"Le collège s’est débarrassé de lui": un père désemparé après l'exclusion de son fils handicapé

Mehdi, 13 ans, a été exclu du collège Bellevue de Beausoleil à la suite de deux conseils de discipline. Son père conteste cette décision, estimant que le handicap de son fils n’a pas été pris en compte.

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Propos recueillis par Marie Cardona (mcardonanicematin.fr) Publié le 11/08/2022 à 07:50, mis à jour le 11/08/2022 à 07:36
Mohammed Ameur se bat pour que son fils, Mehdi, puisse réintégrer un collège proche de son domicile et des professionnels de santé qui assurent son suivi médical. Photo Cyril Dodergny

C’est un père "dans l’impasse" mais "prêt à aller jusqu’au bout" qui sollicite l’aide de Monaco-Matin. "Je suis là pour vous raconter mon histoire. Je peux ne pas être très objectif parce que je parle de mon enfant mais j’ai des éléments qui attestent que la situation dans laquelle on a mis mon fils est totalement injuste", souffle Mohammed Ameur.

Mehdi a 13 ans. Il souffre de troubles du comportement liés à une maladie congénitale: un syndrome de Sturge-Weber. "C’est un trouble neurologique lié à un angiome qu’il a depuis sa naissance au niveau de l’œil et qui a touché une partie du cerveau. Il fait notamment de l’épilepsie, pour laquelle il a un traitement", explique cet habitant de Beausoleil.

Depuis son entrée en 6e, Mehdi est scolarisé au collège Bellevue où il bénéficie d’une AESH [Accompagnant des élèves en situation de handicap, anciennement nommé auxiliaire de vie scolaire, est une personne s’occupant de l’accompagnement, de la socialisation, de la sécurité et de l’aide à la scolarisation d’enfants en situation de handicap]. Mais "tout a basculé cette année [Mehdi était alors scolarisé en 5e, N.D.L.R.]", estime le père de l’adolescent. Il raconte.

Depuis combien de temps Mehdi bénéficie-t-il d’un accompagnement scolaire adapté?
Mehdi est accompagné d’une AESH depuis la classe de CE2. En CM2, il a bénéficié d’un emploi aménagé entre l’école et l’Itep Henri Wallon [un Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique à Villeneuve-Loubet, N.D.L.R.]. Nous avions choisi cette option pour ne pas pénaliser sa scolarité parce que Mehdi est un très bon élève. Sur les deux premiers trimestres de 5e, il était à 16,7 de moyenne. En sachant qu’il rate beaucoup de cours à cause de ses rendez-vous médicaux.

Qu’est-ce qui a changé à son entrée en 6e ?
Le confinement est passé par là et l’internat a fermé. Comme nous ne pouvions pas faire les allers-retours tous les jours jusqu’à Villeneuve-Loubet, l’Itep a décidé de mettre fin à sa collaboration avec Mehdi. On s’est retrouvés à devoir chercher tous les professionnels de santé nécessaires à son suivi médical - orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute, psychologue… - autour de Beausoleil et Monaco pour qu’il puisse bénéficier d’un suivi adapté ici. En 6e tout se passait correctement. Mehdi était épaulé par une AESH, avec qui il avait noué des liens. Elle arrivait à le canaliser quand il piquait des colères. Le stress peut lui provoquer des crises. Il est obnubilé par les bonnes notes. Parce qu’il veut bien faire. Tout a basculé en 5e. Il y a eu un changement de direction et de son AESH. Je l’ai rencontrée pour la première fois en décembre parce qu’il s’est passé un incident qui a obligé le collège à faire une réunion d’urgence.

Quelle était la nature de cet incident ?
Nous avions rapporté à la vie scolaire qu’un élève embêtait Mehdi et nous avions peur que ça finisse mal. Et est venu ce fameux jour de décembre. Lors d’un cours de français, mon fils a eu un problème avec cet élève et ça a dégénéré au point que la professeure a dû faire sortir la classe parce que Mehdi refusait de sortir de la pièce. Et il a tenté de sauter par la fenêtre…

Cet événement a provoqué la tenue d’un conseil de discipline.
Une information préoccupante a été diligentée et un conseil de discipline s’est tenu. Mehdi a reçu une exclusion définitive avec sursis. Il n’y a pas eu d’avertissement, pas de blâme. Dès le premier conseil de discipline, on lui a mis une épée de Damoclès au-dessus de la tête. À un enfant dont les crises sont provoquées par l’angoisse et le stress… On n’a pas tenu compte du handicap de Mehdi. D’autant qu’on a appris récemment que cette tentative de suicide pouvait être un des effets secondaires des médicaments pour son épilepsie. On est en train d’essayer de changer son traitement.

