Le vendredi 13, les casinos et buralistes de Monaco font un carton
Jour de malheur pour certains, mais jour de chance pour d’innombrables joueurs qui se pressent dans les casinos ou les tabac-presse de Monaco pour titiller le hasard et tenter de changer leur destin.
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Thibaut ParatPublié le 13/09/2019 à 08:43, mis à jour le 13/09/2019 à 09:47
Ce vendredi 13, les buralistes de Monaco devraient vendre deux fois plus de jeux de hasard.Photo C.D.
Paraskevidékatriaphobie. Derrière ce nom, aussi cocasse que barbare, se cache une peur bien ancrée. Celle du vendredi 13. Un jour pour le moins… ambivalent. Pour certains, il revêt un caractère de malheur, même si l’on peine à remonter aux sources historiques de cette croyance (lire ci-dessous).
Pour d’autres, au contraire, il est synonyme de chance. Avec un marketing ficelé autour de cette sempiternelle superstition, la Française des jeux l’a bien compris.
Ce jeudi, à la veille de ce vendredi 13 septembre, les grilles du Super Loto® de 13 millions d’euros - forcément - décoraient les vitrines et le mobilier des tabac-presse de la Principauté. Oui, les jeux à gratter et de hasard ont la cote ce jour-là. C’est indéniable.
"On vend le double de jeux de hasard ce jour-là"
"Les clients se laissent plus facilement tenter. Ils nous disent que c’est peut-être leur jour de chance, confirme Morgane, vendeuse au Khedive, sur le boulevard Albert-Ier. On vend le double de jeux de hasard ce jour-là."
"Je sais que demain (lire ce vendredi), j’aurai la queue dehors toute la journée. Un vendredi 13, c’est toujours la folie, renchérit Claudia Nagari, patronne de La Civette à Monte-Carlo. On réalise 3.000 à 4.000 euros de chiffre d’affaires sur un Loto normal contre plus du double pour un Loto du vendredi 13. Pourtant, la probabilité de perdre ou de gagner reste toujours la même."
Alors, pourquoi diable même les néophytes se laissent-ils tenter ?
"Il y a cet inconscient collectif qui fait que les gens pensent qu’à un moment ou un autre, cela va tourner en leur faveur. Que des jours comme le vendredi 13 ou la pleine lune peuvent être plus favorables pour eux, analyse Christophe Mallet, praticien en EFT clinique et psycho-énergétique à Menton (Emotional Freedom Technique. Traduire: la technique de liberté émotionnelle. C’est une pratique psycho-corporelle, NDLR). Car ils connaissent quelqu’un dans leur entourage qui répond à ces comportements ou à cette irrationalité. Tout cela est fondé sur des croyances personnelles qui dépendent de notre histoire de vie, de famille, de la société, des orientations religieuses, de l’éducation. C’est complètement irrationnel."
Rudy Tarditi, directeur du Sun Casino et du Casino Café de Paris, constate un afflux de joueurs chaque vendredi 13.Photo archives Michael Alesi.
"32% d’habitués en plus au Café de Paris"
Autres places fortes du hasard en Principauté: les casinos de la Société des Bains de Mer. En particulier les machines à sous, très prisées en ce jour. Notamment au Casino Café de Paris où les habitués, principalement des Français, se pressent bien volontiers.
"On comptabilise 32% de joueurs habitués en plus sur les appareils automatiques, chiffre Rudy Tarditi, directeur du Casino Café de Paris. Ainsi que 27% de temps de jeu en plus pour l’ensemble des joueurs. Et pour l’aspect superstition, on retrouve 56% de Français."
Là aussi, les services de marketing du groupe SBM ont planché pour surfer sur la vague de la superstition.
"Notre objectif est de fidéliser et recruter des joueurs. Pour cela, en ce vendredi 13, on fait gagner aux clients habitués et de proximité 250 euros toutes les demi-heures par machine, par rapport aux vendredis habituels. Cela motive les gens car cela fait une somme de 8.000 euros sur l’ensemble de la journée", poursuit le responsable de l’établissement, également à la tête du Sun Casino, plus porté sur les jeux de table.
