Le dossier est compliqué. Récalcitrant. Depuis des années, le constat semble inchangé: le quartier de la gare de Saint-Laurent-du-Var souffre d’un manque d’attractivité. De dynamisme. En tout cas aux dires des habitués, les commerçants en premier lieu. Le sujet a déjà fait l’objet de bien des articles dans nos colonnes. Toujours avec la même impression générale. "C’est complètement isolé, notamment par rapport à ce qu’il peut se passer dans le centre, plante Aurélien, gérant du bureau de tabac Le Laurentin, situé avenue du Général de-Gaulle. On est livré à nous-mêmes."
Installé dans le quartier depuis deux ans et demi, le professionnel s’attendait à découvrir un quotidien plus rythmé. Plus dense. Ce n’est pas le cas. "Il n’y a aucune activité, on ne pousse pas les gens à venir ici", regrette-t-il derrière son comptoir.
"Il ne se passe jamais rien ici"
Gérant du restaurant The 2 Brothers, rue Leonard Anfossi, Jean-Marie fait le même constat. Chez lui, l’optimisme est bien enfoui. "Je ne connaissais pas le quartier au moment de m’installer, reconnaît-il. Ce n’est pas du tout dynamique! J’ai eu des affaires dans différentes villes du coin, c’est la première fois que je vois des commerces proches d’une gare qui tirent la langue. Il ne se passe jamais rien ici."
Restaurants, boulangerie, bureau de tabac, pressing. Les enseignes ne manquent pas mais la proximité avec Cap 3000 ne semble pas arranger les choses. Doux euphémisme. Les professionnels le savent et tentent de se démarquer. Pas toujours facile. "On essaie de mettre des couleurs pour attirer le regard, ça fonctionne un peu mais ce n’est pas le Nirvana, souffle Jean-Marie. Oui, Cap 3000 fait beaucoup de dégâts. Le port aussi. Les gens ont des œillères, ils vont dans les grosses structures. Ils sortent de la gare et tracent directement chez eux. Ils ne regardent ni à droite, ni à gauche. De toute façon, il n’y a rien qui attire le regard ici."
"La place est belle, mais elle prend la poussière"
Vraiment rien? "On a une très jolie place (1) devant la gare, mais elle ne sert strictement à rien, pense Aurélien. Elle est belle, mais elle prend la poussière. Ce serait peut-être judicieux de déplacer le marché ici." Une façon d’apporter de la vie pour attirer les habitants dans le quartier. Pour le moment, ce n’est pas franchement le cas. "J’habite près de la gare mais je ne traîne jamais là-bas, reconnaît Élodie, Laurentine depuis vingt ans. Le parvis a été refait mais c’est toujours aussi triste. Et si on traverse la passerelle au-dessus des rails, c’est encore plus pourri."
D’autant plus que le problème du stationnement n’est jamais bien loin. Il rôde dans les esprits. "Un économiste a dit « No parking, no business" (2), illustre Jean-Marie. Avant, on en avait un petit devant le restaurant. Mais maintenant c’est réservé aux taxis. »
Remise en question des commerçants?
"Beaucoup de places sont bloquées par les gens qui prennent le train le matin, il n’y a pas de roulement, enchaîne le gérant du bureau de tabac, avant de prendre un exemple concret. On a des arrêts minutes devant le commerce, mais cette voiture est garée là depuis deux heures, par exemple…"
Aurélien tente de positiver. Le commerçant veut croire en l’apport d’une petite supérette, ouverte il y a deux mois tout juste à quelques mètres de là. Même si le gérant de cette nouvelle enseigne reconnaît lui aussi "un manque de dynamisme."
Alors comment booster l’attractivité? Certains pointent un manque de considération de la part de la Ville, - "Il faut s’occuper un peu des petits commerçants qui donnent la vie aux quartiers", - tandis que d’autres explorent des pistes plus personnelles. "On peut aussi se remettre en question, peut-être qu’on a des commerces qui manquent d’attractivité…"
1. La place Georges Foata, située devant la gare, a été refaite et inaugurée en 2016.
2. Citation de Bernard Trujillo, spécialiste de la distribution né en 1920 et auteur de déclarations marquantes sur le sujet.
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