"La question n’est pas de partager ou pas nos prérogatives. La question, c’est de savoir selon quelles règles", explique Christophe Glasser, le secrétaire général de L’Union des syndicats de Monaco. Le 21 juin dernier, la fédération syndicale historique (42 syndicats, plus de 2500 adhérents) est allée déposer une motion auprès du conseiller de gouvernement-ministre des Affaires Sociales et de la Santé, Didier Gamerdinger. Le but? "Demander un entretien afin que la vraie question sur la représentativité de la F2SM soit enfin traitée", explique l’USM dans un communiqué.
La F2SM, c’est l’autre fédération de syndicats de Monaco. Forte aujourd’hui de 813 adhérents sur 8 syndicats, sa création en 2012 avait alors posé la question de la représentativité. "Le ministre d’État, Michel Roger, nous avait alors garanti que la question serait traitée de façon prioritaire", poursuit Christophe Glasser. Mais elle ne l’a pas été.
Et aujourd’hui, la question ressurgit à la faveur d’un incident de procédure: lors d’une commission destinée à décider du licenciement d’un salarié protégé, l’USM comptait occuper les deux sièges réservés aux représentants des salariés. L’inspecteur du travail en a décidé autrement: un siège la F2SM, et un pour l’USM... qui a choisi de ne pas l’occuper. "Pour nous, ce n’est ni crédible, ni impartial, c’est totalement arbitraire, sans aucune règle", s’insurge Christophe Glasser.
À la F2SM, on ne trouve pas cela anormal. Cédric Lanari, son président, explique: "Je veux bien que l’on parle de représentativité mais, en l’occurrence, le salarié dont il était question était adhérent chez nous…"
Une règle "pluraliste" de l’époque Valeri
Du côté du ministère des Affaires Sociales, on explique qu’il y aurait une règle: "Mon prédécesseur, Stéphane Valeri, a décidé que lorsque ces commissions concernent des petites structures, et qu’il n’y a qu’un siège, l’USM conserve ce siège. Quand il y en a deux, l’USM en conserve un, et la F2SM peut occuper l’autre", détaille Didier Gamerdinger.
Des propos confirmés par Stéphane Valeri, aujourd’hui président du Conseil national: "Je considère qu’il est important que les salariés de la Principauté aient la liberté de choisir de s’affilier au syndicat avec lequel ils ressentent le plus d’affinités et qu’ils considèrent être le mieux à même de les défendre. En tant que conseiller de gouvernement pour les Affaires Sociales, en charge de ces questions à l’époque, profondément attaché au respect du pluralisme, j’ai effectivement dès lors défendu le principe du droit à la représentation des deux organisations dans des proportions favorables à l’USM, compte tenu de son antériorité historique et du plus grand nombre de syndicats affiliés."
Et de préciser: "Nous avions cependant tenté de définir à l’époque des critères objectifs de représentativité pour les organisations syndicales, portant notamment sur le nombre réel d’adhérents, mais nous nous sommes heurtés à un refus de l’USM de nous communiquer des éléments incontestables, permettant par exemple la vérification de ce nombre."
"La persécution syndicale s’accélère"
Sur ce point, le secrétaire général de l’USM se veut transparent: "Le gouvernement demande à voir nos comptes, c’est hors de question. Il y a d’autres moyens de contrôler le nombre d’adhérents. Nos adhérents peuvent consulter nos comptes, nous n’avions rien à cacher. Mais au nom de quoi devrions-nous fournir nos comptes à l’État? C’est quelque chose qui est inconcevable dans les pays voisins. Dans n’importe quel autre pays, d’ailleurs."
C’est qu’à l’USM, on est particulièrement inquiets: "Aujourd’hui, les syndicats subissent des attaques dans des secteurs de plus en plus nombreux: l’hôtellerie, où les salariés représentants sont menacés de sanctions; la société des autobus, où les syndicats sont violemment attaqués… La persécution syndicale à Monaco s’accélère Et de l’autre côté, la question de la représentativité est en suspens, et le Tribunal suprême, quand il est saisi, botte en touche ou nous déboute sur des questions de forme, parce que nous n’aurions pas saisi la bonne personne. Les militants sont à bout, et nous attendons beaucoup du conseiller de gouvernement. Tout le monde s’accorde à dire que la question est prioritaire, mais personne ne met les mains dans le cambouis."
"La question n’est pas insurmontable"
Au ministère, la porte est ouverte, mais Didier Gamerdinger tempère: "Je voudrais que l’USM se décrispe un peu. La question n’est absolument pas insurmontable, nous sommes d’ailleurs en train d’en parler. Lorsqu’ils m’ont adressé une motion, il se trouvait que j’étais présent et disponible, aussi les ai-je reçus. Nous nous verrons le 5 juillet prochain, et je leur apporterai des éléments de réponse. Moi je n’ai aucun souci pour rouvrir le dossier de la représentativité, mais je n’ai actuellement ni le temps ni les ressources humaines. Nous travaillons sur d’autres dossiers tout aussi importants pour les travailleurs, comme le travail de nuit, le travail le dimanche, ou l’égalité homme/femme. Nous pouvons envisager que le prochain chantier en partenariat avec l’ensemble des partenaires sociaux soit la représentativité, et cela serait possible aux alentours de janvier prochain."
"Nous jouerons le jeu"
Du côté de la F2SM Cedric Lanari, secrétaire général, se veut compréhensif: "C’est normal que l’USM s’inquiète. Ils ont été seuls pendant 70 ans. Il y a eu deux autres fédérations à la fin des années quarante, mais après ils ont été seuls. À Monaco, la pluralité syndicale existe dans la loi depuis 1951. À partir du moment où un syndicat se crée, que les statuts sont déposés et acceptés, il est, de fait, représentatif. Nous, nous voulons apporter des idées neuves au débat. Si l’État veut modifier les règles, qu’il le fasse. Ce n’est pas à nous de définir les règles de représentativité. Nous, nous jouerons le jeu. On s’adaptera. On sera conforme à la réglementation que le gouvernement choisira. Mais je ne crois pas qu’il y ait urgence. Il y a des chantiers qui sont, à mon sens, beaucoup plus importants, comme le travail de nuit, ou les dimanches."
De son côté l’USM assure aussi qu’elle jouera le jeu. À condition, qu’enfin, on définisse des règles.
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