De Monaco à l'Antarctique, cet architecte en milieu hostile a été choisi pour tester une technologie de recyclage des eaux grises
Architecte en milieu hostile, Justin Sargenti rentre d’une mission de 2 mois en Antarctique. Il a testé une technologie de recyclage des eaux grises. Une potentielle solution pour nos sociétés actuelles.
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Marie CARDONAPublié le 05/04/2023 à 14:21, mis à jour le 05/04/2023 à 11:22
Justin Sargenti a passé près de deux mois sur la base de recherche franco-italienne Concordia, en Antarctique. C’est là que depuis 2005, sur une calotte glaciaire de 3.300 m d’épaisseur appelée le Dôme C, sont menées des recherches à travers des carottages de glace pour retracer le climat terrestre des années passées.Photo Justin Sargenti/IPEV
Architecte en milieu hostile, Justin Sargenti revient de l’endroit le plus isolé du monde. Souvenez-vous. Cet ancien élève de l’Institution François d’Assise - Nicolas Barré avait été choisi par la Fondation prince Albert II pour intégrer l’équipe technique et de recherche de la station Concordia afin de travailler sur un projet mené par la société monégasque FGWRS (Firmus Grey Water Recycling System) sur son système de recyclage des eaux grises [lire notre édition du 3 décembre 2022].
Optimiser le système existant
Car là où rien ne pousse, au milieu de la neige qui s’étend à perte de vue et de températures oscillant entre -30°C et -80°C, la gestion de la ressource en eau est une question fondamentale pour la vie des habitants de cette base de recherche franco-italienne.
Le recyclage des eaux grises apparaît alors comme central dans le système d’approvisionnement de la station. La technologie FGWRS a donc été mise en place dès les prémices de la station en 2005. Elle permet de traiter 80% des eaux usées domestiques faiblement polluées (comme l’eau d’évacuation d’une douche ou d’un lavabo) afin d’être réutilisées pour des tâches ne nécessitant pas une eau absolument propre (comme la chasse d’eau). "Sur la station, la deuxième ressource en eau vient de la fonte des glaces. On prélève de la neige directement dans une zone pure réservée à cet usage à côté de la station Concordia et on la fait fondre", a rappelé Justin Sargenti à l’occasion d’une conférence menée à son retour dans le cadre de la Monaco Ocean Week.
Tout l’enjeu de sa mission - menée en partenariat avec l’agence spatiale européenne et l’institut polaire français - était donc de tester la performance de deux nouvelles membranes sur la technologie FGWRS installée dans la station. "Il fallait voir si ces membranes étaient moins énergivores d’abord, et si l’on arrivait à avoir un meilleur rendement pour le recyclage des eaux grises que ce qui est utilisé actuellement sur la station Concordia", explique l’architecte.
Et de détailler: "Un pilote, construit dans les ateliers de Firmus, a été livré à la station. Il fallait le brancher en parallèle de la machine de recyclage des eaux grises pour ne pas impacter le réseau existant puisqu’il pourvoit la moitié de l’eau qui est utilisée sur place. J’ai ainsi pu tester les deux membranes pendant tout le séjour en analysant quotidiennement les données de ce qui avait été fait la veille."
L’analyse du rapport est en cours. Mais une tendance se dégage déjà. "Dans tous les cas, ces deux membranes sont moins énergivores puisqu’on utilise une pompe en moins pour faire fonctionner le système, estime déjà Justin Sargenti. C’est super important pour la station Concordia puisque l’énergie est la principale contrainte pour la survie dans la station. En hiver, une heure de black-out et on ne peut pas redémarrer les moteurs."
Lors de son périple pour arriver sur la station Concordia, Justin Sargenti a marqué un arrêt à la base Dumont d’Urville. Laquelle se trouve à proximité d’un rocher colonisé par des couples de manchots Adélie.Photo Justin Sargenti/IPEV.
Un des défis des années à venir
La perspective est intéressante pour la société FGWRS, qui ambitionne d’industrialiser sa technologie pour en démocratiser l’usage à l’heure des épisodes de sécheresses que nous connaissons et qui se succèdent.
Pour l’heure, la France n’autorise pas encore l’utilisation des eaux grises recyclées. "Mais la réglementation devrait changer", assure Pierre Magnes, responsable du développement chez FGWRS.
Les arguments sont là. "La technologie est parfaitement viable puisqu’elle fonctionne à Concordia depuis 2005. On l’a aussi implantée sur le pavillon de Monaco à Dubaï, à Roland Garros et au Musée Océanographique. On a des projets à Monaco, notamment pour le recyclage des eaux de piscine. Et en France dans les blanchisseries industrielles."
Et pour un usage individuel? "Les promoteurs y sont beaucoup plus sensibles maintenant car le dispositif est assez facile à concevoir dans les bâtiments neufs."
Lors de son périple pour arriver sur la station Concordia, Justin Sargenti a marqué un arrêt à la base Dumont d’Urville. Laquelle se trouve à proximité d’un rocher colonisé par des couples de manchots Adélie.Photo Justin Sargenti/IPEV.
L’anecdote
"Il y a eu plusieurs événements marquants durant cette mission, notamment l’arrivée du raid, se remémore Justin Sargenti. Il s’agit d’un convoi, tiré par un tracteur, qui parcourt 1.200 km entre la station Dumont d’Urville et Concordia. Le voyage dure 10 jours et est effectué une fois par mois durant la mission d’été.
Son arrivée est un moment assez incroyable sur la station puisqu’on nous amène les ressources les plus importantes pour vivre sur la station: gasoil, vivres et les pièces mécaniques qui ne peuvent pas être livrées par avion à cause du poids.
Pour fêter ça au moment de l’apéro, un glaciologue a sorti un glaçon de l’an zéro qu’il a cassé dans une casserole et tout le monde pouvait se servir pour le mettre dans son pastis ou son whisky. C’est une tradition.
L’anecdote dit qu’on a découvert qu’on pouvait analyser l’atmosphère qui se trouvait emprisonnée dans les glaçons parce qu’à l’époque une personne a mis une carotte de glace dans son whisky. C’est à ce moment qu’il a vu les bulles dans son verre qu’il s’est dit qu’on pouvait analyser l’air qui était emprisonné dedans."
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