Cette nouvelle information pourrait-elle faire changer le collège d’avis?
Je ne pense pas. La direction a clairement fait allusion à cette tentative de suicide en commission d’appel, rappelant que le collège avait déjà été marqué par le suicide d’un élève il y a quelques années et que les équipes ne voulaient pas revivre ça.

Mehdi est donc retourné en classe avec cette "épée de Damoclès au-dessus de la tête". Ça ne s’est malheureusement pas arrangé?
Mehdi a fait des sacrifices. Il n’allait pas en récréation et ne suivait que les cours pour lesquels il bénéficiait de son AESH. En parallèle, j’ai pris contact avec l’inspecteur d’académie handicap. La direction du collège s’est montrée plus conciliante, prête à faire des efforts. Alors on a décidé d’augmenter le nombre d’heures de cours de Mehdi, mais sans l’AESH. On nous a dit que c’était un test. Au bout d’une semaine, il y a eu une nouvelle altercation en cours d’anglais qui a débouché sur un second conseil de discipline. Et Mehdi a été définitivement exclu.

Vous dénoncez la partialité du collège...
Je dénonce le manque d’objectivité. Le collège l’a jugé comme un élève normal, sans prendre en compte son handicap. Ils ont voulu se débarrasser de mon fils. Lors du conseil de discipline, la directrice a parlé d’un incident qu’on ignorait pour illustrer que mon fils était “un danger pour lui et pour les autres”. Il aurait été aperçu par des médiateurs en train de monter sur le toit d’un arrêt de bus à la sortie du collège. Et il n’en a pas fallu plus pour faire le lien avec la tentative de suicide en décembre.

Sauf que…
Sauf qu’ils se sont trompés de Mehdi. Les faits se sont passé un 22 mars et mon fils était exclu, à titre préventif, depuis le 18. Mais quoi qu’il se passe, il était déjà considéré coupable. Alors qu’il n’était même pas là et qu’il disait que ce n’était pas lui.

Où est scolarisé Mehdi depuis son exclusion?
Il est resté deux mois à la maison sans aller à l’école. Puis une solution nous a été proposée au collège Vento à Menton, qu’il devra réintégrer à la rentrée. Malheureusement, c’est loin pour lui et ça bouleverse toute l’organisation pour son suivi médical.

Qu’attendez-vous à présent?
Notre recours en annulation est en cours. Nous aimerions que Mehdi puisse intégrer un collège proche de notre domicile et de ses médecins. J’ai fait une demande à Monaco, qui a été rejetée. Une à St-Joseph, à Roquebrune, où les classes sont moins surchargées. Je tape un peu à toutes les portes.

Si votre recours en annulation vous donnait gain de cause, vous seriez prêt à renvoyer Mehdi dans son ancien collège?
Ce serait le "moins pire" pour lui. D’autant qu’il va bénéficier de 30 heures d’AESH à la rentrée. Il pourra donc être suivi toute la semaine. D’après mon avocat, c’est possible. Mehdi a des circonstances atténuantes par rapport à sa maladie, aux effets secondaires du médicament qu’il prend. La décision est entre les mains d’un juge.

"Le conseil de discipline est souverain"

Contactée, la direction du collège Bellevue n’a pas souhaité s’exprimer directement sur ces accusations.

 De son côté, le rectorat a fait savoir que "le conseil de discipline est souverain et décide d’une sanction en fonction des éléments dont il dispose".

L’annulation de l’exclusion de Mehdi Ameur et sa réintégration au sein du collège Vento à la rentrée ne semblent donc pas à l’ordre du jour. "La seule obligation que nous avons est de scolariser Mehdi à la rentrée, ce qui est le cas au collège Vento de Menton."

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