"Pendant deux jours, j’ai vu la mort en face"... Guéri du coronavirus, ce résident de Monaco raconte l'enfer de la maladie

Alberto Colman a souffert à Monaco d’une forme sévère du virus qui l’a contraint à une semaine d’hospitalisation et lui a fait vivre de sombres heures. Il témoigne pour raconter cette épreuve.

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Cédric Vérany Publié le 09/04/2020 à 18:26, mis à jour le 09/04/2020 à 18:26
"La maladie est comme un sniper". DR

Au bout du fil, la voix est posée. Son accent chantant italien a encore les intonations fatiguées. "

Mais je vais mieux, je vais mieux", assure Alberto Colman.

Le journaliste transalpin, résident depuis quarante ans en Principauté, vient de traverser une épreuve lourde, victime d’un stade sévère du Covid-19, qui lui a fait craindre le pire. "Je peux le dire, pendant deux jours, j’ai vu la mort en face", souffle-t-il, encore ému.

Les premiers symptômes ont commencé il y a quinze jours avec un peu de toux, un peu de fièvre, des maux de tête et gorge, « et surtout la perte totale du goût et de l’odorat, c’est le plus significatif ».

Jeune sexagénaire, actif et sans problème de santé, Alberto espérait en rester là. "D’autant plus qu’avec mon épouse, Cinzia, nous nous sommes mis en confinement dès que l’Italie l’a décrété, bien avant Monaco. En voyant la situation à Milan, à Bergame, nous avons compris que c’était grave, que la maladie était incontrôlable et inconnue."

"Un vrai sentiment de panique"

Le 29 mars, pourtant les symptômes persistant, un ami médecin lui fournit un oxymètre, petit appareil qui calcule le taux d’oxygène dans le sang, par une pression au bout du doigt. Le taux normal est fixé à 95.

"Ce jour-là, je suis descendu à 93, je sentais que j’avais du mal à respirer. En début de soirée, le taux est passé à 89."

Direction les urgences du Centre hospitalier Princesse-Grace où il est aussitôt hospitalisé. "À mon arrivée, mon état était épouvantable, je cherchais mon souffle, je n’arrivais plus à respirer. Les médecins m’ont placé sous oxygène."

Trois litres par heure distillés par une canule dans le nez. "Ce qui m’a aidé, peut-être, c’est que je suis plongeur et je sais comment réagir quand le corps est en réserve d’oxygène, qu’il faut calibrer sa respiration pour ne pas trop inspirer."

Débutent alors quarante-huit heures en enfer pour le photographe.

"J’ai vécu, je peux le dire, les pires moments de ma vie. Je n’arrivais plus à respirer, c’était horrible. Et j’avais peur de m’endormir pour ne plus jamais me réveiller. C’est un vrai sentiment de panique.

Pourtant, il faut savoir rester calme, car en s’agitant trop, ça déclenche des quintes de toux et ça devient ingérable. À ce moment-là, j’ai compris pourquoi autant de personnes âgées qui se retrouvent dans cette situation meurent, car on panique et on ne sait plus comment agir pour trouver sa respiration."

Traité à la chloroquine

Le médecin qui le prend en charge à l’hôpital de Monaco, Sylvie Chaillou, lui parle alors de la thérapie expérimentale à la chloroquine du professeur Raoult.

Elle lui explique qu’il doit signer une décharge pour suivre ce protocole de soins encore expérimental. Alberto accepte.

"J’ai dit au médecin : “Je suis en train de mourir, alors donnez-moi ce que vous voulez, je ne vais pas attendre des autorisations bureaucratiques officielles.”"

Dans l’heure qui suit, il avale le premier comprimé. "Le lendemain au réveil, je me sentais déjà mieux, je retrouvais du souffle."

Mais son hospitalisation se poursuivra quand même toute la semaine, sous surveillance des médecins "et d’une équipe formidable au CHPG", en réduisant progressivement l’apport quotidien en oxygène.

"La maladie est comme un sniper"

Aussi, aujourd’hui, il prône la vigilance, le confinement et le port du masque pour les sorties impérieuses. DR.

Aujourd’hui, Alberto se repose chez lui pour terminer sa guérison et reprendre de la vitalité. Mais il ne cache pas sa colère quand il voit encore des gens dans la rue se promener, faire du sport et ne pas prendre les règles de confinement au sérieux.

"Je n’ai aucun antécédent ou problème médical, je suis en forme. La maladie est comme un sniper, un tireur d’élite au-dessus des immeubles. Elle peut vous toucher où que vous soyez, légèrement ou mortellement. Il faut que tout le monde soit responsable. Pour soi-même et pour les autres. Car on ne sait pas combien de personnes sont porteuses du virus, peut-être 70% de la population. Alors chaque personne dans la rue est chargée de mines qu’elle dépose en se déplaçant sans savoir sur qui ça peut tomber."

Lui-même ne sait pas où le virus l’a touché. Il avait bien assisté à la conférence de presse du gouvernement monégasque, le vendredi 13 mars, en présence du Ministre d’État – l’équivalent du Premier ministre en France – détecté positif au Covid-19 dans les heures qui ont suivi.

Mais à cette époque où les mesures sanitaires les plus drastiques n’étaient pas encore ordonnées, personne ne peut certifier où et comment se sont produites les contaminations.

Aussi, aujourd’hui, il prône la vigilance, le confinement et le port du masque pour les sorties impérieuses. "Mettre un masque, c’est vital à mon sens, car nous sommes en guerre contre un ennemi invisible."

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