"Devait-on en arriver à cette extrémité?". Un couple obligé de couper 30 cyprès qui gênaient la voisine
Suite à un jugement rendu au printemps, un couple de La Turbie a dû faire couper, en août, trente cyprès qui, selon la justice, gênaient sa voisine. Elle s’emeut de cette « décision injuste et absurde »
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Thibaut ParatPublié le 20/09/2019 à 09:00, mis à jour le 20/09/2019 à 09:05
Le terrain après la coupe imposée par la justice.Cyril Dodergny
C’est un conflit de voisinage qui s’éternise depuis des années. Au cœur de la discorde? Trente cyprès de vingt mètres de hauteur à la lisière de deux propriétés à La Turbie.
D’un côté du grillage, une voisine qui, depuis son arrivée dans sa propriété, peste contre la présence de ces arbres voisins, arguant une kyrielle de risques et de gênes : d’incendie, d’effondrement en cas de fortes rafales de vent, une perte d’ensoleillement et de luminosité et un entretien important à cause des branchages et fruits morts.
De l’autre, Brigitte Musumarra, propriétaire de ces arbres et nourrie d’une fibre écologiste, qui brandit haut et fort l’argument de la "prescription trentenaire" (lire ci-dessous).
Le litige, faute de conciliation entre les deux familles voisines, s’est terminé au tribunal d’instance de Menton. Le jugement, rendu le 30 avril dernier, a tranché en faveur de la voisine ( Son avocat a été contacté ce jeudi matin mais n’a pas donné suite à nos sollicitations, ndlr.), et condamné Brigitte Musumarra à 2.500 euros de dommages et intérêts et à "élaguer les arbres situés le long de la clôture séparative pour porter leur hauteur à un maximum de deux mètres (...) et arracher les pousses de lierre."
"Devait-on en arriver à cette extrémité?"
Une décision judiciaire qui reste en travers de la gorge de cette femme. Sur son terrain recouvert de copeaux de bois, un seul cyprès a survécu à cette coupe imposée. Tous les autres conifères ont finalement été coupés dans leur intégralité, début août.
Elle avait d’ailleurs jusqu’au 5 octobre pour exécuter la décision de justice, au risque de devoir régler des pénalités financières, à raison de 50 euros par jour de retard. Faute de moyens financiers, elle et son mari n’ont pas fait appel de la décision. "Cette histoire nous a déjà fait dépenser plus de 10.000 euros", déplore Brigitte Musumarra.
Quand elle a contacté la rédaction de Monaco-Matin, l’idée n’était alors pas de refaire le procès. "On a appliqué la décision, on n’avait pas le choix. Et puis, on était usés".
Mais d’exposer, de clamer publiquement "son sentiment d’injustice". "Les quelques désagréments causés justifiaient-ils leur sacrifice? Devait-on en arriver à cette extrémité?, questionne Brigitte Musumarra. La nature est très importante, d’autant plus dans cet environnement verdoyant qu’est la Turbie. On nous répète que les arbres sont le poumon de cette planète. Pour nous, c’est injuste et incompréhensible, voire absurde que la justice ait suivi et approuvé cette démarche. On ne digère pas mais il faut qu’on prenne sur nous. Cette histoire nous a bouffés."
Pour elle, la prescription trentenaire était légitime. Or, la justice a estimé qu’aucune pièce probante aux débats - malgré les témoignages d’anciens Turbiasques et de clichés anciens - ne permettait d’affirmer que les arbres mesuraient plus de deux mètres il y a trois décennies.
"On n’a pas fait venir d’expert forestier. C’était LA pièce à avoir dans le dossier", regrette-t-elle, après coup. Seul maigre réconfort, le couple ne passera pas l’hiver au froid. Les rondins de bois se comptent par centaines...
Prescription trentenaire
La législation est claire comme de l’eau de roche: les arbres, arbrisseaux et autres arbustes doivent être plantés dans le respect des distances.
Si d’aventure, ils dépassent deux mètres de hauteurs, alors deux mètres au moins doivent les séparer de la propriété voisine. Ce qui n’était pas le cas pour ces cyprès de vingt mètres de hauteur.
La propriétaire des arbres a alors invoqué le principe de "prescription trentenaire" (article 672 du Code civil).
Kézako? Il faut alors prouver que les arbres ont dépassé la hauteur de deux mètres depuis au moins trois décennies (dire qu’ils ont été plantés il y a plus de trente ans ne suffit pas). Tout moyen de preuve est alors admis : photo ancienne, cliché aérien de la propriété issu de l’Institut géographique national (IGN), recours à un expert forestier pour déterminer l’âge de l’arbre…
Selon le jugement rendu fin avril, la propriétaire des cyprès, Brigitte Musumarra, "n’a fourni aucune pièce probante aux débats, notamment l’avis d’un technicien, pour démontrer que cela ferait depuis plus de 30 ans que les arbres auraient dépassé la hauteur de deux mètres, prescrite par la loi."
Avant la coupe, les cyprès mesuraient plus de vingt mètres de hauteur. (DR)
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