PHOTOS. Le saviez-vous ? La villa "Le Mas" détruite à Monaco était la dernière demeure d'un héros du cinéma

Au bas du Jardin exotique, la villa Le Mas n’est plus qu’un souvenir à Monaco. D'ici fin 2022, un immeuble moderne en partie sur pilotis et végétalisé, avec ses parkings et une crèche, poussera à la place de ce qui fut la dernière demeure d'un pionnier du 7e art

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Thomas Michel Publié le 11/02/2020 à 08:49, mis à jour le 11/02/2020 à 08:50
La Villa Le Mas a été entièrement détruite ces derniers jours. Photo Cyril Dodergny
Fin 2022, 15 niveaux d’habitation, quatre de parking, et une crèche seront livrés en lieu et place de l'ancien Palais Honoria et de la Villa Le Mas. Maquette JB Pastor&Fils Architectes : E. Deverini/Lotte.

Faut-il gommer des pans du patrimoine local pour garantir l’avenir ? La question n’a pas fini de diviser en Principauté alors que les vieilles bâtisses tombent comme des dominos. La démolition de la villa Le Mas, ancienne propriété du pionnier du cinéma Charles Pathé (lire ci-dessous), a ainsi irrité certains Monégasques en ce début d’année. Tout comme le manque de logements crispait jusqu’à l’annonce du Plan national, le 11 mars 2019, par le prince Albert II, en présence de son gouvernement et du président du Conseil national, Stéphane Valeri.

Bref, difficile de contenter tout le monde sur la durée mais, en attendant, le chronomètre est bel et bien déclenché. Les prévisions d’évolution démographique sont claires : aujourd’hui 9300, les Monégasques seront 11 770 en 2033. Si aucun taux réel d’occupation des logements domaniaux est aujourd’hui accessible, et que beaucoup s’accordent à dire qu’il pourrait être optimisé - Jean-Louis Grinda en tête -, reste que la prospérité de la Principauté laisse présager une hausse, à anticiper, de son nombre de résidents.

Livraison prévue fin 2022

Située sur l’emprise foncière du 2, boulevard de Belgique (Palais Honoria) et 4, boulevard du Jardin-Exotique (Villa Le Mas), ainsi qu’une parcelle désaffectée du Domaine public (jardin public de 324,52 m2), l’opération "Palais Honoria" comprendra 65 logements sur les 1831 à bâtir d’ici 2033, selon les termes du Plan national.

L’opération fait l’objet d’un contrat de maîtrise d’ouvrage déléguée confiée à la société J.B. Pastor & Fils. L’architecte Emmanuel Deverini a signé le bâtiment de 14 étages (+ rez-de-chaussée) qui forme un L. Quatre niveaux de parking, qui surplombent le tunnel SNCF, prolongent l’emprise en souterrain.

La livraison est prévue fin 2022 et le projet a fait l’objet d’une présentation aux riverains le 7 janvier dernier. Il avait au préalable été approuvé à l’unanimité des élus communaux en décembre dernier. Les élus nationaux avaient, eux, acté l’inscription de 18 millions d’euros au budget rectificatif 2019. Exceptés l’aménagement de la crèche ou les travaux de déviation des réseaux et de voirie, le coût du chantier est estimé à près de 73 millions d’euros.

L’opération doit également satisfaire à la démarche "Bâtiment durable méditerranéen de Monaco", certification bronze.

Le projet Palais Honoria comprend 65 logements. Maquette JB Pastor&Fils Architectes : E. Deverini/Lotte.
Une crèche de 35 berceaux et 820 m2 complète le projet. Maquette JB Pastor&Fils Architectes : E. Deverini/Lotte.

Effet de manche en 2018

L’idée de ce bâti avait germé lors de l’âpre débat sur le logement de la dernière campagne pour des élections nationales. Quatre jours avant le vote, Béatrice Fresko-Rolfo (Horizon Monaco) sortait "un projet d'immeuble de grande hauteur" de sa manche. "Nous avons pensé associer ce projet à un foncier privé, à savoir le Palais Honoria, lequel est possiblement disponible pour le développement d'un projet mixte, expliquait Criss Roux. Projet qui permettrait de disposer, à terme, d'une centaine de logements domaniaux et de larges surfaces de bureaux domaniaux. Et qui permettrait de trouver un partenariat avec le propriétaire pour que la partie privée finance la partie publique de telle sorte que le budget de l'État ne soit pas impacté."

