EXCLUSIF. Antonio Caroli: "Je suis toujours disposé à chercher une conciliation avec l’État"

L’entrepreneur Antonio Caroli est prêt à renoncer à empocher les 150 millions d’euros que doit lui verser l’État pour mener son projet sur l’Esplanade des Pêcheurs jusqu’au bout.

Article réservé aux abonnés
Joëlle Deviras (jdeviras@nicematin.fr) Publié le 29/06/2020 à 23:21, mis à jour le 29/06/2020 à 23:22
©PHOTOPQR/NICE MATIN/Jean François Ottonello ; Monaco ; 29/06/2020 ; OTTONELLO JEAN-FRANCOIS - lundi 29 juin 2020 à Monaco- interview d'Antonio Caroli, PDG du groupe Caroli, après la décision du Tribunal Suprême de Monaco de condamner l'état monégasque à verser environ 150 millions d'euros à la société Caroli Immo dans l'affaire Caroli. *** Local Caption ***

"De toute ma longue carrière – 47 ans quand même et plus de soixante-dix chantiers à Monaco, j’ai peut-être eu un contentieux avec l’État pour un permis de construire ; mais rien, strictement rien avant cette affaire du projet des Pêcheurs pur laquelle le Tribunal Suprême m’a donné raison."

Ce lundi, dans son bureau, Antonio Caroli s’est présenté comme un homme déterminé. Non pas à encaisser les quelque 150 millions d’euros que l’État est condamné à verser au promoteur, mais bien plutôt à chercher la voie de la négociation. Avec un objectif: parvenir à réaliser son opération immobilière et renoncer, dans le même temps, à empocher la somme due.

En exclusivité pour Monaco-Matin, Antonio Caroli explique.

Avez-vous une stratégie aujourd’hui?
D’abord de ne pas être polémique. Le Tribunal Suprême a rendu sa décision jeudi dernier. L’issue de cette longue histoire m’est favorable. Maintenant, je regarde l’avenir. Après avoir longuement réfléchi, je suis disposé à chercher encore une fois une conciliation avec l’État, dans le cadre de la réalisation de ce projet, peut-être modifié, pour ne pas peser sur les dépenses publiques et pour trouver enfin une solution positive pour tous.

Prêt à renoncer à 150 millions d’euros?
Oui, si on me laisse faire l’opération. Je ne veux pas rentrer dans les dépenses de l’État. Mon métier est de faire des opérations immobilières et de construire. C’est comme cela que j’ai toujours gagné ma vie.

Mais avec quel projet puisque le gouvernement ne veut pas des vôtres (Caroli Immo a présenté six projets différents depuis 2014)?
Avec encore un projet éventuellement modifié. Mais au même endroit et avec les mêmes bâtiments. Cela a toujours été ma position. Nous avons toujours cherché une conciliation. En octobre 2019, nous avons encore déclaré notre volonté de trouver des arrangements avec le gouvernement et le Tribunal était prêt à différer le procès. Mais nous n’avons eu aucun retour. Je cherche à trouver une solution depuis 2016. Nous avons fait des pas officiellement. Mais la porte du ministre d’État m’a toujours été fermée. Il n’y a jamais eu de volonté de discussion.

Avez-vous l’impression d’être "sali" par l’opinion publique?
Pas du tout! Il y a une décision du Tribunal Suprême. Nous avions raison ; c’est une évidence. Aucun des projets présentés au gouvernement n’a été accepté.

Pourquoi des plans encore modifiés recevraient l’accord de l’État?
C’est le problème de la conciliation. Si vous avez en face de vous quelqu’un qui cherche à sortir de l’impasse, vous trouvez des solutions. Sinon, on en arrive à la situation actuelle. Je ne peux pas changer le projet tout seul.

Le changement de ministre d’État en septembre prochain peut-il changer la donne?
J’ai toujours pensé qu’il y avait une continuité de la parole de l’État dans ce dossier.

150 millions… La somme vous semble juste?
Le Tribunal a bien noté que les bénéfices que nous aurions sortis de l’opération envisagée auraient été bien plus importants.

Combien?
De l’ordre de 264 millions sur une opération dont le coût global était entre 500 et 600 millions d’euros.

