Avant la fusion des pénitents blancs et noirs au sein de la Vénérable Archiconfrérie de la Miséricorde en 1813, les pénitentes et pénitents de Monaco célébraient solennellement la Semaine sainte : le Jeudi saint, c'étaient les Blancs avec la procession de la Vierge Marie à la recherche de son divin Fils ; le Vendredi saint, c'étaient les Noirs qui représentaient quelques tableaux du Chemin de Croix. Ces traditions remontaient pour la première au début du XVIe siècle et pour la seconde au XVIIe siècle.
Mais la plus célèbre était assurément la procession du Vendredi saint à cause du spectacle original qu'elle offrait par la représentation costumée et mimée des Mystères de la Passion du Sauveur. Cette procession costumée du Vendredi saint assez ancienne ne remonterait pas jusqu'au XVIIe siècle, puisque Don Pacchiero, curé de la Paroisse Saint-Nicolas du Rocher de 1615 à sa mort survenue en 1662, d'ordinaire si minutieux, n'en parle pas dans son « Giornale ». Elle doit certainement dater de la constitution de l'Archiconfrérie pour atteindre sa forme définitive vers le milieu du XIXe siècle.
Mais cette procession qui se signalait par son pittoresque tourna vite à la mascarade. En effet, quelques désordres individuels ont nui à cette cérémonie qui était uniquement destinée à réveiller les sentiments de piété des assistants. Depuis longtemps, l'autorité ecclésiastique, d'accord avec le gouvernement, avait essayé de supprimer cette procession sans pouvoir y réussir à cause de la ténacité des Monégasques à garder intactes leurs vieilles traditions dont cette manifestation religieuse faisait partie.
Déjà en 1847, Mgr Galvano, évêque de Nice dont dépendait alors la paroisse de Monaco, supprima la représentation des Mystères. Mais les membres de la confrérie vont mettre beaucoup de constance et de persévérance pour reconquérir la liberté de représenter les Mystères religieux de la Passion en protestant « qu'elle veut faire la procession avec toute la dévotion, la décence et la piété qu'exigent les Mystères de notre Sainte Religion ». Et en 1853, l'évêque rétablit la procession avec la représentation des Mystères mais sans permettre « l'abus de faire des représentations d'une façon scénique et il sera donc défendu de faire comme les acteurs dans une tragédie ».
Mais en 1868, cette fameuse procession costumée et mimée des Mystères de la Passion sera définitivement supprimée par ordre de Mgr Dom Romaric Flugi d'Aspremont, abbé ordinaire de Monaco (1).
Pendant quelques années, on assista à un assoupissement de l'Archiconfrérie. Mais après la création d'un évêché dépendant directement de Rome le 15 mars 1887, l'association reprit toutes ses activités religieuses et le besoin se fit sentir de revoir le programme de la Semaine sainte. La procession du Christ-Mort fut rétablie. À la différence de l'ancienne procession costumée, désormais aucune scène n'est mimée et la figuration est plus limitée. Le soir du Vendredi saint à 20 h 30 à partir de la Chapelle de la Miséricorde la procession du Christ-Mort représentant les principales scènes du Calvaire se déroule à travers les antiques rues du Rocher pour se rendre à la Cathédrale avec le chant du « Miserere » et les sons d'une marche funèbre. Cette pieuse procession de l'Archiconfrérie de la Miséricorde, empreinte de dévotion et de ferveur, au milieu d'une foule toujours plus recueillie, témoigne encore plus, en cette année jubilaire de la Miséricorde, de l'attachement des Monégasques à leur foi religieuse et à leurs traditions.
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