L'incroyable retour à la vie de Pierre à la vertèbre éclatée

Témoignage En toussant, Pierre, atteint d'un myélome, a senti une cervicale éclater. Maintenu par un corset sur-mesure, il a pu être sauvé grâce à une intervention jamais réalisée auparavant

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Joëlle Deviras Publié le 25/11/2017 à 05:24, mis à jour le 25/11/2017 à 05:24
Entre le Dr Philippe Brunner, qui a réalisé cette intervention ultra délicate, et Pierre Stalteri : une amitié est née entre les deux hommes.
Entre le Dr Philippe Brunner, qui a réalisé cette intervention ultra délicate, et Pierre Stalteri : une amitié est née entre les deux hommes. J.D.

« Dans l'armée, j'ai frôlé tous les dangers, poussé par l'adrénaline. Je dansais avec la mort. J'avais l'impression de tout maîtriser. » Pierre, 51 ans, atteint d'un myélome (une forme de cancer des os), a bien failli être tétraplégique. Aujourd'hui, après l'intervention du Dr Philippe Brunner qui a décidé de cimenter sa deuxième vertèbre cervicale (l'axis) en lui glissant une aiguille par la gorge, Pierre est debout. Debout oui… quand tout le monde le voyait intubé avec juste les paupières encore mobiles comme seule expression de son humanité.

Le 26 septembre, en se mouchant, il a senti sa vertèbre éclater. « J'ai immédiatement compris qu'il ne fallait plus que je bouge. Les pompiers sont arrivés. Ils m'ont d'abord emmené à Cannes. Durant trois jours, je me suis tenu la tête avec les mains. »

C'est enserré dans un corset rigide de la tête jusqu'au bassin l'empêchant de bouger la tête d'un millimètre que Pierre est arrivé au centre hospitalier Princesse-Grace (CHPG) de Monaco pour rejoindre son oncologue le Dr Georges Garnier qui l'a aussitôt confié au Dr Philippe Brunner, chef de service de radiologie interventionnelle. La vertèbre fragilisée pouvait à tout moment sectionner la moelle épinière ou l'endommager, occasionnant des troubles neurologiques graves.

En passant par la bouche

Il s'est agi de pratiquer une cimentoplastie, c'est-à-dire une consolidation par injection de ciment dans la vertèbre. « La technique conventionnelle consiste à atteindre la vertèbre par la nuque. Mais dans le cas de Pierre, ce n'était pas possible car il y avait un risque fragilisant des arcs postérieurs », explique le Dr Philippe Brunner. L'opération a donc été effectuée par la bouche, sous anesthésie générale. Une première. « Ce qu'a fait Philippe Brunner, c'est un truc de fou. Je lui ai dit : " J'ai vécu toute ma vie debout ; je veux rester debout ; sinon, je préfère mourir. Il faut aller d'un côté ou d'un autre du fleuve. "»

« Mon intervention a duré exactement huit minutes, explique le radiologue. Il voulait soulever sa gamine de 11 ans. Ça, ça donne une énergie folle. »

Huit petites minutes mais des jours et des heures à ne penser qu'à cela. « J'étais dans mon monde ; j'étais dans ma bulle. J'ai dormi quelques heures avant l'intervention. Je me suis réveillé à 4 heures. Le risque était ultra-calculé. J'étais très confiant. J'ai voulu faire du fonctionnel. Je n'avais pas le choix. Alors, je suis passé par le pharynx. C'est dans le bulbe rachidien que tout se passe. Il fallait que le ciment soit comme un miel qui goutte. Un des risques était qu'une fuite de ciment dans une veine ou dans le canal rachidien comprime la moelle épinière. Tout le monde était inquiet. À la fin de l'intervention, les infirmières m'ont dit : " Et maintenant, qu'est-ce que l'on fait ? " J'ai répondu : " Enlevez-lui le corset et donnez-le à Emmaüs. »

« Je me sens vivre »

Aujourd'hui, Pierre rend régulièrement visite au Dr Brunner dans son bureau. Ils parlent, discutent, échangent, évoquent leurs souvenirs, refont le monde. « On ne sauve pas toujours des vies. L'histoire de Pierre est l'une des plus belles que j'ai écrites sur ma route. C'est intense, Pierre revient à la vie, à sa vie, celle qu'il porte à bout de bras dans des situations terribles depuis son engagement dans l'armée ! Le bonheur que je lis dans ses yeux est une source énergie incommensurable. »

Pour Pierre, cette intervention est plus qu'une vie retrouvée ; c'est une nouvelle existence. « Aujourd'hui, je me sens vivre. Quand je suis descendu au bloc, je ne pensais pas en remonter. Je n'avais ni peur ni inquiétude. Après une telle intervention, ça vous fait rencontrer la vraie vie et l'amour. Vous mesurez la dette que vous avez. Il faut l'honorer après, en essayant de rendre la vie plus simple aux autres. J'ai décidé de rire, de revenir aux choses les plus simples. Je fumais. Je roulais vite. Tout ça, c'est fini. Il y a des gens qui se sont donné du mal pour me sauver. Je n'ai pas le droit de les décevoir. Je dis " merci " à la vie tous les jours. »

Alors dans le bureau du Dr Brunner, parmi les radiographies et autres publications scientifiques, il y a comme un doux vent de philosophie, de spiritualité même, d'amitié surtout, de rire, de larmes. « L'espoir existe, insiste Pierre. Philippe en est la preuve vivante. C'est lui qui a pris le risque. Et j'en suis le témoin. »

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