En votant d’une seule et même voix la proposition de loi sur la dépénalisation de l’avortement, les vingt-quatre conseillers nationaux ont réaffirmé hier leur attachement aux institutions du pays
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Joëlle DevirasPublié le 13/06/2019 à 10:28, mis à jour le 13/06/2019 à 10:28
Déclaration solennelle de Brigitte Boccone-Pagès, au nom des vingt-quatre conseillers nationaux, avant le vote de la proposition de loi.J.D.
Il y a eu de grandes prises de parole durant la dernière campagne politique. Il y a eu beaucoup de réunions de travail depuis l’élection de Stéphane Valeri à la tête du Conseil national. Il y a eu de nombreuses consultations menées par Nathalie Amoratti-Blanc, présidente de la commission des Droits de la femme et de la famille.
Pour finalement, hier soir, convenir à l’unanimité des conseillers nationaux que la proposition de loi relative à la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse doit se réduire à une idée nouvelle, énoncée en une phrase qui se rajoutera à l’article 248 du Code pénal définissant et réprimant l’avortement. Ainsi, le délit n’est plus caractérisé lorsque, « à la demande de la femme enceinte, la grossesse est interrompue avant la fin de la douzième semaine de grossesse ».
« Déclaration solennelle »
Bien peu d’avancée au bout du compte. Mais ce long cheminement qui conduit de la proposition de loi déposée par Eric Elena en 2017 au vote des vingt-quatre conseillers nationaux a permis de faire le constat des limites qu’impose l’Église, et de l’attachement indéfectible des élus des Monégasques aux institutions du pays. C’est donc, comme un seul homme, qu’une « déclaration solennelle » a été lue par Brigitte Boccone-Pagès, rompant avec les habituelles discussions et interventions.
« Nous sommes conscients des responsabilités qui sont les nôtres et souhaitons réaffirmer, ensemble, ce soir, au moment du vote de ce texte, notre profond attachement à la personne du Prince souverain, à la Constitution et aux institutions de notre Principauté. (...) Les échanges se sont déroulés en commission de façon sereine et dépassionnée, loin de toute échéance électorale, comme l’avait annoncé le président Stéphane Valeri. Un tel sujet devait être abordé dans un esprit permanent d’unité nationale, que ce débat aura préservé sans jamais tomber dans l’écueil d’une division. Tel est, en effet, l’intérêt de notre pays. Nous avons su trouver une position qui, respectant le choix de la femme, ne lui porte plus préjudice. (...) La religion catholique, apostolique et romaine fait en effet partie des dispositions constitutionnelles et nous entendons défendre notre Constitution dans son ensemble. »
Évidemment, quarante-quatre ans après la loi Veil en France, il peut sembler difficile de voir la proposition de loi comme « une évolution législative de plus en plus moderne », pour reprendre les termes de Nathalie Amoratti-Blanc. Mais le Ministre d’État a, lui aussi, insisté sur les fondements de la Principauté. « Nous sommes ensemble les membres d’une même société, dans le pays qui reconnaît un certain nombre de principes. » Et Serge Telle d’encourager à « continuer à réfléchir ensemble sur le respect de la vie, de la détresse et, en même temps, de la Constitution ».
Stéphane Valeri a évoqué ses inquiétudes quant à la négociation d’un éventuel accord d’association avec l’Union européenne. « Avec la priorité nationale dans tous les domaines et l’autorisation préalable à l’installation des entreprises et des résidents, c’est une ligne rouge qui touche à l’essence même de notre modèle économique et social, et qui donc pour les Monégasques et leurs élus, n’est pas franchissable. En cette période où l’on parle de la possibilité pour le gouvernement, de s’engager dans la voie d’un accord intermédiaire de principe avec Bruxelles, qui pourrait être conclu dans les prochaines semaines, je tenais à le rappeler solennellement en séance publique. Nous allons vous faire parvenir, Monsieur le Ministre, (...) un courrier pour (...) vous demander la réunion dans les meilleurs délais. (...) S’agissant d’une étape cruciale, listant a priori des points sur lesquels il serait ultérieurement très difficile voire impossible de revenir, il est indispensable qu’une concertation préalable ait lieu avec notre assemblée, qui, selon l’article 14 de notre Constitution, devra autoriser par un vote la ratification d’un éventuel traité. »
Gilles Tonelli, conseiller de gouvernement-ministre des Relations extérieures, cherche à être rassurant : « Il n’a jamais été dit que nous allions signer quoi que ce soit d’ici juin. Il n’est pas question d’accords intermédiaires non plus. Mais après plus de quatre ans de travail, il est légitime que nous fassions un point d’étape. »
Le président du Conseil national est sans nuance : « Nous voulons que vous nous parliez des concessions que vous faites ou que vous ne faites pas. Peut-être que c’est le sujet du siècle dont nous parlons ce soir ! »
Le Ministre d’État Serge Telle sait trouver les mots qui calment l’inquiétude : « Il n’est pas question d’imaginer que le gouvernement voudrait faire des concessions qui ne seraient pas acceptées par le Conseil national. »
Pas de préaccord, donc, mais le gouvernement, qui dit ne rien avoir encore rédigé, a dans l’idée d’établir, cet été, « un document de travail qui résume l’état de la négociation ».
Cyril Dodergny.
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