Un centre de soins unique pour les tortues marines
Le conseil communal a approuvé, dans le cadre d’un programme de sensibilisation, la création d’une extension du Musée océanographique dédiée à la convalescence de ces «baromètres des mers»
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Thierry SquillarioPublié le 23/06/2016 à 11:29, mis à jour le 23/06/2016 à 11:39
Le futur bassin accueillera une petite dizaine de tortues marines convalescentes.Image Architecte maître d’œuvre - Patrick Raymond
Ce n’est pas qu’un simple bâtiment, ou refuge, mais un symbole fort de l’action conjointe de l’Institut océanographique et de la Principauté pour la préservation de nos mers. Leur faune, leur flore, leur (sur)vie.
Après l’approbation du conseil d’administration du Musée océanographique et du prince Albert – en sa qualité de président, les conseillers communaux ont exprimé unanimement leur adhésion, mardi, à la création d’un centre de soins pour les tortues marines, à horizon 2017-2018, sur la façade ouest du Musée océanographique. Un projet salué pour sa beauté et son respect de l’actuel site.
Sitôt le permis de construire délivré par la conseiller de gouvernement – ministre de l’équipement, de l’environnement et de l’urbanisme, Marie-Pierre Gramaglia, les prémisses d’un bassin dédié aux tortues marines en convalescence émergeront au cœur de l’été.
A terme, un havre de paix pour ces «dinosaures» des océans mais aussi un outil – ouvert au public – de sensibilisation à la sauvegarde des espèces menacées.à flanc de Rocher, cet aquarium jouxtera l’hôpital rénové en véritable centre de soins et sera desservi par un ascenseur relié au parvis du musée, créant une passerelle directe avec les jardins Saint-Martin.
«C’est très variable mais, aujourd’hui, on recueille une ou deux tortues marines par an. Elles viennent de Monaco, Nice, Cannes, Antibes, Menton… mais on ne peut pas nous en occuper car nous n’avons pas les équipements.Le but de ce centre est de systématiser l’endroit de soins, et de convalescence avec ce grand bac», résume Robert Calcagno.
Le directeur de l’Institut océanographique rappelant que ce centre de soins n’a pas d’équivalent sur la Côte d’Azur. «Il y en a facilement une demi-douzaine sur la côte adriatique, entre l’Italie et la Grèce, ou encore un centre d’accueil en Sardaigne. Mais sur toute la côte méditerranéenne, il n’y a que le Grau-du-Roi… et c’est très loin!»
D’où ce besoin évident «à la fois de soins opérationnels et aussi de communication». Car cette «maison de repos» pour tortues constituera la vitrine d’un combat contre la tragédie qui se joue sous la surface de la Grande Bleue.Loin des yeux…
« On fait partie depuis de nombreuses années du “Réseau Tortues marines Méditerranée Française” (RTMMF) et les plaisanciers, marins, douaniers, la police maritime… nous signalent ou amènent des tortues blessées ou faibles.
Aujourd’hui, nous les soignons avec les moyens du bord et, si elles sont mortes, nous pratiquons des autopsies.Depuis quelques temps, on trouve chaque fois des déchets plastiques en plus ou moins grande quantité. Certaines ont plus de 100 déchets plastiques dans l’estomac, de la bille au fragment de barquette, jusqu’au morceau de sac en plastique ou de bâches de 10 cm sur 10 cm!» Résultat: des estomacs obstrués et autant de morts affamés.
Un mal polymorphe, indicible et sournois, qui met en péril tout une espèce.
«Les tortues marines sont vraiment le baromètre de l’état de santé de nos océans.C’est une espèce emblématique qui est menacée. Ce n’est pas la seule mais les requins, par exemple, on sait pourquoi. Notamment car ils sont victimes de surpêche pour faire de la soupe d’ailerons.Ce n’est pas le cas des tortues. Ce qui met l’espèce en péril, c’est un ensemble d’éléments.En gros, parce que nos océans ne sont pas en bonne santé. Il y a un déséquilibre dans les chaînes trophiques et les tortues ne trouvent pas à se nourrir comme avant. Il y a surtout le problème de l’urbanisation du littoral qui les empêche de pondre sur des plages où elles avaient leurs habitudes.Elles sont désorientées par des problèmes de pollution lumineuse…»
Autant de problématiques abordées lors des cycles de conférence du mercredi de l’Institut océanographique et qui seront bientôt déclinées en jeu de société, «SOSTortues», et un livre de Robert Colcagno à parution début 2017.
L’occasion de capter un jeune public et le milieu scolaire, en parallèle de campagnes régulières de levée de fonds et d’un programme de balisage par satellite de certains spécimens pour tenter d’élucider le mystère des tortues de Méditerranée, dont on a actuellement «très peu d’informations sur le mode vie».
