La loi Asile et immigration disputée à Breil-sur-Roya

Première réunion publique, lundi, pour la députée Alexandra Valetta-Ardisson depuis qu'elle préside un groupe d'étude sur les conditions d'accueil des migrants. Echanges musclés à la clé

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Publié le 21/02/2018 à 05:06, mis à jour le 21/02/2018 à 05:06
De nombreux habitants de la Roya - toutes positions confondues - ont participé à la réunion.
De nombreux habitants de la Roya - toutes positions confondues - ont participé à la réunion.

La députée de la 4e circonscription, Alexandra Valetta-Ardisson, priait (la salle) Sainte-Catherine pour que le débat ne s'envenime pas, lundi. Consciente que poser la question de l'accueil des migrants à Breil-sur-Roya, point névralgique, s'apparenterait davantage à un chemin de croix qu'à un salut. À deux jours de la présentation de la loi « Asile et immigration » en conseil des ministres - il se tient aujourd'hui -, qui plus est.

La réunion publique, introduite par le maire de Breil, André Ipert - pour qui il était important de « se dire ce que l'on a à se dire, en espérant que des éléments de discussion se retrouvent au niveau du projet de loi » - aura assurément échauffé les esprits. Résumé des pierres d'achoppement.

Légitimité de la loi

En terme de gestion des flux migratoires, la députée évoque volontiers un constat d'échec. « Les procédures appliquées ne répondent plus aux flux migratoires. C'est pourquoi le Président et le ministre de l'Intérieur ont décidé de partir sur un nouveau texte. » Mais dans la salle, on estime que cette future loi ne présente rien de nouveau. « Chaque président a eu droit à sa loi, proposant une maîtrise de l'immigration, souligne Me Oloumi. Mais à chaque fois, quand on a discuté avec tous les acteurs concernés, ils nous ont répondu qu'ils n'avaient pas les moyens de faire cette politique. » Et l'avocat d'ajouter que « personne ne prend jamais le temps » quand il s'agit de légiférer sur l'immigration. « On peut toujours attendre, mais on n'aura jamais d'accord mondial. Il faut faire un premier pas », tranche l'élue. Expliquant avoir elle-même quelques réticences. « Ce qui me gêne, c'est de réduire les délais de prise en charge des demandes d'asile si les moyens suffisants ne sont pas accordés. »

Capacités d'accueil

Le curé de Tende évoque le cas d'Africains, dans les années 70, qui avaient dû émigrer chez des voisins n'ayant rien. « Ils ont partagé la misère. Et nous, on dit qu'on n'a pas les moyens d'accueillir. Le problème est peut-être plus de notre côté que de celui des migrants… » Un homme embraie : « Vous nous donnez des chiffres, des infos brutales. Vous avez une façon apeurée de présenter la loi. Moi, j'aimerais qu'elle transpire la fraternité. Mais elle a visiblement vocation à faire peur. Nous sommes la 5e puissance économique, certaines régions de France manquent de population. Alors oui, il y a de la place », lâche-t-il. Précisant qu'on ne pourra pas empêcher l'arrivée de migrants. « Vous pouvez monter des murs, ils viendront. Alors il est temps de prendre le taureau par les cornes. »

Concertation

Alexandra Valetta-Ardisson l'assure : la loi sera amenée à évoluer. « Il faut pour cela que des élus viennent faire des réunions comme celle-ci. Pour qu'il y ait des remontées de terrain. Rien ne m'oblige à être ici. Je sais bien que je n'ai que des coups à prendre », assume-t-elle. Désireuse de rencontrer des gens de tous horizons avant la présentation du texte de loi à l'Assemblée nationale. « On a un mois et demi pour essayer de le faire bouger. Le groupe d'étude que je préside permettra d'auditionner officiellement les différents acteurs. De faire le tour des bonnes et des mauvaises pratiques. »

Le responsable de l'Auberge solidaire de Calais souligne que toutes les grandes ONG ayant fait des remarques sur la question n'ont pas été entendues. « Pourquoi le serions-nous, nous ? »

Propos tenus en septembre

Les membres de Roya citoyenne se montrent encore très remontés contre la grosse interview de la députée publiée dans Nice-Matin en septembre. « Est-il utile de discuter avec quelqu'un qui a menti ? », questionne Georges Faye. « Assumez-vous vos propos sur l'accueil des migrants dans la vallée ? », demande un autre homme. « Oui, je considère que ce n'est pas à Cédric Herrou, ni à Roya citoyenne de prendre en charge les migrants. Mais bien à l'État. Et j'ai aussi dit que les gens de la vallée avaient du cœur », répond l'élue.

« C'est une minorité ! crie un homme depuis le fond de la salle, clairement opposé à l'accueil des migrants dans la vallée. Nous, nous n'avons pas été concertés… »

Délit de solidarité

Une avocate propose à l'élue de venir au tribunal au prochain procès d'un « grand cœur » de la vallée. Réponse de l'intéressée : « Un militant qui connaît la loi mais va à son encontre doit être condamné. En revanche, si une personne est condamnée alors qu'elle a scrupuleusement respecté la loi, je serai à vos côtés. » Aussitôt, des militants font remonter le nom de Martine Landry, condamnée pour avoir aidé deux mineurs. Françoise Cotta résume l'état d'esprit des solidaires : « Nous avons vécu une situation épouvantable… et l'État nous a tourné le dos. À Vintimille, il y a une mère et sa petite fille qui ont été reconduites pour la 6e fois. J'ai très envie d'aller les chercher. Serai-je pour autant hors la loi ? »

Classification des migrants

« Comment allez-vous distinguer quelqu'un qui fuit la dictature de quelqu'un promis à la famine ? demande un spectateur. Tous les deux sont menacés… » La députée répond qu'une classification sera proposée selon que le pays d'origine est sûr ou non. Et si, de son point de vue, « les Érythréens devraient avoir en grande partie le statut de réfugiés et le problème des migrants climatiques va se poser », l'élue dit faire confiance à l'Ofpra pour vérifier que les personnes sont en danger. « Je conçois que la procédure de non-admission puisse choquer. Mais je ne pense pas que l'on doive accueillir l'ensemble des gens qui veulent entrer ! », lâche-t-elle. Obtenant des applaudissements nourris au fond de la salle.

Dérives de l'État

« Je suppose que cette loi permettra de mettre fin au dispositif inefficace, coûteux et inhumain déployé à la frontière ? », questionne-t-on. Avant qu'un autre homme n'évoque le contrôle au faciès systématique à Garavan. « Je souhaiterais vous inviter 48 h avec nous à la frontière, enchaîne l'avocate Mireille Damiano. Le week-end dernier, 20 mineurs ont été refoulés illégalement. Vous ne pouvez pas nous dire ne pas le savoir. C'est un bal incessant…»

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