On vous raconte le "scandaleux" mariage du petit-fils du tsar Nicolas 1er, sur la Côte d'Azur en 1891

Le petit-fils du tsar et la petite-fille de Pouchkine s’exilent à Cannes en 1891.

ANDRÉ PEYREGNE Publié le 18/11/2023 à 15:15, mis à jour le 18/11/2023 à 13:42
Le grand-duc Michel Mikhaïlovitch. (DR)

Il y a des choses qui ne se font pas: par exemple, épouser une roturière lorsqu’on est membre de la cour impériale de Russie.

C’est pourtant ce qu’a fait le grand-duc Michel, petit-fils du tsar Nicolas 1er, en 1891, en se mariant avec Sophie qu’il avait rencontrée à Nice.

Au mois de juin précédent, Sophie se promenait à cheval sur les hauteurs niçoises. On imagine une belle journée d’été avec, au loin, la vue s’étendant jusqu’à la mer. Soudain, le cheval s’affola, Sophie perdit l’équilibre. Mais le hasard, qui est un auxiliaire du destin, fit passer par là, à cet instant, un jeune homme qui se précipita, calma l’animal et prit la jeune femme dans ses bras.

"Je suis le grand-duc Michel Mikhaïlovitch", dit le jeune homme à la jeune femme.

"C’est le destin qui vous envoie, répondit la jeune femme. Personne n’évite sa destinée!"

"On dirait du Pouchkine!", répliqua le jeune homme.

"Mais… je suis la petite fille de Pouchkine!"

Ainsi naquit l’idylle entre Sophie et le Grand-Duc. Elle avait 20 ans, lui 29. Michel Mikhaïlovitch donna rendez-vous à la jeune femme à la villa Peillon, sur les hauteurs de Nice (aujourd’hui, quartier du Parc Impérial) où la famille des tsars résidait.

Descendante d’un esclave noir

Sophie était, en effet, la petite-fille de grand écrivain russe Alexandre Pouchkine. Son père était le prince Nicolas de Nassau. Mais comme le mariage de ses parents était considéré comme morganatique (unissant un prince et une femme "de condition inférieure" n’ayant pas les privilèges d’une épouse), Sophie ne put porter le titre de son père. Circonstance aggravante: l’écrivain Pouchkine descendait lui-même d’un esclave noir qui avait été "acheté" puis affranchi par le tsar Pierre le Grand.

Dans les milieux aristocratiques, on commença à commenter avec mépris cette liaison entre le Grand-Duc et Sophie.

Selon la tradition de la famille impériale russe Romanov, le grand-duc Michel devait demander l’autorisation de se marier à sa mère Olga, connue pour ses mœurs très strictes, et au tsar en personne, son cousin Alexandre III.

Dans le passé, il s’était déjà vu refuser… six demandes en mariage, dont une avec la petite-fille de la duchesse de Cambridge, une avec la fille du prince de Galles, une avec une princesse polonaise, une avec la fille du ministre de l’Intérieur.

Mariés à San Remo

Mais cette fois-ci, le Grand-Duc avait décidé d’en faire à sa tête... en procédant discrètement. Comme, de Cannes à Menton, la colonie russe était abondante sur la Côte d’Azur, il alla se marier à San Remo. L’union fut célébrée le 26 février 1891.

La mère ne survécut pas à l’événement. Elle mourut d’une crise cardiaque. Le tsar se mit en colère. Il destitua Michel Mikhaïlovitch de ses titres et de son rang militaire. Il lui interdit de revenir en Russie.

Dans un premier temps, Michel Mikhaïlovitch trouva refuge chez sa sœur Anastasia qui vivait à Cannes dans la villa Wenden. Oh, ils n’étaient pas dans le besoin… Michel jouissait d’une fortune personnelle, étant propriétaire d’une usine d’eau minérale à Tiflis, en Géorgie. Quant à Sophie, son oncle (frère de son père), le grand-duc Adolphe de Luxembourg, lui fit attribuer le titre nobiliaire de comtesse de Torby.

Dans la villa Kasbek

Les époux s’installèrent à Cannes dans la somptueuse villa Kasbek, du nom d’une montagne de Géorgie – villa aujourd’hui transformée en appartements, située au 18 avenue Roi Albert. Le couple disposait d’un majordome, d’un valet, d’une femme de chambre, d’une gouvernante, d’une nurse et de six hommes à tout faire.

Michel et Sophie eurent trois enfants qui se marièrent tous dans l’aristocratie anglaise. Nadejda, leur seconde fille, épousa un des petits-fils de la reine Victoria, George Mountbatten.

Le Grand-Duc s’impliqua dans la vie cannoise: il finança partiellement la construction de l’église orthodoxe de Cannes, ainsi que celle de l’Hôtel Carlton.

Joueur de golf, il créa le terrain de la Napoule – où, paraît-il, une vache qui vivait sur place lui fournissait le lait de son five o’clock tea. Il obtint en 1893l’arrêt à la Napoule des trains du Paris-Lyon-Méditerranée pour acheminer les joueurs de golf. Il posa la première pierre du nouveau port de Mandelieu et inaugura la ligne de tramway vers Cannes.

Son père mort à Cannes

Lorsqu’en 1903, son père, le grand-duc Michel Nikolaïevitch de Russie (fils du tsar Nicolas 1er) fut victime d’une attaque cérébrale, sa sœur Anastasia le fit venir à Cannes. Il y mourut le 18 décembre 1909.

Michel Mikhaïlovitch fut alors autorisé à revenir en Russie, avec le corps de son père, pour assister aux funérailles.

Vint la Première Guerre mondiale. Le Grand-Duc et Sophie décidèrent de quitter Cannes et s’installer à Londres. C’est là que tous deux moururent à deux ans d’intervalle en 1927 et 1929, elle d’abord, à 52 ans, lui ensuite à 67 ans. Le destin en avait décidé ainsi. Et "personne ne peut éviter sa destinée", avait dit Pouchkine…

Sophie. (DR)

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