Pourquoi tenez-vous tant à ce projet?
Je n’ai jamais compris pourquoi on me refusait ce projet qui était une très belle opération.

Vous êtes prêt donc à faire un septième projet?
Si le gouvernement souhaite cette conciliation, et en sachant ce qu’il souhaite, je peux présenter, un septième, un huitième projet… Ma porte est ouverte. Celle de l’État a toujours été fermée. Il y a eu trois recours de l’État. Trois experts de chaque côté. Le Tribunal a tranché. Toute solution est possible à condition de la rechercher.

Quel est le délai pour vous verser les 150 millions?
L’État peut le faire à tout moment. Les droits acquis durent dix ans. L’État doit choisir: est-ce qu’il veut payer ou trouver une solution? J’attends… C’est à l’État de décider. Je pense que l’intérêt de Monaco devrait être de trouver une solution valable pour tous.

Êtes-vous prêt à faire une opération immobilière ailleurs?
Ce serait trop compliqué et trop long. Aux Pêcheurs, c’est la seule possibilité.

Craignez-vous que, si l’État vous verse ces 150 millions, vous soyez dorénavant empêché de construire à Monaco?
Je n’ai absolument pas peur de cela. Nous sommes dans un état de droit tout de même.

Quel est votre sentiment aujourd’hui?
Je suis soulagé. Le Tribunal a confirmé que j’ai été victime. Il faut maintenant tourner la page. J’y suis prêt. Mais je ne peux pas être seul. Aujourd’hui, on m’empêche de faire mon travail. C’est très vexant.

Vous y croyez encore?
L’optimisme est la règle pour un entrepreneur. J’ai des enfants. Je vois mon activité en Principauté dans la durée.

"Le projet a toujours été compatible avec le Grand Prix"

Question simple: ce projet empêchait-il, oui ou non, le Grand Prix?
Sans aucun problème! Le Tribunal a déjà tranché sur ce point. Moi j’assure que le projet, dans ces différentes versions, a toujours été compatible avec le Grand Prix. Contractuellement, il fallait dédier 3 000 m2 à l’Automobile Club de Monaco. Nous sommes arrivés à proposer un projet qui accordait 5 000 m2.

Le ministre d’État ne partage pas votre avis…
Nous avons sollicité la FOM [Formula One Management, N.D.L.R.], qui est l’autorité qui gère les Grand Prix à travers le monde et les contrats de télévision. Cette structure a fait une étude qui précise que 2 700 m2 sont suffisants. Elle nous a fait un plan en 2017 et délimite l’espace nécessaire. Donc je n’ai jamais compris la position du gouvernement. Le projet a toujours été compatible avec le Grand Prix. Je n’ai évidemment jamais voulu construire sur le circuit du Grand Prix ; mais sur une partie d’un espace qu’utilisent les camions de retransmissions télé.

Serge Telle a donc tort, selon vous, d’affirmer que le gouvernement a sauvé le Grand Prix?
La relation entre ce Grand Prix et le projet est quasiment inexistante. Soyons sérieux : il ne viendrait à personne l’idée de bâtir un projet qui entraverait le bon fonctionnement d’un événement-phare de la Principauté.

Comment expliquez-vous dans ce cas que le gouvernement n’ait jamais voulu de vos projets depuis le contrat avec l’ancien ministre d’État Michel Roger?
Franchement, je ne sais pas. J’ai travaillé plus de quarante ans avec l’État, pour une trentaine de chantiers. J’ai vu passer beaucoup de ministres d’État et de conseiller de gouvernement. J’ai toujours eu de très bons rapports avec tous les fonctionnaires.

Michel Roger et vous aviez-vous évoqué la nécessité de rendre compatible votre projet avec le Grand Prix?
Bien sûr! C’était écrit sur le contrat! À cette époque, il n’y avait souci là-dessus. Le gouvernement demandait 3 000 m2 ; nous les avons prévus dans le projet.

Avez-vous parlé au président de l’Automobile Club de Monaco, Michel Boeri?
Je ne vous répondrais pas. Je ne veux pas faire de polémique. Je suis un homme de compromis et d’ouverture.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.