Qu’il est parfois difficile de rentrer de plain-pied dans la modernité. C’est un peu l’idée que l’on pouvait avoir vendredi en assistant à la séance publique du Conseil national, le parlement monégasque. Même avec la meilleure des volontés, il aura fallu attendre 2019 pour que les femmes monégasques ou résidant à Monaco aient pleinement le droit de disposer de leur corps, sans menace législative. Car oui, ça y est : le recours à l’avortement est dépénalisé (en revanche, pour les personnes le pratiquant, il faudra encore attendre pour ne plus être passible de prison).
Mais n’ayons pas la dent trop dure : depuis 2009, les grossesses issues du viol pouvaient être interrompues en toute légalité.
Unanimité absolue
Reste que ces derniers mois, le sujet avait défrayé la chronique et alimenté de nombreux médias sur les réseaux sociaux. Alors que la très catholique Irlande autorisait les femmes à interrompre leur grossesse en décembre 2018, Monaco, où le catholicisme est religion d’Etat, l’interdisait encore.
Dura lex, sed lex. Il fallait donc faire évoluer la loi, et c’est ce qu’on fait les conseillers nationaux, et le gouvernement jeudi soir.
Alors que la proposition de loi avait été votée le 12 juin dernier, le gouvernement a déposé moins de deux mois après le projet de loi qui est passé au vote.
« Nous constatons avec satisfaction que le gouvernement a repris, sans modification, le dispositif de la proposition de loi. Nous exprimons notre conviction que le texte qui sera voté ce soir [lire jeudi soir], à l’unanimité de l’Assemblée, supprime une injustice, tout en respectant nos spécificités », a déclaré Béatrice Fresko-Rolfo en préambule, réaffirmant l’unanimité des votes en dépit des couleurs politiques différentes. « Bien que les 24 élus des Monégasques, à l’image des nationaux qu’ils représentent, aient des convictions et des sensibilités très différentes sur cette question de l’interruption volontaire de grossesse, ils ont trouvé leur unité dans leur volonté commune de défendre l’intégralité de notre Constitution. »
Un avis partagé par le président du Conseil national Stéphane Valeri : « Nous avons confirmé ce soir [lire jeudi soir] que même si nous avons été élus sur des listes différentes et que nous ne sommes pas d’accord sur tout, les élus des Monégasques savent se rassembler, quand il s’agit de préserver l’unité de notre communauté et qu’il en va de l’intérêt de notre pays. »
Gouvernement et élus ont reconnu que devant la douleur que représente l’interruption volontaire de grossesse, la prison ne pouvait être la réponse.
Légalement, mais pas ici
Malgré une passe d’arme entre Nathalie Amoratti Blanc, la rapporteur, et Didier Gamerdinger, conseiller de gouvernement ministre des Affaires sociales et de la Santé, sur les moyens à mettre en œuvre, tous s’accordent sur le fait que la prévention reste le meilleur outil pour éviter le recours à l’avortement. À éviter d’autant plus que si le recours est dépénalisé, la pratique de l’avortement reste interdite, et punie de 5 à 10 ans d’emprisonnement, et, pour les professionnels de santé, d’une suspension d’au moins cinq ans, voire d’une incapacité absolue d’exercer. Il faudra donc continuer à aller voir hors des frontières pour subir la douloureuse épreuve.
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