Son amitié avec la princesse Caroline, ses premiers souvenirs à Monaco, le Bal de la Rose, Christian Louboutin se confie

Le créateur de souliers proposera cet été au Grimaldi Forum Monaco une rétrospective de trente années de travail… mêlée à une sélection d’œuvres d’art racontant ses goûts et ses inspirations. Rencontre à Paris.

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Cédric Vérany, à Paris Publié le 02/04/2022 à 08:30, mis à jour le 01/04/2022 à 21:53
Christian Louboutin dans son antre parisien. Philippe Dobrowolska

Dans quel état d’esprit avez-vous replongé dans trois décennies de création pour faire votre entrée au musée ?
J’avais les souvenirs, il me manquait les archives, je n’avais rien gardé. En y repensant, c’est amusant après plus de trente ans, je disais encore "merci de vous intéresser à ma jeune aventure" alors qu’elle n’est plus si jeune que ça [rires]. Mais je la vis toujours comme tel. Je n’ai jamais pensé qu’il fallait conserver des choses. Quand on démarre une aventure, on veut la vivre, pas s’en rappeler comme d’un moment passé. J’étais dans une forme d’innocence face à mon travail, complètement passionné d’entamer cette page blanche. Et se replonger là-dedans, c’est très très amusant. À part les photos, on se dit qu’on a tellement vieilli… C’est une horreur ! [rires] Mais c’est génial de voir ce qui a changé, ce qui n’a pas bougé. C’est pour cela aussi que je suis attaché à rester à l’endroit où j’appartiens maintenant, dans ces espaces de la rue Jean-Jacques-Rousseau.

"J'étais dans une forme d'innocence face à mon travail"


Ce travail pour l’exposition a commencé il y a plus de trois ans. Entre-temps, la démarche a-t-elle influencé ou modifié votre manière de concevoir vos créations les plus récentes ?
Non, pas du tout. J’essaye toujours de m’organiser pour avoir davantage de temps. Mais plus je délègue à d’autres, moins j’ai de temps. La manière fondamentale pour moi n’a pas changé. Je dessine toujours à la main. J’ai essayé dix jours sur un ordinateur, quel ennui ! Les deux essentiels à mon travail sont la liberté et le dessin. Tout a pu changer autour mais ces deux choses, je les ai conservées. Le dessin est essentiel. Et ma liberté, c’est par exemple de continuer à rouler en Vespa, dans les rues de Paris, pour ne pas perdre de temps, même si on me dit que je ne devrais pas !


Votre exposition voyage de Paris à Monaco. Quel est le premier souvenir que vous gardez de la Principauté ?
Comme beaucoup, celui de la visite du Musée océanographique, enfant, la première fois que je suis descendu dans le sud de la France en famille. D’une certaine manière, Monaco me vient par les poissons. J’ai une passion pour les poissons, même si j’y suis allergique, que je n’en mange pas et que je ne les pêche pas. Mais j’adore leurs formes, leur mobilité, leur chorégraphie. Et la symétrie dans l’asymétrie de leurs dessins, de leurs couleurs, de leurs irisations. Je me souviens aussi de cette première visite et de la découverte du bâtiment du Musée océanographique. Un bâtiment qui est comme un dessin ou tous les détails décoratifs évoquent la mer…

"J'ai une passion pour les poissons, même si j'y suis allergique"


Une Méditerranée visible aussi depuis l’espace Ravel du Grimaldi où va se déployer votre projet cet été. L’immensité du lieu ne vous a pas fait peur ?
Je connaissais l’endroit pour y avoir vu plusieurs expositions, notamment celles consacrées à Bacon ou à Giacometti. Et j’avais déjà en tête l’idée que ce lieu pouvait être complètement différent. L’important pour moi ce sont les onze mètres de hauteur et la lumière naturelle qui y pénètre, avec laquelle il faut jouer, l’obstruer ou la rendre plus présente. La hauteur permettra de montrer des pièces que j’aime, que je ne pouvais pas montrer ailleurs. Au Palais de la Porte Dorée à Paris, nous avions une série de vitrines toutes du même format. Au Grimaldi Forum, l’espace permettra de faire cohabiter des pièces de divers horizons pour montrer aux visiteurs une forme d’évidence entre le travail d’une personne et d’une autre. Le lieu permet ce dialogue.


En plus de l’exposition, la princesse Caroline vous a demandé d’assurer la direction artistique du Bal de la Rose,  le 8 juillet prochain. À quoi ressemblera un Bal de la Rose façon Louboutin ?
Il faudra venir voir ! Nous avons choisi comme thème "Les années folles, le retour" et tout ce que je peux dire c’est que la soirée sera sous le signe de la joie et du spectacle. Avec une grande importance donnée aux gens qui seront sur scène et aux décors. Alors oui, ça fait deux grands projets à venir à Monaco, mais pour moi le travail est basé sur le plaisir. Et le mélange des deux fonctionne !

Pourquoi la princesse Caroline est la "bonne fée" de Christian Louboutin ?

Comme Cendrillon avait sa marraine lui confectionnant d’un coup de baguette magique ses souliers de vair, Christian Louboutin, en jetant un regard sur sa carrière, évoque comme sa bonne fée, la princesse Caroline.


À l’automne 1991, alors qu’il vient d’ouvrir sa toute première boutique rue Jean-Jacques-Rousseau, la princesse Caroline passe par hasard devant la vitrine du chausseur à Paris, entre et achète des modèles. Christian Louboutin n’est pas présent ce jour-là. On le prévient du passage de cette cliente particulière. Qui revient quelques semaines plus tard, à nouveau se choisir des paires de souliers.


"La deuxième fois où elle est venue, une journaliste du magazine W était dans la boutique. Quand elle a vu la princesse Caroline y faire son shopping, elle a écrit un article qui a ramené immédiatement tous les acheteurs américains dans mon magasin. Alors oui, la princesse de manière active, sans s’en rendre compte, a participé à ma jeune aventure en étant ma bonne fée".


Et comme un clin d’œil à celle qui est devenue son amie au fil des années, dans l’exposition au Grimaldi Forum, Christian Louboutin insérera une série de Polaroid de portraits de la princesse de Hanovre, signés d’Andy Warhol. Des pièces rarement montrées extraites pour l’occasion des collections du NMNM.

Il y a trente ans, la princesse Caroline découvrait la première boutique de Christian Louboutin. Aujourd’hui, ils sont amis. Photo Jean-François Ottonello.

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