C’est officiel, Entrevaux mérite amplement son cachet de cité médiévale. En plus de son vieux village fortifié et de sa citadelle, voilà que des habitants se plaignent de vivre au sein d’un royaume maudit.
Ce village des Alpes-de-Haute-Provence, limitrophe des Alpes-Maritimes, s’enfonce dans une crise politique depuis des années. Dernier épisode en date, un trop grand nombre de démissions de conseillers municipaux. Avec, désormais, six sièges vacants sur quinze, les électeurs sont appelés aux urnes pour des élections municipales partielles samedi 18 juin.
Cette débandade concerne des élus d’opposition et des anciens adjoints du maire, qui sont sur la même ligne. Ils pointent un "gâchis" qui serait causé par "une famille qui a peur de perdre son emprise sur le village". Avec, au centre, un "personnage", "qui rase les murs", "incapable de prendre une décision": le maire, Lucas Guibert.
Le maire met tout "dans des tiroirs"
C’est ce que déplore Joël Giverso, ancien élu d’opposition. "Le problème, c’est qu’il ne se passe rien ici, poursuit celui qui vient de démissionner. Il n’y a aucun projet pour Entrevaux. C’est dommage de voir ce village classé en train de péricliter, alors qu’il y a un énorme potentiel… Tout ce qu’on fait, c’est de l’entretien."
Même discours de François Feraud, qui était adjoint aux Grands travaux avant de démissionner en janvier 2022. "Nous avions des projets très poussés qui ne sortaient pas, aucun n’a abouti, parce que le maire mettait ça dans des tiroirs. Cet individu est toujours ‘‘en réflexion’’. En tant qu’élu, on a des engagements à tenir. Au bout de deux ans, je me suis rendu compte qu’on ne pourrait pas répondre à cette confiance."
"Des choses se font…"
Tous deux regardent amèrement les communes voisines de Puget-Théniers, Annot, Saint-André-les-Alpes… "Des locomotives". Contacté à plusieurs reprises, Lucas Guibert n’a jamais répondu à nos sollicitations.
Mais l’adjoint aux Finances, Gérard Donini, le défend… du bout des lèvres. "Peut-être que pour certains, ça ne va pas assez vite. Mais depuis trois ans, on a lancé la réfection d’une partie des rues du village, la sécurisation de la citadelle. Ces deux projets prennent beaucoup d’énergie et de finances. Mais des choses sont faites. Parfois, le maire prend beaucoup de temps à la réflexion. Il pourrait en prendre moins…"
Un premier mandat chaotique
Les démissionnaires accusent le maire de tous les maux. Pourtant, ils ne le découvrent pas. Lucas Guibert est arrivé à la tête d’Entrevaux en 2014. Et ce premier mandat avait été chaotique: budget refusé en 2019, démissions… Si bien que la candidature et la victoire du maire sortant, en 2020, étaient une surprise.
L’équipe a été en grande partie renouvelée. "Le premier mandat a été une catastrophe", allume François Ferraud, qui avait pourtant fait le choix de se présenter à ses côtés en 2020. "On avait constitué une liste de gens avec des compétences", argumente-t-il. Comme si Entrevaux était une monarchie parlementaire: on peut changer le conseil municipal mais pas le roi.
Or, la malédiction se trouve peut-être ailleurs: ils sont nombreux à s’en prendre au maire. Mais personne ne souhaite prendre sa place. D’ailleurs, personne ne voit d’enjeu dans ces élections partielles.
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