"Oui Monsieur le président! Après avoir fait mes courses au supermarché, j’ai bu presque une bouteille d’alcool fort au moment de me recueillir sur la tombe de ma fille au cimetière. La douleur était trop forte ce 28 novembre 2019. La boisson n’est certainement pas la solution. Mais j’avais besoin d’atténuer cette souffrance de la perte d’un être tant aimé, disparu… Oui, j’avais trop bu… C’est la raison pour laquelle j’ai arrêté ma voiture au centre du rond-point Wurtemberg. Je n’arrivais plus à avancer… Pardonnez-moi…"
C’est une résidente monégasque qui se tient à la barre. Une mère en pleurs, brisée, torturée par la sensation pénible d’être séparée à tout jamais de son enfant.
Comme Victor Hugo en plein désespoir face à la mort de sa fille Léopoldine, cette quinquagénaire vient crier son droit d’être triste. L’émotion est très forte dans le prétoire. Mais le Droit pénal reprend ses droits. Ce n’est pas un lieu propice au pardon. Mais aux sanctions.
"On peut comprendre le supplice vécu par cette mère"
« C’est 18 heures quand les policiers remarquent votre véhicule stationné en plein milieu de l’emplacement circulaire, rappelle le président Jérôme Fougeras-Lavergnolle (1). Vous présentiez tous les signes de l’ivresse avec un taux de 0,62 mg/l. Vous avez eu plusieurs condamnations pour outrages, violences, alcoolémie au volant, refus de se soumettre à un contrôle. Vous n’atténuerez pas votre douleur en buvant. Elle réapparaîtra, plus forte encore, aussitôt les vapeurs d’alcool dissipées. Ou si vous poursuivez votre thérapie personnelle, au moins ne conduisez pas après. »
Les réquisitions suivront pour ce dossier à juger avec humanité pour le premier substitut Olivier Zamphiroff.
"On peut comprendre le supplice vécu par cette mère. Mais il y aura logiquement une condamnation en prenant en considération les antécédents. Avec l’alcool on peut provoquer les mêmes traumatismes. Vous entrerez en voie de condamnation: un mois avec sursis."
Dans ce contexte dramatique, la défense demande à la juridiction de faire preuve de justesse et de justice.
"Ma cliente, souligne Me Christophe Ballerio, ne sort pas d’un établissement de nuit saoule et prend son véhicule. Elle se reconnaît coupable d’avoir bu afin de traverser une souffrance intense sans se cacher. C’était pour se punir. Se détruire. Elle est d’ailleurs suivie par un psychiatre pour affronter ce contexte dramatique. Aidez-la…"
À l’issue du délibéré, le tribunal a prononcé une peine de quinze jours avec sursis et la suspension du permis de conduire pendant quatre mois.
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