Cocteau en convalescence dans le Palais de l'Europe

Depuis l'inondation du musée Cocteau, suite à un violent coup de mer, l'ensemble des œuvres a été transportée dans le bâtiment des jardins Biovès - où les restaurateurs défilent pour les sauver

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Publié le 14/11/2018 à 05:17, mis à jour le 14/11/2018 à 05:17
Equipes du musée et restaurateurs veillent quotidiennement à la sauvegarde des œuvres.
Equipes du musée et restaurateurs veillent quotidiennement à la sauvegarde des œuvres.

Derrière la rubalise interdisant l'accès au dernier étage du Palais de l'Europe, les petites mains s'activent. Des doigts experts, missionnés en urgence pour venir au chevet des œuvres coctaliennes malades - sauvées de justesse des eaux après qu'un coup de mer les a mises en péril.

C'est sous les immenses lustres du Salon de Grande-Bretagne, habitué à recevoir des convives de renom, que Cocteau a désormais élu domicile. La collection entière du musée a été soigneusement disposée là, à la vue des restaurateurs, véritables médecins urgentistes de l'art qui défilent depuis deux semaines pour livrer un premier diagnostic. Dans les salles où les tables s'entrechoquent, recouvertes de pastels, dessins à l'encre et autres manuscrits - accompagnés, pour la plupart, de leur fiche d'inventaire - l'équipe du musée dévasté s'autorise de nouveau quelques rires. Les preuves sont désormais palpables : la catastrophe a été évitée. Seules quelques œuvres seront perdues à jamais.

Quatre restaurateurs

« Dans l'urgence nous avons fait au mieux. On a tous compris qu'il fallait désencadrer au plus vite. Les équipes ont bien fonctionné ensemble, souligne Justine, employée du musée qui s'est donné corps et âme pour sauver la première ressource mondiale en œuvres de Jean Cocteau. Consciente qu'il s'agissait là d'un trésor national. Nous avons eu besoin des pompiers, qui avaient besoin de nous pour notre connaissance de la collection. Quant aux restaurateurs, ils ont pu nous donner des conseils dès qu'ils sont arrivés, et du matériel. » La première d'entre eux à avoir pénétré dans le musée, Silvia Brunetti, assure de son côté avoir « trouvé ici des gens à l'écoute. J'ai pu donner quelques conseils tout bêtes. Et repérer, avec eux, les priorités en tenant compte de la technique, la valeur, ou les possibilités de transport ». Spécialisée dans les arts graphiques, et pourvue de solides notions en conservation préventive, la restauratrice missionnée par le CICRP (Centre interdisciplinaire de conservation et restauration du Patrimoine) et la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) a rapidement puisé dans son réseau pour faire venir des experts ès autres techniques. C'est ainsi Silvia qui a signalé au C2RMF (Centre de recherche et de restauration des musées de France) qu'un restaurateur photo serait nécessaire pour venir au secours des quelque 450 clichés. En la personne de Dominique Viars.

Installée devant son ordinateur, face à un tableur qu'elle remplit consciencieusement (en vue de comparer l'altération liée au sinistre aux dommages antérieurs) cette dernière explique avoir d'abord dû tout faire sécher. Avec un sèche-cheveux placé à distance optimale, la plupart du temps, pour respecter les propriétés de chacun des papiers. « Quand elle mouille, la gélatine colle. On ne peut donc empiler les photos. Par chance, le sauvetage a été bien fait. Je n'en ai eu à décoller que quelques unes avec une spatule. Je n'en ai qu'une seule dont la gélatine a hydrolysé, et sur laquelle on ne peut plus rien faire. » Pour chacune des images abîmées, le travail de restauration vacillera entre une et deux heures.

Derrière l'experte en photographie, un autre restaurateur, Antonio Rava, s'efforce de désencadrer une peinture de Marie Vassilieff, très endommagée. « J'ai dû la consolider pour qu'on puisse la manipuler, explique-t-il. L'humidité a fait changer les dimensions, ça a étiré les couleurs. » Provoquant des craquelures. Mais de l'avis de Silvia Brunetti, seule une dizaine d'œuvres est dans un tel état critique - qui nécessitera force soins.

Sur une table quelques mètres plus loin, elle repère quelques dessins pouvant illustrer les différents types de dégâts rencontrés.

« Sur ces feuilles, l'encre a coulé. Elles étaient dans des pochettes mouillées. Il a fallu les en extraire pour pouvoir éponger. Sur celle-là, on devra enlever à la vapeur les auréoles créées par l'eau de mer, à l'aide d'une table aspirante. J'ai encore changé quelques buvards aujourd'hui. Et en règle générale, il faut aérer au maximum la pièce, il y a encore des spores dans l'air. »

« Je reste avec vous »

Jetant un œil à des extraits de manuscrit impactés, la responsable du musée Cocteau, Françoise Leonelli, se veut lucide. « Il ne sera plus exposable mais en termes de documentation, cela reste important pour nous. Les textes y sont magnifiques. » Aidée de la restauratrice en peinture, Carole Husson, Silvia Brunetti a constitué un fichier pour évaluer le temps que prendra chacune des restaurations. Deux meubles à plans qu'elle a pu commander devraient arriver d'ici peu. Permettant de ranger les dessins sauvés, en attendant de connaître l'identité du docteur qui les dorlotera. Durant la convalescence, la direction du musée envisage d'installer une grande banderole indiquant que l'établissement est fermé. Assortie d'une citation de Cocteau. « Je reste avec vous ».

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