Un projet de loi a été déposé par le gouvernement au Conseil national. L’objectif est de donner un cadre à la fin de vie, là où il n’y a quasiment rien en matière législative à Monaco.
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Joëlle DevirasPublié le 05/02/2020 à 06:30, mis à jour le 05/02/2020 à 07:10
Didier Gamerdinger et le docteur Jean-François Ciais.Manu Vitali / Dir. Com.
Toute personne malade a droit au respect de sa dignité. » Le premier des vingt-quatre articles du projet de loi sur la fin de vie, reçu le 21 janvier par le Conseil national, saura certainement susciter le plus grand intérêt des élus des Monégasques. Parce que « c’est aborder des questions fondamentales de société » et qu’« il faut « protéger d’abord le patient », soulignait hier matin, au ministère d’État, Didier Gamerdinger, conseiller de gouvernement-ministre des Affaires sociales et de la Santé, lors d’une conférence de presse. Or, « aujourd’hui à Monaco, il y a très peu de dispositions juridiques à ce sujet ».
Le texte n’est pas encore à l’étude de la Haute Assemblée mais il est considéré par le gouvernement comme « extrêmement important et sensible, poursuit le ministre. Un sujet de conscience. C’est l’approche humaine que j’ai voulu placer au cœur de notre réflexion. Le soin et la prise en compte de la douleur apparaissent en premier lieu. »
Dans un pays où le catholicisme est religion d’État, on comprend que les articles ont été rédigés pour répondre aux « questions humaines, éthiques et scientifiques » en faisant évoluer le droit selon les lois fondamentales de l’Église. « C’est un texte sur la vie, explique ainsi d’emblée Didier Gamerdinger. Il n’est évidemment pas question d’accélérer la survenance de la mort. Ce n’est pas le rôle de notre société. Nous sommes là pour accompagner la vie. La fin de vie appartient au patient. Notre rôle est de le soulager. Mais nous ne pouvons pas le déposséder de sa vie. Ce projet a donné lieu à une très large concertation avec le conseil de l’Ordre des médecins, le docteur Jean-François Ciais, chef de service de soins de support et de soins palliatifs du Centre hospitalier Princesse-Grace, la Direction de l’action sanitaire et le diocèse. »
Le texte s’articule autour de deux grands thèmes : l’apaisement de la souffrance avec les soins et l’accompagnement, et le refus de l’acharnement thérapeutique avec sa définition et les directives de fin de vie.
"Notre rôle est d’alléger les souffrances"
À Monaco, il n’y a pas de groupements favorables à l’euthanasie ou à un accompagnement pour mourir. Donc la question ne se pose même pas. « Nous ne sommes pas allés consulter les associations étrangères. Les associations monégasques ne portent pas un discours sur un accompagnement accéléré de la fin de vie. Ce n’est, de toute façon, pas notre vision. C’est un moment extrêmement important dans la vie du patient. Il ne s’agit pas d’abréger les souffrances en mettant fin à la vie. Notre rôle, au contraire, est d’alléger les souffrances pour accompagner la vie. »
Toutefois, le Titre II du projet de loi traite de l’acharnement thérapeutique. « C’est un vrai défi quotidien d’évaluer où se situe l’acharnement, note le docteur Jean-François Ciais. On débat là-dessus en équipe. La question est éthique. »
« Aujourd’hui, on fait appel à la conscience des soignants, convient le conseiller de gouvernement-ministre. On les laisse seuls. Il faut un cadre de loi parce que ce sont des sujets difficiles. Qu’est-ce que l’obstination déraisonnable, par exemple ? C’était, de mon point de vue, un devoir moral de répondre par la loi. Et c’est l’ambition de ce projet. »
Dans une situation où chacun est unique de par sa maladie, sa culture, ses croyances, sa langue, son âge, sa personnalité et autres, seule une approche multidisciplinaire peut permettre une réponse la plus juste possible. « Nous devons faire du sur-mesure. Le patient est un être humain. Il n’y a pas de stéréotype. Chacun est différent. »
"Il faut instaurer le dialogue"
Le docteur Jean-François Ciais insiste sur cette transversalité. « Une approche multidisciplinaire est fondamentale pour prendre la personne en compte, dans sa dimension humaine, jusqu’à son dernier souffle. »
Didier Gamerdinger explique ainsi qu’il s’agit de « respecter la proportionnalité entre le bénéfice des soins et le risque lié au traitement médical, en s’assurant à tout moment que le traitement est effectivement profitable pour le patient. Car il faut garder toujours à l’esprit de respecter le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée. C’est ce qui est au cœur de la loi. C’est notre point de repère. Et il faut pour cela instaurer un dialogue. » Car de nombreuses questions, notamment éthiques, se posent : « Quand faut-il arrêter le traitement ? Jusqu’où aller ? Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut rester raisonnable dans l’approche. »
Aux conseillers nationaux, maintenant, d’étudier le projet de loi afin de faire les amendements qui leur sembleraient nécessaires.
Soulager toutes les souffrances
Quand le patient prend conscience qu’il arrive au terme de son existence, la technique médicale seule n’est pas suffisante. Comment apaiser ?
Le docteur Jean-François Ciais, chef de Service de soins de support et de soins palliatifs du Centre hospitalier Princesse-Grace, doit prendre en compte de nombreux paramètres. « La souffrance n’est pas seulement la douleur physique mais morale, existentielle, les interrogations spirituelles, les problèmes sociaux. Tout cela entraîne une souffrance globale qui touche, de surcroît, tous les âges. »
Parfois, les médecins sont face à des souffrances réfractaires. « Nous avons les moyens de soulager en utilisant des médicaments différents, atypiques mais qui induisent un risque. Nous pouvons considérer que ce risque peut être justifié en accord avec le patient. C’est un aspect important des soins palliatifs qui fait la balance entre le risque encouru et le soulagement quand on est très proche de la fin de vie. »
Les médecins peuvent alors proposer la sédation comme technique pour soulager une personne en l’endormant. « C’est le sommeil artificiel utilisé quand on est dans les derniers instants. Ça ne raccourcit pas sa vie mais soulage totalement les douleurs physiques. La personne va décéder de façon naturelle dans son sommeil. Cette technique concerne environ 10 % des personnes en fin de vie. » Ce moyen dont dispose le corps médical doit être encadré par des textes de manière à ce qu’il n’y ait pas d’abus. « Il faut respecter le point de vue du malade. Certains ne veulent pas avoir de sédation mais veulent affronter leur fin de vie en face. On va alors respecter leur choix. »
Le service de soins palliatifs, inauguré en 2018, n’est composé que de quatre lits. « Je pense que c’est trop petit, dit le docteur Jean-François Ciais, aux côtés de Didier Gamerdinger. Il est destiné à grandir. »
En attendant, l’unité mobile de soins palliatifs passe également dans les services et apporte les soins nécessaires.
archives Jean-François Ottonello.
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