Première escale depuis le départ de Port-de-Bouc, au début du mois de mai. Dernière étape avant de franchir la frontière, à l'assaut de la Méditerranée. Sur les traces des migrants en chemin vers l'exil.
Dans le cadre de la programmation du Lavoir théâtre, le bateau des comédiens Mandine Guillaume et Émilien Urbach jette l'ancre à Menton, ce week-end, pour une représentation de la pièce « C'est la goutte d'eau ». Avec à son bord deux nouvelles recrues, deux nouveaux personnages : Pierre-Alain Mannoni et Kostadis Mizaras. Aptes à s'exprimer en italien et en grec pour la suite du périple, toutes voiles dehors vers l'île de Lesbos. « Ils seront les conteurs des messages de la mer. Ils viennent dire qu'elle est en colère », explique Mandine Guillaume. Auteure de la pièce hommage aux sauveteurs, avec son compagnon, Émilien Urbach, après que tous deux sont montés durant trois semaines à bord de l'Aquarius - le bateau affrété par l'association SOS Méditerranée pour sauver des migrants de la noyade - en août 2016.
Porte d'entrée artistique
Le bateau théâtre voguera ensuite vers Gênes, puis Palerme et Catane, le canal de Corinthe, et enfin Lesbos - face à la Turquie. « On va être sur les flots. On va découvrir ce qu'est cette mer. On va vivre des tempêtes et des peurs… »
À chaque fois, la projection d'un film sur le thème sera proposée, en partenariat avec le festival « Zone portuaires ». Des associations d'aide aux migrants attendront par ailleurs l'équipe. Parmi elles, la structure sicilienne qui a reçu tous les enfants rescapés du premier naufrage de Lampedusa. Les dessins que les petits avaient été invités à faire à leur arrivée - pour illustrer ce qu'ils avaient en tête - seront ainsi exposés dans le cadre du projet.
« Le concept, c'est qu'on propose le spectacle. On demande ensuite aux locaux d'organiser des rencontres autour. Qu'ils s'emparent de l'outil pour débattre », indique Mandine Guillaume. Insistant sur le fait que la pièce - toujours en évolution - vise avant tout à réfléchir. Et non à agir. « C'est une porte d'entrée artistique vers le thème des migrants ». Une approche qui a d'ailleurs plu à la journaliste Yasmina Farber, devenue membre de l'équipage à part entière en vue d'un documentaire.
Ravie qu'on l'ait autorisée à accoster dans sa ville de naissance, là où elle a découvert l'univers nautique aux côtés de son père, là où elle a toujours entendu parler de migrants qui s'effondraient du Pas de la mort, Mandine Guillaume ne s'attend pas à ne recevoir que des hourras. Bien au contraire.
« J'espère que des gens en désaccord avec l'accueil des migrants seront présents, pour discuter. On ne prône pas l'accueil de tous. Mais on questionne sur la manière de vivre ce problème. Politiquement, philosophiquement, éthiquement. Il y a une question d'humanité : comment donner la vie quand des gens meurent. Qu'est-ce qu'on est prêts à lâcher pour se protéger ? », clame-t-elle. Consciente que seuls les politiques pourront - et devront - trouver une solution.
Au vieux port de Menton, cette réflexion sera facilitée par un débat avec divers acteurs locaux de la solidarité envers les migrants. « Chacun des intervenants écrira sa bouteille à la mer. Les textes seront ensuite lus, mais par quelqu'un d'autre que son auteur », détaille Mandine Guillaume. Pour qui Menton a, plus que quelque autre cité française, un rôle à jouer. « C'est une ville sur la frontière, face à la mer. Sa place, c'est de regarder vers l'horizon. Et de savoir qu'à côté d'elle, il y a un autre pays ». Dans la direction duquel le bateau théâtre ne tardera pas à mettre le cap. Dans le sens inverse des migrants qui cherchent terre d'accueil.
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