La majorité menace de voter contre le budget de l'État

À la suite d'un désaccord avec le gouvernement sur le logement autour du projet Grand Ida, lors de l'examen du budget primitif au Conseil national, le président Stéphane Valeri s'est emporté

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Thibaut Parat Publié le 15/12/2018 à 11:56, mis à jour le 26/12/2018 à 11:56
Serge Telle, Ministre d'État, et Stéphane Valeri, président du Conseil national, ont exposé leurs arguments sur le logement tour à tour dans l'hémicycle.
Serge Telle, Ministre d'État, et Stéphane Valeri, président du Conseil national, ont exposé leurs arguments sur le logement tour à tour dans l'hémicycle. archives Jean-François Ottonello

Jusque-là, les débats sur l'examen du budget primitif étaient plutôt sereins. Apaisés. Un peu trop, peut-être, surtout après une campagne des élections nationales qui laissait augurer une relation tendue entre la majorité Primo! et le gouvernement, ce qui, en réalité, ne fut pas publiquement le cas depuis ce début de mandature. Mais, jeudi soir dans l'hémicycle du Conseil national, les joutes verbales ont bel et bien pris le dessus. Jusqu'à friser « un début de crise politique institutionnelle majeure », aux dires du président, Stéphane Valeri.

Tout est parti d'un dossier précis. Celui de la première phase du Grand Ida et ses 140 appartements domaniaux neufs. L'un des grands programmes pour résorber la tension actuelle du logement. Les conseillers nationaux ont, tour à tour, invité le gouvernement à opter pour la solution de la maîtrise d'ouvrage déléguée (MOD). Littéralement, confier le projet à des opérateurs privés, « pour gagner du temps dans un contexte d'urgence », plutôt que de le réaliser en interne. Dans la foulée, les élus se sont interrogés sur le calendrier du chantier et notamment sur la date de livraison.

« Quand on construit un immeuble simple, la MOD est une bonne solution, répond Marie-Pierre Gramaglia, conseiller de gouvernement-ministre de l'Équipement, l'Environnement et l'Urbanisme. Mais quand on part sur des ouvrages complexes et techniques - ce qui est le cas avec cette phase 1 avec un socle, un schéma de circulation et le dévoiement des réseaux - c'est beaucoup plus compliqué. Je ne suis pas persuadée que ce soit la meilleure solution mais rien n'est arrêté à ce jour. Si on reste en maîtrise d'ouvrage public (...) les travaux de la phase 1 seraient compris entre 2021 et 2025. Une livraison à peu près en 2 025, donc, mais il faut qu'on affine, ce sont des estimations à la louche. »

« Un désaccord profond »

Il n'en fallait pas plus pour provoquer l'ire de Stéphane Valeri. « C'est la première fois depuis lundi qu'on a un désaccord profond. C'est inacceptable, inimaginable qu'on livre ces 140 logements en 2025. Avec des opérateurs privés, ce serait livré en quatre ans. »

« On parle de restructurer tout un quartier, ce n'est pas juste construire un immeuble », lui fait remarquer Marie-Pierre Gramaglia.

Le président du Conseil national ne tient pas compte de sa remarque et interpelle le Ministre d'État, Serge Telle, quitte à menacer ouvertement le gouvernement : « Cela remet complètement en cause le vote du budget. Les Monégasques ont besoin d'être logés, dans les meilleurs délais et dans des immeubles de qualité. »

S'en est suivi une bataille des chiffres entre Franck Lobono, conseiller national, et Jean Castellini, conseiller de gouvernement-ministre des Finances et de l'Économie, à propos du nombre de demandes de logement supplémentaires chaque année. De quoi alimenter grassement ce clash, alors même que les deux parties sont foncièrement d'accord sur le fond du problème : la nécessité urgente de résorber la pénurie du logement.

« Le plan national pour le logement a été validé par le souverain, a réagi Jacques Rit, élu d'opposition Horizon Monaco. Je suppose que Conseil national et gouvernement vont travailler ensemble. Mais ce soir, à nouveau, on a de pathétiques affrontements sur les chiffres. On va bien, à un moment, arriver à tomber d'accord ? »

« Pas faire d'Ida le point de rupture »

« On se retrouve en janvier, car le budget on votera contre. Il ne faut pas que vous mettiez le feu ce soir car vous êtes responsables d'une crise institutionnelle. On ne juge pas les politiques sur les discours mais sur leurs actes », renchérit Stéphane Valeri.

« Voilà, c'est ce que j'allais vous proposer, rétorque Serge Telle, Ministre d'État. Lequel, dans un calme olympien, tente d'éteindre le feu.

D'abord en appelant à la sérénité des débats. « Il ne faudrait pas faire d'Ida le point de rupture. On doit pouvoir faire mieux et les Monégasques doivent pouvoir vivre dans leur pays dans des conditions satisfaisantes, a-t-il martelé. Dans l'état actuel du dossier, il y a un certain nombre de contraintes qui allongent les délais. On travaille à les réduire. On va chercher la bonne formule et notre intention n'est pas de mettre des difficultés dans les rapports qu'on a avec vous. Comment ces opérateurs privés le font en quatre ans ? On va expertiser. S'ils le font, je vous assure que nous ne sommes pas dogmatiques et qu'il y aura une MOD. »

Puis, en prenant divers engagements. « Consulter les opérateurs sur leur capacité à faire Ida en quatre ans s'ils nous expliquent comment. Discuter ensemble, à la rentrée, sur la situation réelle de la pénurie du logement, chiffres à l'appui. Enfin, on a dans nos cartons des opérations intermédiaires qui devraient apporter 67 et 45 appartements durant la durée de la mandature, à l'horizon 2022-2023 ».

Des « déclarations apaisantes » pour Stéphane Valeri qui a, toutefois, fait rejeter cette ligne du budget au vote. Réclamant plus de garanties. Hier après-midi, la majorité Primo! a envoyé une missive au Ministre d'État dans laquelle elle demande des engagements précis sur plusieurs points, dont le dossier Grand Ida. « Nous étudierons la position du Gouvernement princier avec attention et elle sera déterminante pour le vote de la loi de budget primitif 2019, par la majorité des élus des Monégasques », prévient-elle.

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