Une riveraine en guerre contre le chantier du Vista

Un conflit persiste entre le Vista Palace à Roquebrune et une habitante. Elle refuse d'être relogée « sans garantie ». Faute d'accord, les travaux de sécurisation de la falaise sont à l'arrêt

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Stéphanie wiélé Publié le 03/02/2017 à 05:11, mis à jour le 03/02/2017 à 05:11
La maison d'Annie Durante est située en dessous du Vista Palace. La riveraine du chemin de Fighiéra dénonce un « manque d'information » de l'hôtel concernant l'opération de sécurisation de la falaise.
La maison d'Annie Durante est située en dessous du Vista Palace. La riveraine du chemin de Fighiéra dénonce un « manque d'information » de l'hôtel concernant l'opération de sécurisation de la falaise. Michaël Alési

Perché sur son piton rocheux, le Vista Palace s'avance vers la Méditerranée et semble prêt à s'élancer vers un nouvel avenir. Mais, depuis plusieurs semaines, le luxueux hôtel 5 étoiles de Roquebrune-Cap-Martin prend des allures de vaisseau amiral fantôme… Les travaux de consolidation de la falaise - commencés en novembre dernier - sont pour l'instant à l'arrêt. « Une première partie de la sécurisation a été réalisée. La deuxième partie nécessite un accord entre le maître d'ouvrage et les riverains », précise-t-on en mairie. Le chantier s'inscrit dans une gigantesque métamorphose du Vista Palace (lire par ailleurs).

« Je veux toutes les garanties »

Cette deuxième partie des travaux traîne en longueur en raison d'un conflit entre le maître d'ouvrage et une habitante… Annie Durante. « Je ne suis pas contre ce projet. Mais, je veux avoir toutes les garanties et assurances sur ces travaux de sécurisation. Ma maison est située juste en dessous de l'hôtel. Elle est placée en zone rouge avec des risques de chutes de blocs. Cela signifie qu'en cas de dégât, je ne suis pas assurée et je ne peux pas reconstruire », justifie la riveraine du chemin de Fighiéra, dont la villa est bordée d'amandiers, de citronniers et d'orangers. « On vit ici depuis trois générations. Je suis très attachée à ma maison… », ajoute-t-elle.

À l'origine, le précédent propriétaire du Vista Palace - la « SAS view star Roquebrune » - avait signé une convention en 2009 garantissant des travaux de sécurisation de la falaise. « Deux barrières dynamiques ont été posées dans mon jardin afin de prévenir d'éventuelles chutes de roches lors des travaux, mais le chantier n'a pas pu aboutir », poursuit la Roquebrunoise.

Le référé exige de trouver un accord avec les riverains

Car l'entreprise du Vista Palace a été placée en redressement judiciaire puis rachetée 30,5 millions d'euros par le fonds d'investissement de la famille royale du Qatar en 2014. « Lorsque le Vista Palace a été repris, j'ai demandé que la convention nouée en 2009 soit appliquée. » Mais Annie Durante n'aurait pas eu d'engagement malgré ses multiples relances…

En mai 2016, elle saisit finalement le tribunal de grande instance (TGI) de Nice en référé. Dans son jugement, le TGI mentionne l'obligation pour le nouveau propriétaire - la SEDH Vista Palace-La Cigale - « de faire exécuter les travaux de confortement de la falaise » et interdit « tout creusement de la roche » avant sécurisation complète de la paroi. « À l'issue de ce jugement, un accord doit donc être trouvé pour reloger les habitants, verser les indemnisations, etc. », résume la mairie.

Mais la discussion semble bloquer sérieusement. Voire être inexistante selon Benedetta, une riveraine du chemin de Fighiéra. « J'habite juste en dessous de l'hôtel et je ne suis pas au courant du chantier en cours. Les riverains aimeraient bien savoir ce qu'il va être fait au-dessus de leurs têtes et connaître les risques », s'interroge-t-elle.

De son côté, Annie Durante confirme avoir reçu plusieurs courriers du Vista Palace. Dont un lui demandant d'évacuer sa maison à partir du 2 janvier. « On me demande de partir un mois et demi, mais aussi d'autoriser la pose d'une troisième barrière dynamique de 30 mètres de long dans mon jardin ! Tout ça, sans avoir d'informations précises, ni de garanties… C'est n'importe quoi ! » Montant de l'indemnité forfaitaire, durée des travaux, état des lieux contradictoires, plan de barrage indiquant le danger potentiel pour accéder à sa maison… la riveraine exige des « précisions » par le biais de son avocate, Me Chiossone.

Au sommet du piton rocheux, aucun commentaire. L'avocat du Vista Palace n'a pas donné suite à nos sollicitations. Tout comme le cabinet de l'architecte Jean-Michel Wilmotte, en charge de réaliser l'opération.

Le maître d'ouvrage n'a pas souhaité s'exprimer. Pas de retour non plus du conseiller de la famille propriétaire qatarie, dans le projet…

« Sans accord, c'est la justice qui tranchera sur ce dossier »

Pour Jean Delerue, président de l'Aspona (1), les craintes d'Annie Durante sont fondées. « Et cela touche dans le quartier en contrebas. Le terrain du Vista Palace n'est pas stable. Il y a déjà eu un bloc qui s'est décroché en 2005. De plus, j'ai des doutes sur la préservation de la biodiversité. »

Un rapport d'expertise réalisé par la société « Sol-Essais » le 14 janvier 2016 détaille l'ampleur des travaux à effectuer sur la falaise. « L'ensemble du talus rocheux inspecté présente des éléments de stabilité précaires à conforter rapidement avec des précautions toutes particulières », peut-on lire dans les conclusions.

La conseillère municipale d'opposition « Ensemble pour Roquebrune », Marie-Christine Franc de Ferrière, ajoute que le rapport d'expertise avertit de « risques graves et imminents de chutes de blocs et de pierres (...) Actuellement, les travaux devraient être commencés, alors que rien n'a été fait pour la sécurité des biens et des personnes ». Et d'interpeller le maire de Roquebrune, Patrick Césari dans un courrier : « Je vous demande de bien vouloir donner les ordres nécessaires pour mettre en place la sécurité de nos administrés préalablement à ces travaux. » En mairie, on précise que c'est à la justice de trancher. « Sans accord entre le maître d'ouvrage et les riverains, c'est elle qui décidera par le biais d'un référé d'ici la semaine prochaine. »

En attendant, certains ouvriers du chantier seraient les victimes collatérales de ce conflit. « Nous aurions dû commencer les travaux le 2 janvier.Un mois plus tard, la guerre entre avocats continue et c'est le chômage technique pour nous », témoigne l'un d'eux.

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