Le monde de Rana
Rana, la tortue caouane sauvée dans le port de Monaco, se porte bien.Photo C.D..
Sauvée à l’hiver 2014 des eaux froides du port de Monaco, la tortue caouanne Rana – nom de sa mécène – a le profil parfait pour devenir la mascotte de l’ambitieux projet de l’Institut océanographique. Alors qu’elle ne pesait que quelques dizaines de grammes lors de son repêchage, Rana a survécu grâce aux compétences et à l’abnégation des soigneurs.Après un séjour à l’hôpital, Rana pèse aujourd’hui plus de 6 kilos et barbotte sereinement avec un requin zèbre et d’autres poissons tropicaux dans un bassin du musée.
En attendant de recouvrer sa liberté…
Avant cela, Rana devrait être l’une des premières pensionnaires d’un bassin qui pourra accueillir, au maximum, une petite dizaine de ses congénères selon leur taille. « On pouvait mettre les petites tortues dans les aquariums avec les poissons mais celles de 40 ou 50 kilos on ne pouvait pas les accueillir.Demain, on pourra.C’est le but du centre», se réjouit Robert Calcagno.
«On a d’ores et déjà de bonnes équipes de techniciens d’aquarium spécialisés du monde marin mais qu’on est en train de former spécialement aux soins pour les tortues au Grau-du-Roi, qui est aujourd’hui plus compétent que nous», ajoute le directeur dont le centre de soins, à défaut de disposer d’une lagune pour la « rééducation» des tortues, comme dans le Gard, sera ouvert au public. Et émaillé de panneaux d’informations pour permettre de cerner le fléau qui s’abat sur une espèce animale vieille de 200 millions d’années et, aujourd’hui plus que jamais, menacée.
«La population des tortues marines a pratiquement diminué de 90%. On peut le savoir parce qu’à un moment ou un autre elles reviennent pondre sur les plages et, malheureusement en Méditerranée, le nombre de femelles a été divisé par 10 au cours des 20 dernières années. Elles ont même été éliminées dans un certain nombre de cas. Aujourd’hui, elles ne viennent plus en France et en Corse par exemple. Elles se sont déportées en Grèce sur des îles sauvages ou sur la côte adriatique.»
Une passerelle avec le musée et un ascenseur
Image Architecte maître d’œuvre - Patrick Raymond.
La création d’un bassin – tout en transparence – pour les tortues marines, à l’ouest du musée, va permettre à un espace public actuellement sans cachet, et délaissé aux chiens, de s’harmoniser avec l’architecture initial du site.
«Pour l’instant, il y a un espace pour les déjections canines et une sorte de baraquement mais on va réaliser un bâtiment qui s’intègre et fera la passerelle avec le centre de soins pour que les visiteurs puissent venir directement du musée. En dessous de cette passerelle, il y aura le centre de soins pour les tortues – et poissons. Et l’échauguette historique va être rehaussée pour réaliser un ascenseur qui permettra d’aller du parking au centre de soins et au bassin».
Au-delà de l’aspect pratique et fonctionnel pour les soigneurs, cette extension permettra de redonner du cachet à l’aile ouest du Musée et l’ouvrir sur des espaces verts et un panorama retrouvés. « Il y avait aussi un espace totalement fermé des jardins Saint-Martin que le prince a décidé de rouvrir.La direction de l’équipement y travaille et ce lieu devrait rouvrir dans le courant de l’été», avance Robert Calcagno.
Concrètement, le parvis du Musée s’étendra désormais à l’ouest pour surplomber le bassin de convalescence des tortues. Les badauds pourront ainsi jeter un œil curieux aux tortues – sans même rentrer dans le musée – et profiter d’une vue mer dégagée d’une verrue.
«A l’endroit de la construction, il y a aujourd’hui notre centre d’énergie et de refroidissement.Un vieux générateur qui marche au fuel, bruyant, polluant et producteur de gaz à effet de serre, qu’on remplacera par deux pompes à chaleur.»
Un chantier eco-responsable dont la première manœuvre, une opération de grutage de ce système de production thermique au moyen d’un engin de 200 tonnes et d’un bras de 70 mètres, aura lieu aujourd’hui (14 heures).
Le bassin viendra se nicher à l’ouest du musée.
Aflanc de Rocher.Photo C.D..Le directeur de l’Institut océanographique, Robert Calcagno, présente la maquette du jeu de société « SOSTortues ».Photo C.D..Le parvis du musée s’étendra à l’ouest pour s’ouvrir sur les jardins Saint-Martin et un ascenseur qui desservira le centre de soins.Image Architecte maître d’œuvre - Patrick Raymond.
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