Pourquoi la Principauté de Monaco est restée figée à l'année 2012 sur Google Street View?

La tour Odéon absente du paysage de la Principauté. Même constat pour la zone du Portier, dont le littoral n’a pas encore été grignoté par la pharaonique extension en mer "Mareterra", ou pour le nouveau Yacht-club dont le chantier semble à peine débuter sur le quai Louis-II du port Hercule.

En déambulant dans Monaco via Google Street View, au gré des clics de notre souris d’ordinateur, difficile de reconnaître la cité-Etat telle qu’on la sillonne en 2023. à de rares exceptions près, grâce à des clichés de particuliers, le service de navigation virtuelle du géant de la tech n’a pas été mis à jour depuis 2011-2012 sur le sol monégasque.

Fâcheux quand on sait que ce territoire étriqué de 2,02km² demeure en perpétuelle mutation. Ainsi, bon nombre de bâtiments phares manquent à l’appel et l’entrée du pays, côté Cap-d’Ail, est littéralement méconnaissable.

Éléments d’explication.

Des remontées d’acteurs du tourisme

Hormis en 2014 pour réactualiser le trait de côte de la Principauté depuis un jet-ski, Google n’a pas formulé de demande d’autorisation de prises de vues pour "Street View" au gouvernement princier depuis 2012. "Nous n’avons concrètement pas d’explication formelle concernant cette absence de demande et de mise à jour, répond Georges Gambarini, responsable du programme Smart City à la Direction des services numériques. Google externalisant ces prestations de mises à jour, il est tout simplement probable que les commandes couvrant le territoire des Alpes-Maritimes aient omis les spécificités du territoire monégasque en tant qu’État souverain."

Des clichés photographiques obsolètes, donc, qui ne sont pas sans impact pour les acteurs locaux, notamment du tourisme et du commerce. "On a eu quelques remontées d’acteurs à ce sujet", confirme Georges Gambarini.

Une mise à jour en 2024?

Pour combler ce retard, les services du gouvernement princier ont consolidé leurs relations avec la firme américaine ces dernières années. En effet, en 2019 déjà, des discussions avaient été menées avec les équipes de Google Maps, le service de cartographie en ligne. "Avec eux, on a géo-référencé un certain nombre de lieux importants du pays pour s’assurer que la cartographie était bonne. Exemple: l’entrée du Jardin exotique était positionnée au niveau du tunnel de l’hôpital." Au mauvais endroit, donc, ce qui pouvait induire en erreur l’utilisateur en ligne.

Cet été, entre le 27 août et le 1^er septembre, les équipes de Google Maps ont fait voler leur drone au-dessus de la Principauté pour permettre d’établir la cartographie aérienne complète du pays, dont des angles de vue jusqu’alors inaccessibles par les avions.

Les données doivent désormais être traitées pour permettre une imminente mise à jour.

Et Street View, dans tout ça?

"Google Street View est depuis peu intégré à Google Maps. Ce sont donc les mêmes équipes. On leur a donc fait savoir que nous n’étions pas satisfaits de l’absence de mises à jour. En traitant les données de Google Maps, ils vont analyser le différentiel avec Street View pour juger s’il est prioritaire ou non de venir en Principauté. Il semble évident que ça le sera, confie Georges Gambarini. J’ai bon espoir que ça s’opère en 2024."

Floutage et suppression des données

Mais dans quelles conditions? L’enjeu majeur étant la protection des données et de la vie privée, Google ayant été épinglé en 2011 par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) après que leurs voitures ont collecté des données personnelles par erreur sur des réseaux Wi-fi non sécurisés. "Sur le principe, on est favorable à leur venue mais on sera regardant, voire embêtant, prévient Georges Gambarini. On veut s’assurer que toutes les règles soient conformes à nos pratiques en termes de gestion de la donnée personnelle. Cela passe par le floutage des personnes, des plaques d’immatriculation mais aussi des lieux sensibles pour des questions évidentes de sécurité. Mais aussi par la garantie que la donnée source ne soit pas stockée mais détruite. (...) On prendra notre temps pour ne pas prendre de risques inutiles."

Enfin autre facteur primordial: le timing des prises de vues. Il faut arriver à trouver un créneau et jongler entre l’agenda des prestataires de Google, le calendrier fourni de manifestations monégasques et la saisonnalité… du soleil, afin d’éviter l’ombre portée des immeubles de la Principauté.