Depuis deux saisons, le Philharmonique organise une ou deux fois dans l’année des concerts… sans orchestre. La formule est originale. Le résultat convainquant.
L’an dernier avaient été programmés les pianistes Gregory Sokolov et Evgeny Kissin. Cette année, dimanche prochain, ce sera le pianiste Ivo Pogorelitch. Chaque fois, ce sont des pianistes, le piano étant avec l’orgue l’instrument le plus à même de remplacer l’orchestre.
Il est peu de dire qu’Ivo Pogorelitch est une personnalité à part.
La carrière de ce pianiste né à Belgrade (à l’époque où la ville était en Yougoslavie) fut curieusement lancée… par un échec - et non un succès. Cet échec fut son élimination en 1980 au concours Chopin de Varsovie. La pianiste Martha Argerich démissionna du jury dont elle faisait partie pour protester devant la mise à l’écart de celui qu’elle considérait comme un génie. L’incident, dont on continue à parler quarante ans après, assura la célébrité du jeune prodige.
L’inspiration ténébreuse de l’artiste
Par la suite, Ivo Pogorelitch ne cessa de nous fasciner par ses interprétations personnelles aux tempos ralentis, chargées de sens et de tragédie. Dans le monde de la musique, il crée un monde à lui. Il y a quelque chose d’un mage, d’un gourou, chez ce personnage au crâne rasé et aux doigts rageurs.
Le programme du concert de dimanche sera à son image : classique, recherché, original. On entendra une « suite anglaise » de Bach, composée pour clavecin et non pour piano. Puis la sonate numéro 11 de Beethoven. Pourquoi cette sonate, qui est loin d’être l’une des plus connues de Beethoven ?
Pogorelitch a certainement des choses à nous révéler. La romantique « Barcarolle » de Chopin sera couplée au lent et mystérieux Prélude en do dièse du même compositeur. Ce sera enfin le « Gaspard de la nuit » de Ravel, dont deux épisodes sont le « Gibet » - confessions glaçantes du pendu agonisant au bout de sa corde - et « Scarbo » - facéties diaboliques d’un nain égaré dans notre monde ! De quoi alimenter l’inspiration ténébreuse de l’artiste.
Ce programme, Ivo Pogorelitch le promènera ensuite jusque sur les scènes chinoises et japonaises. On l’entendra peu en Europe. On sera, à Monaco, parmi les premiers à l’applaudir. On a hâte.
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