Aujourd’hui, le monument à la mémoire du roi des Belges Albert-Ier a été déplacé et les mâchoires des pelleteuses ont emporté la villa Le Mas et ses secrets enfouis d’après certaines légendes urbaines. Les larmes des nostalgiques étaient d’ailleurs à peine séchées qu’un autre vieil immeuble de Monaco tombait, derrière le kiosque à musique du square Gastaud, où poussera prochainement l’élégante villa Portofino.

La dernière demeure de charles pathé, pionnier du 7e ARt

Charles Pathé est décédé à Monaco le 25 décembre 1957, la veille de son 94e anniversaire. DR.


Né en 1863 en Seine-et-Marne, Charles Pathé était destiné à hériter de la boutique familiale de Vincennes et devenir… charcutier. Mais Pathé avait d’autres goûts, en l’occurrence celui de l’aventure. À 26 ans, il met le cap sur l’Argentine de l’or dans les yeux, mais ses ambitions manquent de couler dans l’Atlantique alors que son bateau s’embrase. Devenu phobique des flammes, le garçon aime jouer avec le feu et flirte avec des crapules pour rentrer sans un sou en France deux ans plus tard.


Son passeport pour la fortune lui tombe dessus à l’automne 1914, à la foire de Vincennes. Un phonographe de Thomas Edison happe son regard dans les allées. Charles Pathé s’endette pour acheter son propre appareil et renfloue ses caisses en présentant cette "machine parlante" dans les foires alentour.


En quelques semaines, le pécule est tel que le couple Pathé ouvre son propre bazar et vend des répliques de phonographes aux forains. Pathé investit alors dans le kinétoscope d’Edison. Une sorte de juke-box producteur d’images animées. Les balbutiements du cinéma.

celui qui fit rentrer le cinéma dans les foyers


Le 22 mars 1895, les frères Lumière dévoilent leur cinématographe et bouleversent le monde. Pathé ne tarde pas à prendre son billet pour une séance de cinéma. Conquis, il se met en tête de rivaliser avec ses propres appareils.

De fil en aiguille, naissent des studios à Vincennes où sont tournés des programmes courts. Le fameux coq devient même le symbole du "Pathé Journal" pendant la Grande Guerre. L’Amérique s’ouvre à l’empire Pathé qui doit toutefois rivaliser avec un autre ingénieux producteur, diffuseur et exploitant de films, Léon Gaumont. Des salles de cinéma poussent dans tout l’Hexagone jusqu’à s’inviter dans les foyers français, en 1922, avec le "Pathé Baby".

Le premier projecteur de salon doté d’une caméra bon marché. Le succès populaire est immédiat. Et il sera le dernier de cette grande aventure industrielle.

En décembre 1923, Marie, épouse depuis trente ans et muse de Charles Pathé, s’éteint des suites d’un cancer à 51 ans.

L’amitié tardive avec léon Gaumont


À 66 ans, Pathé cède la moitié des parts de son usine de pellicules à George Eastman. En 1926, Kodak-Pathé est né et Charles Pathé quitte Vincennes pour la Côte d’Azur et Monaco. Un an à peine après qu’il a élu domicile dans la Villa Le Mas, au bas du Jardin exotique, Léon Gaumont prend lui ses quartiers à Sainte-Maxime. Les ennemis du 7e art se rapprochent.


Depuis Monaco, Pathé rédige ses mémoires, Souvenirs et conseils d’un parvenu, et noue une amitié tardive avec Léon Gaumont avec qui il déjeune tous les dimanches. En témoigne cette dédicace au crépuscule de la vie de Gaumont, décédé le 9 août 1946. "A mon aimable confrère Léon Gaumont, avec mes regrets que nous n’ayons pas été les amis que nous sommes actuellement quarante années plus tôt."


Officier de la Légion d’honneur, Charles Pathé meurt le 25 décembre 1957 en Principauté, la veille de son 94e anniversaire, avant d’être inhumé dans le caveau familial du cimetière ancien de Vincennes.

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