PHOTOS. L'association monégasque "Les Amis du Liban" raconte sa mission à Beyrouth

Deux associations monégasques, Les Amis du Liban et Children & Future, se mobilisent pour venir en aide à Beyrouth, ses habitants, ses écoles, l’un de ses hôpitaux. Témoignages.

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Arnault Cohen (acohen@nicematin.fr) Publié le 10/09/2020 à 11:50, mis à jour le 10/09/2020 à 13:24
Les Amis du Liban ont passé neuf jours dans une ville en ruine, à écouter, aider, distribuer de l’aide alimentaire. Photo DR

Elles sont toutes les deux libanaises. Bouran Hallani vit en Principauté, Léa Chalhoub à Beyrouth. La première revient d’une mission caritative de neuf jours dans une ville défigurée et traumatisée par la double explosion du 4 août.

La seconde est rentrée chez elle précisément ce jour-là, après un check-up à Monaco.

Toutes les deux ont en commun d’agir pour aider une population traumatisée par une catastrophe qui a détruit une partie de la ville, laissant derrière elle 190 morts et plus de 6.500 blessées. Ces deux femmes racontent.

"tout est détruit, les gens n’ont plus rien"

C’est une femme épuisée qui est revenue en Principauté, samedi, après neuf jours très éprouvants passés à Beyrouth. Neuf jours au cours desquels, du matin au soir, la présidente de l’association des Amis du Liban s’est démenée pour apporter, à sa mesure, avec son cœur, son énergie et les moyens à sa disposition, de l’aide à la population libanaise, dévastée depuis la double explosion survenue le 4 août dans la zone portuaire de Beyrouth. Un drame qui a fait au moins 190 morts et plus de 6.500 blessés. Et laissé une capitale du Liban en ruine, défigurée, traumatisée.

"J’ai grandi pendant la guerre, je n’ai jamais vu ça"

Bouran Hallani, Libanaise d’origine et Monégasque de cœur, s’est aussitôt mobilisée pour récolter des produits de première nécessité afin de les envoyer à Beyrouth. Et bien entendu, elle s’est organisée pour rejoindre son pays afin d’organiser la réception et la distribution des six tonnes de produits alimentaires, d’hygiène et de matériel médical collectés en Principauté.

Illustration Photo DR.
Ilustration Photo DR.

"J’ai bien failli ne pas partir, s’agace encore Bouran Hallani - "Boubou" pour les intimes. J’ai vécu un cauchemar avant de partir. Mon avion décollait le jeudi 27 août. Le lundi, j’ai fait un test PCR. Je devais recevoir les résultats le jeudi. Je ne les ai eus que quelques minutes avant le décollage…"

Après cette première frayeur, l’horreur. "En découvrant le désastre de l’explosion, j’ai cru que mon cœur allait sortir de ma poitrine. C’était horrible. J’ai grandi au Liban pendant la guerre. Mais je n’ai jamais ressenti ça. Tout est détruit. Les gens n’ont plus rien."

À son arrivée à Beyrouth, avec sa fille Lana et l’aide d’une amie journaliste, Boubou a pu visiter les quartiers d’Achrafieh, Karantina et Gemmayzé, parmi les plus touchés. Rencontrer des familles. Treize, au total.

"Les ravages sont plus que catastrophiques, témoigne-t-elle. Les appartements se retrouvent parfois sans murs ni fenêtres, les meubles sont détruits."

Une rencontre l’a particulièrement choquée: "J’ai visité la maison d’une dame, qui était alors à l’hôpital. Son fils m’a montré l’étendue des dégâts. Tout est détruit. Cette femme est handicapée, ne sait ni lire ni écrire, elle n’a plus rien. Elle veut rester à l’hôpital parce qu’elle n’a nulle part où se loger. Elle va être obligée de quitter Beyrouth et de s’installer chez son fils, dans le sud du Liban."

Avec l’argent récolté en marge des dons de produits, Bouran Hallani imaginait pouvoir réparer les fenêtres de certains logements. "Mais c’est impossible. Il n’y a plus de murs, les immeubles sont dans un tel état qu’il faut tout reconstruire. Le Liban mettra des années et des années à s’en sortir", souffre-t-elle.

Une salle de classe de l’école des Frères Saint-Joseph… Photo DR.
Bouran Hallani et les soldats de l’armée libanaise déchargent le conteneur rempli à Monaco avec l’aide de Didier Deschamps. Photo DR.

