La marche en mémoire des tirailleurs fête ses dix ans

Lancé en 2008 peu après la création de l'Association mémoire du tirailleur sénégalais, ce pélerinage entre Nice et Menton rendait hier hommage aux milliers de soldats africains morts pour la France

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alice rousselot Publié le 09/05/2018 à 05:06, mis à jour le 09/05/2018 à 05:06
Cyril Dodergny

Vingt-quatre kilomètres pour rallier un monument aux Morts colossal - celui de Nice - à un petit cimetière. Celui du Trabuquet, à Menton, où trône fièrement, depuis 2012, la statue d'un tirailleur. Désarmé.

Témoignage d'un passé douloureux pour l'Europe comme pour l'Afrique. Symbole d'un avenir tourné vers l'apaisement.

Hier, la marche du tirailleur - organisée par l'association mémoire du tirailleur sénégalais (AMTS) - a célébré ses dix ans. Avec l'objectif, intact, de sensibiliser la population, et notamment les nouvelles générations, au fait que des Africains ont combattu pour la France. Durant la Première guerre mondiale, entre autres. Que beaucoup d'entre eux, blessés, ont été rapatriés à Menton. Où ils ont été soignés. Où certains ont perdu la vie, loin de leurs racines.

« Entrer dans la lumière de l'Histoire »

Dix ans après le début de cette randonnée du souvenir, le combat pacifique continue. Pour que jamais leur mémoire ne s'estompe. Pour qu'une relève soit assurée au sein des défenseurs.

Comme chaque année - et malgré la grève des trains qui aura réduit le nombre de participants - une grappe de lycéens niçois était ainsi présente. Prête à déclamer, au cœur du cimetière, des poèmes de circonstance, signés Senghor : « On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme… » Exception faite du Trabuquet, bien sûr, où des panneaux indiquent aujourd'hui - grâce au travail de l'AMTS - l'identité des tirailleurs morts dans la cité.

« C'est important de montrer que la mémoire peut durer, commentent Célia, Valentine, Angèle, Aurélien, Maxime, JB et Maël, élèves au lycée Sasserno ; et courageux marcheurs. En cours d'histoire, nous avons étudié comment, en tant que citoyen européen, nous pouvions transmettre l'histoire des tirailleurs. » Volontaires, tous assurent qu'ils participeront de nouveau à la marche l'an prochain, même si « ça fait mal aux jambes ».

Leur professeur, Gaspard Mbaye, également président de l'AMTS, note qu'il y a dix ans, « nous étions plus jeunes, plus nombreux, plus déterminés ». Reste que la ferveur et l'enthousiasme demeurent.

« À travers nos marches, nous avons changé cette nécropole. Nous avons sublimé le Trabuquet en y édifiant le mémorial du tirailleur, poursuit-il, entouré des marcheurs, d'associatifs et d'officiels. Désormais, quiconque entrant dans ce lieu ne peut ignorer la présence de ces milliers de tirailleurs morts pour la France. Ne peut oublier leur engagement héroïque aux côtés de la France combattante. C'est à vous, tirailleurs sénégalais, c'est à vous qu'il revient d'entrer dans la lumière de l'Histoire. »

Et de rappeler que l'histoire de ces déracinés renvoie à un combat qui porte le nom de liberté et d'égalité. « Non pas pour vous-mêmes, mais pour sauver le monde de l'extermination programmée », les apostrophe-t-il de nouveau, non loin des croix blanches semées en leur honneur. Ajoutant que le présent n'est pas débarrassé des menaces qui planaient au début du siècle.

« L'ombre du mal guette toujours. Elle déchire la chair de vos enfants qui rêvent d'ailleurs sur les barbelés acérés de nos frontières. Elle noie le souffle de vos enfants dans les abysses de cette mer bleu horizon sous nos regards atones. Elle réduit vos enfants en esclavage au-delà des rives du Sahel » clame-t-il dans un vibrant plaidoyer. Heureux de pouvoir inscrire ses pas dans celui des tirailleurs avant lui. Reprenant le flambeau de leur lutte. Pour la paix et la tolérance. Pour la France.

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