Quid du Casino de Monte-Carlo ?
"On ne ressent pas la superstition car c’est une clientèle très internationale et on a peu de Français, argumente Dolly Sananes-Bascou, responsable marketing et communication des Jeux à la SBM. Les gros joueurs ne sont pas sensibles à ce genre d’événements, ni les fun players, ces joueurs qui viennent plus pour essayer et tester."
Seule inconnue de ce vendredi 13: la chance sera-t-elle du côté de tous ceux qui débourseront quelques euros voire des milliers? Le hasard restera le seul maître de cette journée si particulière.
D’où provient cette peur du chiffre 13?
De l’autre côté des Alpes, le nombre 17 est de mauvais augure. En France, c’est le 13 qui alimente toutes les spéculations. Pour quelles raison? On en dénombre au moins deux.
Il suit le chiffre 12
Les 12 dieux de l’Olympe, les 12 travaux d’Hercule, les 12 constellations du Zodiaque, les 12 mois de l’année, les 12 heures du jour et de la nuit. Le chiffre 12 revêt une dimension aussi parfaite que sacrée. Et parce que le 13 suit le 12, il est donc jugé peu fiable et opposé au divin et, par extension, maléfique.
Une origine chrétienne: la Cène
La superstition vis-à-vis du nombre 13 puise ses origines dans la religion chrétienne. Et, particulièrement, à un moment crucial de la vie de Jésus: la Cène. Le dernier repas. Autour de la table, treize personnes: les douze apôtres et lui. Dont Judas, le disciple qui le trahira auprès des autorités romaines. Ainsi, le chiffre 13, jugé maudit, est associé au sort funeste de Jésus. Dans la croyance populaire, être treize à table signifierait que l’un des convives va mourir dans l’année. Le repas eut d’ailleurs lieu la veille de la crucifixion de Jésus: un… vendredi.
Professeur Henri Broch, fondateur du laboratoire de zététique à Nice (l’art du doute): "Notre cerveau va trouver des liens même quand il n’y en a pas"
Pourquoi est-on superstitieux ? "Le cerveau humain a une capacité extraordinaire à trouver des relations. Cela nous est utile dans la vie de tous les jours, cela nous permet de détecter des dangers. Mais notre cerveau va trouver des liens même quand il n’y en a pas. Un exemple. Vous lancez à deux reprises deux dés :un double 6 ressort à chaque fois. Les gens vont dire que c’est votre jour de chance. Alors que c’est le pur hasard. Quand il y a des petites séries qui commencent, certains vont chercher une cause derrière. Cela donne une superstition."
Pour le vendredi 13, on retrouve une certaine ambivalence… "On la retrouve pour bon nombre de superstitions. Certains vont passer sous une échelle pour conjurer le sort, d’autres pensent que cela va leur apporter du malheur. Tout cela est très subjectif.Cela dépend comment les gens perçoivent les événements autour d’eux. Pour les jeux de hasard, c’est très difficile d’expliquer le comportement superstitieux, de leur faire comprendre que cela ne sert à rien. Les gens, par exemple, vont avoir tendance à jouer leur date de naissance. Mais s’ils veulent maximiser leurs gains, ils ont tout intérêt à ne pas jouer un chiffre entre 1 et 31, mais un chiffre supérieur, car les autres joueurs vont aussi les jouer."
La superstition est-elle dangereuse? "Pas vraiment, non. À moins que quelqu’un sorte un fusil de chasse pour tuer un chat noir. Je ne veux pas faire un parallèle abusif mais la superstition, c’est un peu comme la religion: il n’y a pas de raisonnement. En science, on ne croit pas, on raisonne. Pour le paranormal, la religion ou la superstition, on n’a pas besoin de raisonner car on croit."
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