Face à la canicule et au typhon Khanun, les scouts de Monaco ont vécu un Jamboree de la résilience

Revenus de Corée du Sud où ils ont participé au Jamboree, les scouts de Monaco racontent les difficultés auxquelles ils ont fait face tout en insistant sur la fraternité de ce mouvement mondial.

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Thibaut Parat Publié le 02/09/2023 à 10:52, mis à jour le 02/09/2023 à 11:47
Le Jamboree est un rassemblement de 40 000 scouts en provenance de 150 pays. DR

"Dessine ton rêve". Sur le papier, le thème du 25e Jamboree promettait douze jours d’instants mémorables, du 1er au 12 août en République de Corée, de ceux qui restent logés à vie dans un coin de l’esprit. Ce fut le cas, sans nul doute. Mais pas seulement pour les rencontres et amitiés qui naissent traditionnellement de ce rassemblement mondial de scouts depuis plus d’un siècle (lire ci-dessous).

Au sud de la péninsule, la presse locale n’a, en effet, pas mâché ses mots, qualifiant l’événement de "honte nationale". La faute à l’impréparation des organisateurs et le manque d’installations adéquates pour accueillir 40 000 participants en provenance de 150 nations, couplée au manque d’anticipation face aux conditions météorologiques.

Parmi les délégations, celle de l’association des guides et scouts de Monaco, présidée par Marie-Hélène Gamba et composée de 26 pionniers et caravelles, âgés de 14 à 18 ans, et de trois scouts adultes membres de l’équipe internationale de service (EIS).

Récit des événements.

"La canicule était difficilement supportable"

Sur le site de Saemangeum, un vaste terrain asséché de 8 km² au bord de la mer Jaune, à 250 km au sud-ouest de Séoul, l’humidité est saisissante et la chaleur accablante : entre 30 et 40 °C selon les jours.

Arrivés en amont des jeunes scouts, les chefs de délégation ont rapidement pointé du doigt les insuffisances du lieu d’accueil dans un contexte climatique voué à durer. "La canicule était difficilement supportable, confirme Linh de Angelis, infirmière libérale à Menton et membre de l’équipe médicale du Jamboree. On avait dû mal à trouver un endroit abrité, un espace frais. À la cafétéria, il y avait parfois une heure et demie de queue en plein cagnard. Les gens tombaient dans les pommes." Dans l’une des cliniques où elle officie, Linh de Angelis voit affluer des dizaines de participants pour des insolations, malaises et coups de soleil. Environ 600 personnes ont été victimes de maux divers liés à la chaleur.

À cela s’ajoutent un hôpital sous-dimensionné, des questions d’hygiène alimentaire, des sanitaires rudimentaires et une nuée de moustiques. "Ils ont mis plusieurs jours à réagir, un peu après l’arrivée des adolescents", explique-t-elle.

Crise politique et aide d’urgence

Les délégations américaines et britanniques, composées de milliers de scouts, décident de quitter le site de Saemangeum. La tournure des événements provoque une crise politique en Corée du Sud. Le gouvernement débloque urgemment 6 milliards de wons (4,6 millions d’euros) et le président sud-coréen, Yoon Suk Yeol, ordonne l’envoi de camions frigorifiques chargés d’eau glacée et d’un nombre illimités d’autobus climatisés. "Ils tournaient toute la journée. Un désastre écologique. Sans compter les monceaux de plastiques et de cartons qui traînaient car il n’y avait pas de poubelles", soupire Linh de Angelis.

Des ventilateurs portatifs, protections solaires, comprimés de réhydratation, tablettes de sel ont aussi été distribués. Des bus ajoutés pour faciliter les transferts. "Les deux-trois premiers jours ont été difficiles mais dès que le gouvernement et l’armée ont repris en main l’organisation, ça allait. On avait de l’eau à volonté", assure Antoine Blazy, Roquebrunois de 17 ans. "On a toujours trouvé un moyen de s’adapter", embraye Alexander Ivanov pour qui le plus gros problème était l’humidité.

