Pour la deuxième séance publique législative jeudi au Conseil national, la soirée s'est apparentée à un marathon de lecture. Au menu : le projet de loi 972 renforçant le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption. Un texte très technique pour rendre la loi monégasque conforme aux engagements internationaux entérinés par la Principauté dans ce domaine.
Pour le décrypter, le rapport accompagnant le texte comptait pas moins de 95 pages, lues par le président de la commission de législation, Thomas Brezzo en un peu moins de deux heures. Une manière d'expliquer ce nouveau texte qui réécrit le dispositif monégasque issu de la loi n° 1.362 du 3 août 2009.
« Des méthodes en perpétuelle évolution »
« Le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption sont des phénomènes complexes qui, pris dans leur ensemble, portent sur des sommes importantes, impliquent de nombreuses personnes à une échelle le plus souvent internationale et reposent sur des techniques et des méthodes qui, si elles ne sont pas toujours sophistiquées, sont en perpétuelle évolution. Ils constituent par conséquent des menaces importantes pour les États et leur économie, explique le rapporteur. Monaco s'est ainsi doté d'un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, comprenant un volet préventif et un volet répressif conformes aux standards internationaux. Cependant, à l'instar des techniques employées par les réseaux criminels ou terroristes pour échapper aux contrôles, ces standards sont en constante évolution. C'est pourquoi ce projet de loi modifie la loi de 2009, afin de tenir compte des changements survenus dans les standards internationaux et en particulier de trois d'entre eux : les nouvelles recommandations édictées par le Gafi en 2012 ; les observations émises par Moneyval au sujet de la législation monégasque dans le cadre du 4e cycle d'évaluation dont celle-ci a fait l'objet en 2013, et le contenu de la directive du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. »
Être conforme aux engagements
Au regard de cette directive, le droit monégasque a donc évolué. Au risque d'aller à l'encontre des activités économiques du pays ? « Ce projet de loi a pour objectif, non seulement de transposer la 4e directive mais également de conserver les dispositions antérieures, même celles allant au-delà de ses dispositions. Il serait réducteur d'examiner les dispositions nouvelles à la seule lumière des obligations de la 4e directive, pour en tirer comme conclusion que le gouvernement aurait profité de cette transposition pour aller au-delà des obligations requises au détriment des professionnels concernés et particulièrement de la place financière monégasque. La seule volonté du gouvernement est de se conformer aux engagements pris pour être conforme aux standards internationaux et garantir l'attractivité de Monaco grâce à une réputation irréprochable et à une reconnaissance de ce niveau d'excellence, qui doit se maintenir, par les entités internationales concernées », explique le conseiller--ministre de l'Économie et des Finances, Jean Castellini.
Le texte adopté accroît également les missions et les prérogatives du Siccfin, cellule nationale du renseignement financier, pour laquelle Thomas Brezzo a appelé à la nécessité « de doter ce service de moyens matériels et humains nécessaires ».
Un appel entendu sur le siège par Jean Castellini qui a confirmé que le Siccfin sera équipé de « moyens informatiques les plus poussés avec la mise en service du GoAML (logiciel de lutte contre la criminalité financière NDLR) qui va s'accompagner d'une sécurisation complète du bâtiment et une habilitation des agents à la classification "confidentiel de sécurité nationale"».
En fin d'année, le recrutement de trois postes dans ce service devrait également être proposé au budget primitif 2019.
Sur la forme, le rapporteur a regretté que le gouvernement ait invité les élus à voter ce texte avant la fin du mois de juin alors que le projet n'a été déposé sur le bureau de l'assemblée qu'en novembre dernier. Et de concert dans leurs interventions, plusieurs élus ont déploré cette urgence, louant l'engagement de la commission de la législation pour établir son rapport en un temps serré.
Au terme de deux autres heures de lecture des différents articles, le projet de loi a été adopté.
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