Des musées, des bars, des restaurants,... un chantier pharaonique attent le quartier du port à Monaco

Le groupe Caroli déposera, d'ici à fin avril, la deuxième version d'un permis de construire qui prévoit la création de deux musées financés par la vente d'un immeuble d'habitation

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Joëlle Deviras Publié le 01/04/2016 à 05:11, mis à jour le 01/04/2016 à 05:11
esplanade des pêcheurs, sujet Joëlle Deviras
En contrebas du Rocher, un immeuble d’habitation et deux musées vont créer un nouveau cœur de vie. Photo montage groupe Caroli

Les travaux pourraient démarrer à la fin de l'année. Et en 2021, l'extrémité du quai Antoine­Ier pourrait devenir un véritable lieu de vie avec deux musées, des bars, des restaurants, des locaux destinés aux professionnels du port, des commerces et bureaux, une promenade pour les piétons entre le port et le Musée océanographique, un parc en contrebas du fort Antoine et un nouvel immeuble d'habitation de neuf étages.

La société Samegi du groupe Caroli déposera, fin avril, un permis de construire qui modifie celui initialement déposé. Mais celui-ci ne saurait être délivré sans le vote préalable d'une loi de désaffectation de quelque 9 000 m2 par le Conseil national.

40 appartements pour financer le projet

L'emprise au sol des bâtiments envisagés, dont le coût est évalué à quelque 500 millions d'euros, ne devrait pas excéder 5 000 m2, une large esplanade étant prévue par Rudy Ricciotti au cœur de ce nouveau centre de vie.

Si le Centre de l'homme et de la mer, piloté par Franck Goddio, est destiné à être un haut lieu de l'archéologie sous­marine, l'architecte de renom prévoit également 3 000 m2 pour la création d'un musée Grimaldi. L'ensemble de l'opération à destination du public doit être financé par la vente de quarante appartements, d'une superficie oscillant entre 250 et 600 m2, construits dans un bâtiment réduit de deux étages par rapport au projet initial et constitué de degrés. L'immeuble est pensé comme une succession de vagues avec des reflets dans l'eau.

« C'est un projet sans compromis où les moyens sont mis pour que l'ensemble soit exceptionnel », note Rudy Ricciotti. « On doit être dans le registre de l'art », souffle-t-on du côté du groupe Caroli. « On est en train de vouloir bâtir sur un remblai », souligne Roberto Testa, directeur de Samegi. En terme technique, il s'agit de réaliser des fondations profondes de soixante mètres. Cela engendre des coûts exceptionnels. » Rudy Ricciotti note également « la zone de forte sismicité, avec un porte-à-faux d'une vingtaine de mètres, une exposition au vent énorme… ».

D'autre part, « le terrain sur lequel l'opération va s'édifier, précise Roberto Testa, a toujours été utilisé pour plusieurs nécessités par la Société des ports de Monaco, les professionnels du port, l'ACM pendant le Grand Prix, le Yacht Show, le Jumping, etc. Nous avons donc dû trouver, et, pour certains, nous allons encore trouver des solutions alternatives dans l'intérêt et avec la bonne volonté de toutes ces institutions ».

Opération immobilière de grande ampleur, le projet du groupe Caroli doit maintenant franchir les dernières indispensables étapes politiques et administratives. Il y a moins d'un an, il avait déposé un permis qui n'a pu aboutir et qui prévoyait la construction des deux musées qu'aurait dû financer la vente de 52 appartements de grand luxe. Aujourd'hui, l'immeuble d'habitation est réduit de deux étages, soit 12 appartements de moins…

«Ce sera un musée unique au monde»

Le Centre de l’homme et de la mer sera également un lieu de promenade en bord de Méditerranée. Photo montage groupe Caroli.

Franck Goddio, président de l’Institut d’archéologie sous­marine, travaille, depuis presque quatre ans, au projet du Centre de l’homme et de la mer. Un lieu interactif qui doit mêler art et science, avec notamment une exposition permanente issue des fouilles archéologies philippines de ces trois dernières décennies, mais aussi des activités scientifiques, pédagogiques et ludiques qui utiliseront les nouvelles technologies et les supports multimédias.

Quelles collections doit présenter ce nouveau pôle muséal?
Je travaille avec le musée national des Philippines depuis 31 ans. Lorsque je fais une fouille, l’État philippin me rétrocède parfois du matériel archéologique que je me suis engagé à exposer dans un musée d’État à destination du grand public. Nous exposerons des jonques du XIe au XVIe siècles, des galions d’Espagne du XVIe et XVIIe siècles, des navires des Compagnies anglaises des Indes du VIe siècle…

Ferez-vous également profiter le public de Monaco de vos découvertes?
Je travaille aussi en Égypte où nous avons découvert des monuments extraordinaires, des villes englouties qui ont donné lieu à des expositions à Paris et bientôt au British Museum. Nous ne présenterons pas de manière permanente d’objets égyptiens. Toutefois, sur chacune des fouilles, nous réalisons des relevés archéologiques, des plans, des photos, des films. Tout ce travail d’une équipe de 55 personnes sera également apporté au musée.

