Quand on a pour ambition de changer radicalement le visage d'un quartier - celui de Carnolès - on aspire naturellement à ce que la population adhère. C'est pourquoi sur le dossier de l'aménagement de l'ancienne Base aérienne 943, les habitants ont d'emblée été concertés. Une nouvelle étape a été franchie, mardi, avec une réunion publique organisée au siège de la Carf, à Menton. L'occasion pour les élus et le bureau d'étude missionné de faire un état des lieux de la réflexion en cours. « Le dossier a évolué et c'est normal. Entre autres parce que nous avons tenu compte de vos avis et impressions recueillis », introduit le maire, Patrick Cesari. Soucieux de proposer un projet « harmonieux qui se fonde dans l'esprit du quartier ». Afin de valoriser Roquebrune, et d'y apporter « quelque chose de neuf ».
État des lieux
Céline Préget, du bureau d'étude en urbanisme « Citadia », expose en premier lieu les particularités du site. D'ordre topographique, d'abord : naturellement étagé, avec un dénivelé de 20 m, réparti en plusieurs unités (colline, espaces où se trouvaient les bâtis et bande littorale). L'experte souligne par ailleurs les caractéristiques de l'occupation passée. « C'était un site imperméabilisé avec peu d'espaces verts. Et un seul accès. Les murs d'enceinte le rendaient opaque par rapport à l'extérieur. » Tant de spécificités qu'il faudra gommer ou transformer en atout. Dans un quartier - très dense - marqué par un déficit d'espaces publics.
Les demandes de l'État
Le terrain de 3,5 hectares a pu être cédé par l'État sous certaines conditions. La plus représentative relevant de l'habitat.
L'espace devra ainsi comporter 75% de logements (dont 30% de logements sociaux). La convention prévoyait par ailleurs que soient installés des équipements publics (qu'ils soient nouveaux ou seulement déplacés), ainsi qu'une activité économique.
Les souhaits de la population
Un atelier avait été organisé sur site, le 27 septembre 2016, afin que la population puisse transmettre ses envies et commentaires. Le bureau d'étude a ainsi pu incorporer les remarques des 75 participants pour travailler sur les grandes orientations. Quatre points principaux en sont sortis : « Une vigilance a été demandée par rapport à la hauteur des bâtiments. Sont également revenus le besoin d'équipements publics, le besoin de nature, et de commerces de proximité », résume Céline Préget.
Insistant sur le fait que les riverains veulent plus largement une « perméabilité depuis les quartiers périphériques ».
Déjà des changements
Les concertations entreprises depuis le début de la réflexion ont déjà abouti à des négociations fructueuses. Alors que l'État souhaitait dans un premier temps une zone constructible de 50 000 m², la municipalité a ainsi obtenu qu'elle n'excède pas les 41 000 m². « Les rendez-vous de travail avec la population ont été un soutien pour obtenir gain de cause », commente Patrick Cesari. Ajoutant que 10 000 m² en moins se traduiront par moins de logements : 439 contre 538 à l'origine. « Mathématiquement, cela permet de réduire la hauteur des immeubles », souligne-t-il. Par ailleurs, des équipements publics qui devaient trouver leur place sur le terrain de la Base en seront finalement absents. À commencer par le SDIS, qui ne s'y intégrera pas « pour des raisons fonctionnelles ». De même, le projet de commissariat de police est enterré. Un simple centre de sécurité devrait finalement intégrer l'ancienne BA.
L'espace gagné pourrait ainsi permettre d'accueillir des équipements d'autre nature : l'école de la Plage et sa cantine - une « nécessité ». Et pourquoi pas une salle polyvalente ou l'école de musique.
Les pistes du bureau d'étude
Dans ses conclusions, « Citadia » propose de respecter un principe de répartition des fonctions selon les caractéristiques du site. Un pôle d'échanges au niveau de la gare, une zone composée d'équipements publics et d'entreprises au contact de la ligne ferroviaire (pour éviter les nuisances), et les habitations au centre. Avec 30 % d'espaces verts, sous forme d'un grand parc au cœur de l'écoquartier.
Pour optimiser l'emprise au sol, certains espaces publics pourraient trouver place au rez-de-chaussée des immeubles d'habitation. « Il faudra compter sur une capacité importante de stationnement pour répondre aux besoins générés par l'opération dans son ensemble. Nous les avons évalués à 1 500 places - dont 900 sur le pôle multimodal », détaille Céline Préget.
De son point de vue, il est par ailleurs important que les infrastructures (trottoirs, voirie, pistes cyclables…) soient élargies. Et que la vue sur la Méditerranée soit optimisée au maximum. Via un système de trouées pour proposer des « belvédères vers la mer ».
Patrick Cesari rappelle cela dit que rien n'est encore fixé : « Le projet va faire l'objet d'un concours d'architectes. Des équipes pluridisciplinaires capables de travailler sur la hauteur des bâtiments, certes, mais aussi la circulation, l'environnement, les parkings, etc. vont plancher dessus. Quatre projets seront présentés à la fin de l'année. Et on ne va pas vous laisser dans l'ignorance. Je ne veux pas qu'on se revoie seulement au premier coup de pioche… »
Les questions posées
Dans l'assistance, on questionne sur l'avenir des « belles pierres » et des « très beaux arbres » qui se trouvaient sur site. « Nous avions effectivement le souhait de garder une grosse partie des pierres, et l'entreprise a rempli sa mission. Quant aux arbres, c'est quelque chose à mettre dans le cahier des charges pour que les architectes nous proposent des solutions », répond le maire.
« Qui sera le maître d'ouvrage ? », questionne un homme. Le directeur général des services à la Carf, Alain Riquet, déclare qu'il s'agira de la communauté d'agglo elle-même. Qui entend bien conserver, ensuite, la fonction d'aménageur. « C'est un espace trop important pour qu'on laisse faire n'importe quoi. On veut pouvoir peser sur son destin… » Dans le public, on réplique être satisfait que l'affaire ne revienne pas aux mains d'un promoteur privé. Céline Préget opine. Insistant sur le fait que « la procédure de ZAC (Zone d'aménagement concerté) permet un cahier des charges très précis : typologie des logements, matériaux, hauteur des arbres, etc. »
Calendrier
Du côté des décideurs, les choses sont claires : il faudra « une décennie » pour que ce nouveau quartier sorte de terre.
De nombreuses étapes administratives émailleront les mois et années à venir. « Le premier rendez-vous important sera le 30 juin 2019 : on livrera le projet aux services de l'État, indique Alain Riquet. Mais il restera ensuite à demander les permis de construire, changer le règlement d'urbanisme, consulter les autorités environnementales… » Sans oublier les discussions et comptes rendus réguliers auprès de la population. La prochaine réunion devrait ainsi être organisée à l'Hôtel de Ville de Roquebrune.
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