Arrivée d’un typhon et évacuation du camp

Malgré la réaction des autorités sud-coréennes, un autre impondérable climatique, le typhon « Khanun », a contraint l’État, le 8 août, à évacuer massivement et en un temps record le camp. "Des milliers de bus sont arrivés et nous ont évacués sur le campus universitaire d’Incheon", explique Luca Scordino. Pas échaudés pour autant, les scouts de Monaco ont profité de la fin du séjour en visitant la cité : musées, visite d’un navire militaire, déambulation dans le quartier chinois, vue panoramique sur les environs, tour en bus…

"Les Coréens étaient hyper gentils et hospitaliers. Un jour dans un café, alors qu’il n’avait rien à voir avec l’événement, le gérant n’a fait que s’excuser pour l’organisation du Jamboree et nous a fait de belles remises, raconte Lila Carré. Ce que je retiens de tout ça c’est que, grâce aux difficultés rencontrées, ça en fait un événement encore plus marquant. Je m’en souviendrais à vie et je ressors grandie de cette aventure."

Le grand concert de k-pop, en clôture du Jamboree, a finalement adouci les esprits. Ultime tentative, semble-t-il réussie, de la Corée du Sud pour sauver cette édition.

Le Jamboree de l'amitié, de la fraternité et de la résilience

Malgré une organisation défaillante, malgré la chaleur qui a pesé sur certains organismes, malgré l’évacuation précoce du camp, les jeunes scouts monégasques retiennent "une expérience hors du commun". "Cela n’a pas empêché d’en profiter et de s’amuser. On était tous dans la joie", soutient Antoine Blazy, Roquebrunois de 17 ans.

Dès leur arrivée au sous-camp de Godolo, partagés avec la délégation tchadienne, les scouts de Monaco ont pu mesurer la fraternité qui régnait sur site. "Ils se sont réveillés en pleine nuit pour nous aider à monter le camp", raconte Alexander Ivanov, un Italien de 18 ans résidant à Monaco.

"Unis malgré nos différences"

En déambulant dans l’immense camp ou au gré des activités (pilotage de drones, leçon de morse, toboggans aquatiques, parcours militaires, foot, cuisine à base d’insectes), ils accostent leurs homologues au hasard pour entamer un échange. Belges, Norvégiens, Coréens, Japonais, Italiens, Mexicains… Les nationalités défilent. Choc des cultures. "Avec certains, malgré l’impossibilité de communiquer en anglais, on arrivait tout de même à se comprendre, poursuit Alexander. Ce qui m’a vraiment marqué, c’est qu’on était tous unis par le partage malgré nos différences. Je n’ai ressenti aucune violence, discrimination, racisme ou méchanceté. Plus respectueux, ça n’existait pas."

Echanges de badges et foulards

Si affinités il y a, les scouts échangent alors leurs badges, voire leurs foulards. Un geste puissant d’amitié. "J’ai échangé les miens avec des jeunes d’Ukraine, du Mexique et de Suisse. On est resté en contact sur les réseaux sociaux", témoigne Luca Scordino, Monégasque de 16 ans, sept années de scoutisme au compteur. Alexander, lui, a échangé son foulard avec des Japonais lors d’une partie endiablée d’un jeu typique de Corée. Lila Carré, 16 ans, en a reçu un de la Guinée.

"Sans wifi sur place, on s’est rendu compte que nos téléphones ne servaient à rien à part prendre des photos. Ça a permis de se déconnecter, de vivre à fond l’instant présent, confie-t-elle. Grâce aux difficultés rencontrées, on a pu voir la fraternité et solidarité des scouts. On a dû s’entraider, prendre soin des autres comme de notre propre famille. Un exemple tout bête : si quelqu’un n’avait plus d’eau, un autre lui en donnait. C’était important de ne pas faire de malaise."

Et Linh de Angelis, avec son regard d’adulte, de résumer l’esprit de ce rassemblement mondial : "Au Jamboree, des amitiés peuvent durer toute une vie."

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