Une cinquantaine d'enfants alignés sur le Pont de la Libération de Sospel, les yeux plongeant dans la Bévéra et scrutant le moindre rocher en contre-bas. Le spectacle étonne les passants. Quelques-uns se laissent à observer eux-aussi la rivière. Que se passe-t-il ? Qu'est-ce qui attire ainsi les regards? Pourquoi tous ces «Oh, j'ai vu mon mot, là !», «Regarde là-bas, il y a le tien» ou encore «Oh, tu as vu celui-là ?»
Hier, en fin de matinée,c'est en effet l'installation signée de l'artiste Anaïs Lelievre qui a figé ainsi les deux classes de CM2 de l'école élémentaire. Dont les élèves s'avèrent être les auteurs des compositions artistiques présentées ainsi sur les pierres de la Bévéra.
Explications. Dans le cadre de la seconde édition de l'opération nationale «Création en cours», 190 artistes font vivre, en tout cette année, 150 projets artistiques à des écoles dans toute la France, métropole et outre-mer. À Sospel, c'est Anaïs Lelievre, artiste professionnelle à la pratique polymorphe et diplômée de l'École Supérieure d'Art et design de Rouen, qui a ainsi débarqué pour entraîner les écoliers dans son univers. Univers qui repose sur un exercice contextuel in situ, mêlant observation, imprégnation et échange improvisé avec l'environnement qu'il s'agisse de nature ou de murs.
Eveiller l'imaginaire de l'enfant
Et c'est donc la pierre qui est la base de l'étape, à Sospel, du projet d'Anaïs, «Habiter l'écriture». La pierre dans toute sa multitude de différences avec ses formes, reliefs, strates, cristaux, trous, fossiles, couleurs, traces du temps passé... De quoi éveiller sans limites l'imaginaire de l'artiste et de l'enfant.
«Nous sommes tout d'abord partis en randonnée avec les élèves», explique l'artiste en résidence qui a découvert avec David Beye la riche terre de Sospel plusieurs jours auparavant. «De là, en sont ressorties des pensées, des émotions, des réflexions, posées à travers le verbe et des textes. Après avoir initié les enfants aux univers littéraires et surréalistes de Roger Caillois (»L'Écriture des pierres»), André Breton (»Langue des pierres») ou encore Jean Arp (»Les pierres domestiques»).»
Et de poursuivre : «Ils ont ensuite, chacun, sélectionné des mots précis auxquels renvoyait, pour eux, leur pierre préférée récupérée durant la randonnée. En référence à leurs observations et leur ressenti.»
Et c'est ainsi que les élèves ont réalisé par dizaines des petites œuvres lettrées en pâte à sel, colorées et décorées selon les mots choisis. Puis -surprise pour les enfants- leurs créations ont été disposées par Anaïs sur les rochers de la Bévéra pour une installation artistique mettant en valeur le processus de création des écoliers, prolongement de celui d'Anaïs.
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