’entreprises de Monaco, entourée d’une équipe dynamique. Et portant le message de l’organisation mondiale qui, dans ces temps où les relations internationales se brouillent, entend jouer la carte européenne en termes d’économie pour "construire un réseau structuré, engagé, ambitieux pour agir au cœur de nos territoires".
C’est aussi le propos de Marie-Christine Oghly qui préside les Femmes chefs d’entreprises mondiales pour qui l’heure est venue de "penser l’Europe au féminin". Un atout pour l’économie? La présidente l’assure. Interview.
Il faut penser aujourd'hui l'Europe au féminin estimez-vous. Comment concrètement?
Notre mouvement est devenu mondial, avec plus d'une centaine de pays et au total plus de 2 millions de membres. Mais je pense qu’il manque des initiatives européennes sur le plan économique et notamment au niveau des femmes. L'Europe a besoin de se recentrer, quand on voit ce qui se passe avec les États-Unis qui représentent 23% du commerce mondial. Pourquoi ne pas utiliser notre association comme une plateforme européenne pour faire travailler nos entreprises ensemble et apporter sur le plan à la fois économique mais peut-être politique, de la diversité. Ce qui est important c'est d’avoir une vision un peu différente. Un chercheur avait été contacté par une des grandes entreprises américaines qui lui demandait des idées car les membres du conseil d’administration tournaient en rond. Il leur a répondu de faire entrer des femmes qui auront une vision différente. Et c'est ce qu'on peut aussi apporter à l'Europe.
En Europe, même si les pays offrent depuis plusieurs décennies une égalité dans l’éducation des garçons et des filles, ça ne se traduit pas encore dans le monde de l’entreprise. Comment l’expliquez-vous?
Un aspect culturel demeure dans le monde de l'éducation, de dire aux collégiennes qu’ingénieur ce n’est pas un métier pour les filles. On entend beaucoup ça, y compris dans les familles et encore aujourd'hui. Si on a la même possibilité de faire des études, les filles ne sont pas encouragées à aller vers des carrières scientifiques. Et c'est un problème. Au Maroc, au contraire, il y a 49% de filles dans les écoles d'ingénieurs. Et ce par une initiative qui a été prise, dès l’école primaire, de faire des jeux qui donnent le goût des mathématiques. Cela permet de détecter des filles qui ont des capacités et de leur permettre de faire des études scientifiques. Ce genre d’initiative, on devrait la retrouver partout.
Votre mouvement fédère des femmes entrepreneurs des cinq continents, existe-il encore des endroits où vous n’êtes pas représentées?
Nous fédérons le monde et si des pays ne sont pas membres, ce n’est pas forcément par manque d’envie. Toutes les cheffes d’entreprises que l’on rencontre veulent faire partie de ce réseau fabuleux qui permet de s’enrichir les unes et les autres de nos expériences. Et, accessoirement, ça permet le networking pour développer nos activités.
Depuis 2017 vous présidez l'association mondiale, avez-vous vu les mentalités évoluer?
Oui et non. Oui, parce que le sujet de l'égalité hommes-femmes, on le retrouve dans à peu près tous les pays aujourd'hui. Et nous tenons absolument à travailler avec les hommes et pas contre les hommes. L'évolution s'est faite dans le bon sens. En revanche, on est arrivé à un plateau aujourd'hui. Et on voit, notamment aux États-Unis, que l’on peut régresser. L’évolution ces dernières années est souvent passée par les quotas. On pourrait dire que ce n'est pas normal, mais c'est le seul moyen. Sans quotas, la place des femmes dans les conseils d'administration serait bien moindre. Et tout peut se gripper rapidement. On l’a vu pendant le Covid bien souvent, ce sont les femmes cheffes qui sont restées à s'occuper de la famille et des enfants. Donc, on à toujours ce risque. Il faut espérer qu'un jour, on aura besoin d'imposer des quotas d'hommes. Parce que ça voudra dire qu'on a réussi. Mais nous, ce qu'on veut, c'est simplement trouver notre place.
commentaires