La villa Ephrussi, à Saint-Jean-Cap-Ferrat, va-t-elle être repeinte en jaune?

La célèbre villa «Île de France», connue à travers le monde comme la «Pink villa», tel qu’en atteste le nom de sa page sur le site Internet TripAdvisor (près de 2.000 commentaires), va-t-elle redevenir jaune?

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Agnès Pasquetti-Barbera  Publié le 02/05/2018 à 18:57, mis à jour le 02/05/2018 à 19:00
Photo A.P.B.

Nice-Matin s’étonnant de l’étrange peinture ornant l’entrée de la villa, un patchwork de jaunes et de marrons, a cherché à en comprendre la raison. Il semble que la direction régionale des Affaires culturelles (Drac), émanation du ministère de la Culture située à Aix-en-Provence, a demandé à l’Académie des Beaux-arts (propriétaire depuis 1933) de redonner à la maison sa couleur originelle.

En tant que gestionnaire du site depuis 1992, Culturespace serait chargé de répondre à cette requête. La «folie» de la baronne Charlotte Béatrice Ephrussi de Rothschild, construite de 1907 à 1912, était initialement teinte en jaune, à l’image des villas Maryland et Léopolda à Villefranche-sur-Mer.

Le rose s’est imposé dans les années soixante, lors de la restauration générale du site, gravement endommagé par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Avec cette nouvelle robe, la villa ajoutait à son style Renaissance italienne, une touche de romantisme vénitien désormais caractéristique du lieu.

Logique ou aberration?

Le conservateur de l’époque a-t-il trahi l’esprit voulu par la baronne en changeant la couleur de sa maison? Pas vraiment, semble-t-il, car entre jaune et rose, le cœur de la richissime héritière a toujours balancé, à l’image de celle dont elle copiait les robes et le style: Marie-Antoinette.

On retrouve cette dualité dans le marbre des escaliers menant à l’étage: marches jaunes et plinthes roses; mais aussi dans les colonnades en marbre rose de Vérone du célèbre patio, surmontées de chapeaux jaunes. Une ambivalence que la baronne avait souhaitée aussi dans le jardin espagnol qui arbore les deux teintes, jusque dans les fleurs.

En 1911, elle commanda au rosiériste Paul Nabonnand une rose bicolore et odorante, qu’il créa à sa demande: «carminée, chamoisée, teintée de cuivre, centre chamois doré»… Ne la cherchez pas, elle n’existe plus. Le rose était omniprésente dans la vie de la baronne, dont sa cousine, la sulfureuse Élisabeth de Gramont, disait: «la baronne portait presque toujours des robes roses et semblait partir éternellement pour un bal.»

L’une de ses villas monégasques se nommait aussi «Rose de France». En outre, comme en attestent les essais de pigments sur l’angle de la maison, on ne connaît pas vraiment la couleur d’origine. Le jaune du jardin espagnol date de la restauration de 1960 et les archives photographiques sont en noir et blanc. Certaines sources parlent de jaune-ocre, d’autres de jaune-ivoire… Les moulures semblaient blanches, comme aujourd’hui, mais des essais bruns et ocres sont en cours.

Si le but est de retrouver la couleur spécifiquement choisie par la baronne, l’entreprise risque d’être compliquée.

Est-ce une priorité?

Le 19 avril, Nice-Matin se faisait récemment l’écho des problèmes de financement du musée, qui peine à trouver les fonds nécessaires à la restauration et à la conservation de ses collections. Selon une entreprise locale, pour repeindre les 2.500 m2 de façade avec des ocres minéraux (et 4 % maximum de peinture organique), il faut compter entre 70.000 et 80.000 euros.

Une somme qui pourrait être allouée à d’autres travaux plus urgents, tels que la remise en état structurelle de la villa ou la restauration des collections. Escalade de frais et de complications en vu? La villa, qui reçoit chaque année 170.000 visiteurs, vit en grande partie de sa communication, réalisée autour des jardins et de la couleur de la façade.

Et même si le jaune ne gâche rien à la beauté des lieux, on peut se demander à combien s’élèverait la note, pour repenser tout le marketing et les supports de communication mis en place ces dernières années autour de cette particularité, non seulement par le musée mais aussi par les offices de tourisme, Cœur Riviera et autres partenaires.

Les visiteurs venus du monde entier pour découvrir l’excentrique «Pink villa» arriveront-ils à projeter leurs attentes sur une bâtisse jaune? Si celle-ci le fut pendant quarante-quatre ans, elle est rose depuis soixante-deux ans et tous les films et photographies la représentant la montrent ou en noir et blanc, ou en rose. 

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