Le combat du jeune mentonnais Thomas Rodier pour sauver sa vue
Atteint d’une rétinite pigmentaire, une maladie génétique incurable, ce Mentonnais de 21 ans perd petit à petit la vue. Il aspire à lever 500.000€ pour entamer un programme de recherche.
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Thibaut ParatPublié le 06/04/2022 à 08:45, mis à jour le 06/04/2022 à 12:35
Pour financer la recherche et aider Thomas à ne pas perdre complètement la vue, la Fondation BPM Group a remis un chèque de 10 000 euros à l’Institut de la Vision à Paris. Photo Jean-François Ottonello
Thomas Rodier tend une paire de lunettes avec deux trous, percés dans les verres, de la taille d’une tête d’épingle. En les enfilant sur le nez, on y découvre un champ de vision drastiquement réduit. "Voilà la façon dont je vois le monde", souffle ce Mentonnais de 21 ans et ancien élève monégasque, atteint de rétinite pigmentaire.
En octobre 2020, le diagnostic médical est tombé comme un couperet: cette maladie génétique dégénérative lui fait perdre progressivement la vue avec, dans un proche avenir, un potentiel état de cécité. "Lors du bilan, il avait une vision de 20 degrés. Les premiers temps furent très difficiles", reconnaît Corinne, sa mère, désormais admirative de l’état d’esprit adopté par son fils.
Il arrête ses études d’ingénieur pour lancer une chaîne Youtube
Car, plutôt que de se morfondre, de se laisser ronger par un sentiment d’injustice, Thomas Rodier s’est montré combatif et entreprenant. Il a tourné le dos à ses études d’ingénieur et à une carrière toute tracée pour lancer une chaîne Youtube - désormais suivie par 12.500 personnes - afin de sensibiliser la jeunesse sur sa pathologie et, plus globalement, sur l’épineux quotidien d’un malvoyant. Notamment dans les transports en commun.
Ce mardi dans le showroom Monaco Luxury, un chèque de 10.000 euros a été remis par la Fondation BPM Group à l’Institut de la Vision.Photo Jean-François Ottonello.
En parallèle, via une cagnotte Leetchi baptisée "Sauvez mes yeux", il a levé près de 50.000 euros pour tenter de financer une (onéreuse) rétine artificielle. "C’est une solution électronique qui peut se faire en France ou à l’étranger. Mais ça, c’est si l’approche de thérapie génique ne marche pas", confie Thomas Rodier.
"Avec 500.000 euros, on démarre le programme"
Justement, un programme de recherche a récemment été ouvert par l’Institut de la vision à Paris, où Thomas Rodier a été embauché pour animer les réseaux sociaux et participer à une levée de fonds, et le centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts.
"À ce jour, cette maladie génétique est incurable. Pour chaque mutation, un programme est nécessaire pour arriver à une solution thérapeutique, confie Emmanuel Gutman, directeur de la Fondation "Voir et Entendre", bras armé de cet institut. L’argent levé par Thomas servira à financer la recherche liée à sa maladie uniquement. Avec 500.000 euros, on démarre le programme scientifique. Il faut plusieurs millions d’euros pour tester cliniquement sur l’homme."
La vision ne sera pas retrouvée, certes, mais la maladie ne progressera plus.Thomas Rodier, animé par l’espoir que son combat serve à d’autres personnes atteintes d’une pathologie similaire, a déjà récolté 40.000 euros ainsi que 15.000 euros de promesses de dons.
Ce mardi dans le showroom Monaco Luxury, un chèque de 10.000 euros a été remis par la Fondation BPM Group à l’Institut de la Vision. La machine est en route.
Et qui sait, espérons que ce jeune homme parvienne à soulever des montagnes, à l’instar d’un Denis Maccario de la Fondation Flavien ou d’un Luc Pettavino d’Only Watch. "Thomas est quelqu’un de combatif. Petit à petit, il va franchir des étapes et avancer dans sa vie avec ces nouveaux projets", prédit Corinne Rodier. Thomas Rodier conclut: "Mes priorités ont changé. Je me bats pour ne pas perdre la vue."
Emmanuel Gutman, directeur de la Fondation Voir et EntendrePhoto Jean-François Ottonello.
Emmanuel Gutman, directeur de la Fondation Voir et Entendre (bras armé de l’Institut de la Vision): "A ce jour, cette maladie est incurable"
Peut-on soigner la rétinite pigmentaire?
À ce jour, cette maladie génétique est incurable. Il n’existe aucun traitement générique. Avec Thomas, l’idée est de lever des fonds pour faire avancer la recherche et trouver des solutions médicales.
Combien vont coûter les recherches?
Avec 500 000 euros, on démarre le programme scientifique. Il faut ensuite plusieurs millions d’euros pour tester cliniquement sur l’homme. Si cela marche, on va réfléchir à comment obtenir une autorisation de mise sur le marché et produire à grande échelle. Dans le meilleur des cas, on parle de 10 à 12 ans de délai.
En cas de commercialisation, comment cela s’illustrera-t-il pour le patient?
On injectera la solution dans l’œil avec le transgène sain. L’organisme produira ainsi la protéine qui permettra de combler la carence et stopper la destruction des molécules.
Existent-ils d’autres approches que la thérapie génique?
Oui. Il y a l’implant rétinien, une technologie qui permet de greffer sur la rétine un circuit intégré qui va communiquer en Bluetooth avec l’extérieur, via des lunettes. Celles-ci sont équipées d’une caméra qui va capter l’image, la transformer en signal électrique pour exciter le circuit intégré. Ce dernier va projeter une image sur le cortex visuel. Ensuite, il y a la thérapie cellulaire, une technologie moins mature, qui consiste en des greffes de cellules permettant à la personne dont les cellules ont été dégradées de retrouver une vue partielle.
Quel regard portez-vous sur Thomas Rodier?
Sa maladie s’est déclarée jeune. Son champ visuel va se rétrécir petit à petit et peut-être l’amener à la cécité. Il a d’abord fallu qu’il digère, qu’il encaisse. Mais il possède une telle énergie qu’il rebondit déjà pour aider l’Institut de la Vision à lutter contre sa propre maladie. En nous rejoignant, il nous a apporté son sang neuf sur tout ce qui touche aux réseaux sociaux, à YouTube. A l’Institut de la vision, on est encore sur des méthodes des années 2000 avec du marketing direct, des levées de fonds classiques…
Le chiffre
55.000. C’est le nombre de personnes en France qui, comme Thomas Rodier sont atteintes d’une dystrophie rétinienne, c’est-à-dire une dégénérescence de cellules photoréceptrices, principalement à la périphérie de la rétine. "À l’intérieur de cette pathologie, il y a différentes mutations. Celle de Thomas concerne quelques milliers de personnes en France. C’est une maladie rare", explique Emmanuel Gutman, directeur de la Fondation "Voir et Entendre", le bras armé de l’Institut de la Vision.
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