Trop tard pour la Côte d'Azur. Il aurait fallu que la loi Littoral fête ses 100 ans cette année, au moins, pour éviter aux Alpes-Maritimes de ressembler à ce long ruban urbanisé de Théoule à Menton. Or, ce n'est que le 3 janvier 1986, dans un hémicycle à moitié plein, que le texte promulguant la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral - dite « loi Littoral » - est voté… À l'unanimité.
Pas si tard finalement. Ses plus ardents défenseurs, comme l'ancien juge du tribunal administratif, Norbert Calderaro (lire en page suivante) pense que « si l'on considère le littoral de Marseille jusqu'à la frontière italienne, alors la loi Littoral a permis d'éviter son urbanisation continue. C'est certains. En particulier dans le Var ». Un moindre mal donc.
Les fondamentaux
Décrite comme une loi de compromis, elle n'interdit pas toute forme d'urbanisation aveuglément. Elle vise surtout à assurer un meilleur équilibre entre développement nécessaire et protection du patrimoine naturel et culturel. En gros, ne plus reproduire des programmes immobiliers comme Marina Baie des Anges à Villeneuve-Loubet ou Antibes-Les Pins à la ZAC du Bas-Lauvert. Que la loi Littoral, justement, a réussi à freiner même si 90 % du programme bâti est sorti de terre.
Aménagement en profondeur en tenant compte des espaces remarquables à protéger ; urbanisation en continuité de l'existant et maintien des coupures d'urbanisation. Pour Arnaud Fredfon, responsable à la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), à ces concepts juridiques inventés par la loi de 1986 s'ajoute une dimension nationale importante : « Le législateur a d'ailleurs défini le littoral comme un territoire fragile, un enjeu national qu'il fallait préserver. On ne pouvait plus laisser toute latitude au niveau local… C'est son autre principe fondamental ».
Pourtant, depuis 30 ans, la loi Littoral est régulièrement critiquée. Pour le caractère « flou » de ces mêmes concepts. C'est ce qui a ralenti son application par les autorités : des principes généraux qui ont dû, au fil des ans, être interprétés par les services administratifs. Puis précisés par la jurisprudence. « Il a fallu des années aux services de l'État, aux collectivités et aux juges pour dire de quel concept relève tel ou tel site », poursuit Arnaud Fredfon.
De plus, son application a généré un nombre de contentieux important. Ces mêmes colonnes s'en sont fait régulièrement l'écho dans les années 1990-2000. Notamment le long du littoral cagnois où le décret plage de la loi Littoral s'est soldé par la destruction de plusieurs établissements « hors la loi ». On lui a même reproché d'être un frein au développement économique.
Contestée mais plébiscitée
La loi Littoral est pourtant plébiscitée par le public : selon un sondage réalisé par l'IFOP en 2014, 91 % des Français estiment qu'il faut la maintenir en l'état pour éviter le bétonnage des côtes et préserver les espaces naturels. Un maintien que certaines décisions récentes sonnent comme des coups de canif dans le contrat. Lorsque la préfecture autorise, à Vallauris, la construction d'un élévateur et d'un escalier pour que le roi d'Arabie Saoudite puisse « descendre » de son palais sur la plage de la Mirandole. Ou lorsque ce même préfet, autorise finalement les restaurants de plage de Cagnes-sur-Mer d'ouvrir à l'année. « La régularisation d'une atteinte à la loi Littoral », dénonce les associations. La loi Littoral n'a pas fini de faire des vagues.
commentaires