"Une maman cherchait sa fille sous les décombres"

Une autre rencontre, en fin de semaine dernière, s’est avérée plus douloureuse, plus marquante que les autres. C’était au cœur du quartier de Gemmayzé. Sur la façade d’un immeuble, la photo d’une jeune femme est placardée. Il s’agit de Kristelle, 36 ans. Une victime de la double explosion. "J’ai passé du temps avec Dalal, sa maman. Elle m’a raconté que sa fille, qui ne vit pas là, était venue lui rendre visite, justement ce jour-là." Dans cet immeuble, ce sera la seule victime de l’explosion.

"Dalal va partir se loger ailleurs. Elle en a les moyens. Mais elle se demande comment font tous ces gens qui n’ont pas d’argent pour se reloger. Nous avons beaucoup parlé. Et quand je lui ai donné un carton de produits, le dernier jour, elle a voulu me prendre dans les bras pour me remercier. Mais même ça, ce n’était pas possible, à cause de la Covid…"

Les rencontres sont douloureuses. Les images terribles, souvent insupportables. Comme celle de cette "maman qui cherchait encore sa fille dans les décombres", raconte Boubou. C’était le 4 septembre. Un mois, jour pour jour, après le drame.

Dalal (à gauche) montre la photo de sa fille Kristelle, 36 ans, décédée dans l’explosion. Photo DR.
Les Amis du Liban ont rencontré le directeur de l’école, Choucri Mansour.

Retour à Beyrouth ce week-end

Pendant ces neuf jours de mission à Beyrouth, "j’ai pu offrir quelques produits, apporter du réconfort, soulager des gens, avec mes petits moyens". Bouran a travaillé d’arrache-pied avec l’armée libanaise pour vider le premier conteneur de vivres, arrivé jeudi 3 août, et organiser la distribution des produits avec l’aide, aussi, des associations locales.

"On peut faire confiance à l’armée. Ces gens font un travail formidable. Ils me disaient merci toutes les deux minutes. Ils me confiaient aussi : “On est très fatigués mais on continue, on s’accroche, parce que les autres ont tout perdu.” J’avais envie de les prendre tous dans les bras."

De toute évidence, Boubou n’est pas rentrée indemne chez elle, ce week-end, dans le confort de la principauté de Monaco. "Je ne verrai plus la vie comme avant, ça n’est plus possible. Je suis heureuse à Monaco, je ne manque de rien. On a la chance de tout avoir, on n’a pas le droit de se plaindre. Je continuerai à lutter contre la pauvreté au Liban."

Et pas plus tard que ce week-end. Après avoir réceptionné le premier conteneur et ses 4 tonnes de denrées alimentaires, un deuxième doit arriver le 12 septembre, avec 2 tonnes de produits médicaux. Bouran Hallani sera là, encore, pour orchestrer la distribution, avec l’aide de l’armée libanaise.

 

Illustration Photo DR.
Illustration Photo DR.

Un projet pour sauver une école

Des habitations détruites, un hôpital dans un triste état… Durant ces neuf jours de mission au Liban, l’association monégasque a également visité trois écoles frappées par la double explosion du 4 août, avec l’aide du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). "L’une d’elles est dans un état catastrophique, témoigne Bouran Hallani. L’école des Frères Saint-Joseph compte trois étages et accueille 360 élèves. Elle n’a plus de vitres, plus de tables, plus rien." Une situation d’autant préoccupante que beaucoup d’enfants ne vont plus à l’école depuis six mois, en raison cette fois-ci de l’épidémie de coronavirus.

La présidente de l’association des Amis du Liban a longuement discuté avec le directeur de cet établissement. "J’ai appris que 200 familles d’élèves avaient perdu leur logement, rapporte-t-elle. Nous sommes allés en voir certaines. Une maman m’a dit : “Je m’en fous d’avoir des vitres ou un canapé. Aidez-nous à payer la scolarité de nos enfants.""

"Je ne savais pas comment l’aider, avoue-t-elle. Et puis, après réflexion, je me suis dit qu’il y avait un projet à monter, peut-être avec deux autres associations de Monaco, l’Amade et Monaco Aide & Présence. Je vais leur parler de ce projet dès mon retour en Principauté. L’objectif est d’aider cette école à rouvrir. Et puis, par un système de parrainage, financer la scolarité des élèves qui en ont besoin."

Bouran Hallani estime aussi que, pour surmonter le traumatisme de l’explosion meurtrière, il faudrait également financer l’intervention d’un psychologue dans cette école.

L’idée est lancée. Cette semaine, la présidente des Amis du Liban devait rencontrer des responsables de l’Amade pour approfondir la réflexion…

Les Amis du Liban ont rencontré le directeur de l’école, Choucri Mansour. Photo DR.

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