Organiserez-vous des expositions temporaires?
Nous pourrons également accueillir de grandes expositions comme celle que j’ai faite au Grand Palais sur les Trésors engloutis d’Égypte. Mais les expositions temporaires pourront dériver de l’activité du musée lui-même.

Voulez-vous dire par là que le musée générera de nouvelles découvertes?
Un pôle de recherche archéologique sera basé au musée avec un bateau destiné à la recherche géophysique en archéologie sous-marine. Cette unité sera dotée des instruments les plus sophistiqués, avec un équipage permanent, pour étudier les fonds de tous les pays riverains de la Méditerranée. Le musée abritera également un laboratoire de haute technologie pour la recherche en archéologie sous-marine et l’exécution des fouilles. Nous avons, par exemple, développé des techniques de photographies 3D sous-marines. Je compte aussi installer un centre de formation de très haut niveau en collaboration avec l’OCMA de l’université d’Oxford.

Ce Centre sera donc bien plus qu’un musée…
Ce sera un musée du XXIe siècle, vivant et unique au monde dans le sens où les expositions seront générées par ses propres activités.

Depuis combien de temps travaillez-vous sur ce projet?
Depuis presque quatre ans. C’est un projet que j’avais depuis très longtemps.

Qui a eu cette idée de musée?
Mon idée a toujours été soutenue par prince Albert II. J’avais eu l’occasion de montrer au souverain mon exposition Trésors engloutis d’Égypte sous la nef du Grand Palais. J’ai eu alors l’idée de faire à Monaco un musée avec un pôle d’exposition permanent et des activités qui lui sont propres.

«Dans une logique d’ouvrage d’art exceptionnel»

En contrebas du Rocher, un immeuble d’habitation et deux musées vont créer un nouveau cœur de vie. Photo montage groupe Caroli.

Il a un nom, mais d'abord un charisme et un talent largement reconnu. L'architecte Rudy Ricciotti s'est vu confié par Samegi (groupe Caroli) l'ensemble du projet immobilier qui comporte notamment deux musées - le Centre de l'homme et de la mer et le musée Grimaldi -, un immeuble d'habitation et des voies de circulation et de liaison jusqu'au Rocher.

Celui qui a construit le Musée Jean-Cocteau ­ Collection Severin Wunderman, inauguré en 2011, ou encore le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem) à Marseille s'enthousiasme pour un projet qui fait appel aux savoir-faire les plus exceptionnels.

« L'architecture est toujours politique, explique Rudy Ricciotti. Et un musée a toujours une finalité politique parce que l'on y partage des informations et des histoires communes. J'essaie de fabriquer quelque chose qui participe d'un récit qui s'inscrit dans la relation au territoire. Le musée va intégrer un parcours qui va mener jusqu'au Musée océanographique, et permettra aux piétons de laisser leur véhicule au parking de la digue semi-flottante aujourd'hui sous-occupé. » De l'extrémité du quai Antoine-Ier jusqu'à Monaco-Ville, les promeneurs et visiteurs pourront traverser des passerelles pour profiter du front de mer et circuler du port Hercule au Rocher.

L'architecte a pensé le Centre de l'homme et de la mer du musée dans son contexte portuaire, balnéaire et maritime. « Ce musée va envoyé des messages cognitifs comme le musée Cocteau à Menton, le Louvre à Paris ou le Mucem à Marseille. Le projet renvoie à un monde animalier, sous-marin, avec la couverture en forme de raie manta. » Mais pour y parvenir, un savoir-faire d'exception sera sollicité. « Ce qui me fascine, c'est d'inscrire chaque projet dans la reconstruction de la mémoire du travail. Mon obsession est de retrouver des savoirs et des métiers. Chaque projet est une aventure technologique, scientifique. Nous sommes là dans une logique d'ouvrage d'art exceptionnel. C'est une véritable aventure techno-scientifique. Le bénéfice caché de l'ouvrage, c'est ce que nous allons tous apprendre ensemble - ingénieurs, compagnons, entreprises. »

« Ce musée est une enveloppe très fine, bordée sur ses extrémités, avec une chair, une sensualité. On est dans la grâce. Je me réjouis qu'un tel projet permette de mettre en valeur les savoirs. »

Particulièrement impressionnante sera la couverture en béton de quelque 3 000 m2, appuyée sur quatre piliers aux extrémités. « J'aimerais que ce musée ait le même succès populaire que le Mucem ou le musée Cocteau. L'histoire arbitrera. »

Franck Goddio, président de l'Institut européen d'archéologie sous-marine, Rudy Ricciotti, architecte, et Roberto Testa, directeur de Samegi (groupe Caroli) : l'équipe d'un vaste projet immobilier sur le port Hercule. Photo Michael Alesi.

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