Dans une des nombreuses salles du stade Louis-II, il se joue depuis mercredi un tournoi international un peu spécial. A l'intérieur de celle-ci, il règne un silence que seul le bruit des pièces qui viennent se poser sur l'échiquier et quelques paroles viennent troubler, sans oublier les cliquetis des horloges. Sur les tables numérotées et dispersées dans la salle, quarante joueurs se font face. Normal me direz-vous, ils jouent aux échecs.
"Chaque joueur a un petit échiquier"
Seulement, sur les tables, chacun à un jeu devant lui. C'est ainsi que jouent les joueurs déficients visuels. Et c'est là que se trouve toute la subtilité de ce tournoi international organisé par la Fédération Nationale des Échecs (FNE) et l'Association Échiquéenne Pour Aveugles (AÉPA), à l'occasion des soixante ans de cette dernière.
Jean L'Herbon De Lussats, vice-président de l'APÉA, nous explique le fonctionnement de la partie. "Chaque joueur a un petit échiquier personnel devant lui. Les cases noires sont surélevées par rapport aux blanches. On différencie les pièces blanches des noires par un petit picot les surmontant. On touche les pièces pour les distinguer les unes des autres. C'est très tactile."
"Réécouter la partie en cas de contestation"
Lorsque c'est à leur tour de jouer, les joueurs annoncent leur déplacement en nommant la pièce et le déplacement. "Pour ma part, j'utilise un enregistreur. D'autres écrivent en braille. Cela nous permet de réécouter la partie en cas de contestation. Et puis, il y a des arbitres qui passent aussi autour des tables pour voir si les pièces sont placées pareilles sur les deux échiquiers. Par exemple, ce matin, j'ai fait deux erreurs de déplacement et j'ai perdu la partie. Ce sont des choses qui arrivent", plaisante Jean L'Herbon De Lussats.
"Nous pouvons toucher les aiguilles"
Comme pour les parties traditionnelles, le temps est compté. "Nous pouvons brancher des écouteurs à l'horloge ou toucher les aiguilles pour savoir le temps qu'il nous reste", précise le vice-président de l'Association Échiquéenne pour aveugle.
Contrairement aux valides, où il leur suffit de regarder le jeu pour savoir où ils en sont, les malvoyants doivent être bien concentrés pour pouvoir retenir. Si la mémoire et la concentration ne suffisent pas, ils peuvent tout de même toucher les pièces pour s'y retrouver. Et même dans le milieu des meilleurs joueurs valides, il existe un type de jeu du même genre.
"Les coups sont annoncés oralement"
Patrice Martinelli est formateur au Cercle d'Échecs de Monte-Carlo depuis 20 ans, c'est lui entraîne tous les jeunes joueurs qui sont venus pour l'occasion affronter les joueurs déficients visuels. En joueur expérimenté, il nous explique que ce n'est pas donné à tout le monde de pouvoir jouer à l'aveugle.
"Il faut avoir un très bon niveau. Un ou les deux joueurs ne voient pas l'échiquier et les coups sont annoncés oralement. C'est très impressionnant comme partie."
Peut-être qu'un jour, les petites têtes blondes du cercle monégasque, comme le jeune Aaron Thoreux-Josso, seront de ces maîtres capables de jouer de la sorte.
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