Il y a des pages plus difficiles que d'autres à tourner. Des fins au goût amer même quand on les voit arriver. Ce jeudi, Leonardo Jardim a officiellement quitté l'AS Monaco par la grande porte. Le tacticien portugais a remis ses clés du Louis-II avec le statut de légende et de membre, à vie, « de la famille de l'AS Monaco », selon les mots de Vadim Vasilyev, vice-président directeur général du club.
Une direction russe dont la maestria du coach lusitanien aura légitimé le projet « d'investissements raisonnés », jusqu'à ces dernières semaines - et jusqu'à quand ? -, en raflant le titre de champion de France 2017 à l'armada du PSG, en atteignant le dernier carré de la Ligue des Champions la même année et en bouclant chacune ses quatre saisons sur le banc par un podium en Ligue 1. Rien que ça !
D'où l'unanime « Obrigado Mister Jardim ! » repris par les fans, joueurs et observateurs, ces dernières heures sur les réseaux sociaux. Et « l'hommage appuyé » du prince Albert II pour celui « qui entre au panthéon des grands entraîneurs de l'AS Monaco » (lire page suivante).
En attendant la nomination de Thierry Henry sur le banc, qui, selon nos confrères de L'Equipe, devrait signer un contrat de trois ans et être présenté mercredi à Monaco, l'heure est un peu à la gueule de bois côté supporters. Orphelins de « Leo le magicien », tous - ou presque - acceptent l'idée d'un changement de cycle mais ne cachent pas leur « tristesse », voire leur « déception ». L'incompréhension pour certains. Tous s'accordant, en revanche, à dédouaner Leonardo Jardim d'une entière responsabilité dans le fiasco du début de saison.
Élégant jusqu'au bout, Jardim a laissé ses états d'âme au vestiaire en signant une déclaration commune de séparation avec la direction du club, puis en adressant de sincères remerciements aux fans sur Twitter. « C'est un honneur d'avoir représenté l'AS Monaco. Merci pour l'opportunité, merci pour le soutien, merci pour l'affection (...). Monaco et ses chaleureux supporters resteront à jamais dans mon cœur. Je souhaite le meilleur à l'AS Monaco. Daghe Munegu ! »
Travailleur de l'ombre, humble et passionné, Jardim s'est fait un nom en Principauté et en Europe, non sans encaisser quelques coups bas (lire ci-dessous). Son départ acté, le bureau du Club des Supporters de Monaco (CSM) a salué, par voie de communiqué, le « remarquable travail » effectué et reporté frustration et colère sur les joueurs.
« Vous avez eu la peau de votre coach, alors maintenant plus aucunes excuses ! Vous êtes pour la plupart internationaux A ou espoirs, grassement payés, alors place au travail et sauvez ce qui peut encore l'être ! Stop aux déclarations de façade inutiles, concentrez-vous uniquement sur votre métier ! Vous représentez non seulement un club mais aussi un pays dont nous sommes fiers ! Aucun de vous n'est au-dessus de l'institution ! Nous vous soutiendrons si vous honorez le maillot ! »
Des joueurs cloués au pilori mais pas un mot sur la direction du club qui, par la personne de Vadim Vasilyev, devrait d'ailleurs rencontrer les représentants du CSM prochainement. « Il n'y a aucune cassure entre les supporters et le club », assure-t-on en interne alors que la traditionnelle « Soirée des abonnés » entre staff, direction, joueurs et abonnés n'est, du coup, toujours pas programmée.
Pas de « cassure » mais une tension certaine dans les rangs des Ultras Monaco 1994. Lors du prochain déplacement à Strasbourg, les Ultras ne voyageront pas sans revendications et s'ils n'ont « pas souhaité répondre à la presse », leur dernier communiqué est limpide. Après des éloges à Jardim, l'« homme qui a toujours assumé ses décisions et a toujours été disponible pour nous », les Ultras chargent les joueurs pour leur « médiocrité » actuelle : « Vous représentez un club historique, montrez-vous en digne ! »
Puis la direction de l'ASM, sans vergogne : « Bien que cette décision fût prévisible, nous ne la soutenons absolument pas. Nous regrettons amèrement qu'un tel choix ait été fait, sachant que les responsabilités sont partagées par toutes les composantes du club. »
« De nombreuses erreurs ont été commises tout d'abord en haut lieu », poursuivent-ils, pointant du doigt l'achat d'espoirs à outrance plutôt que de privilégier le vivier de l'Academy monégasque ou encore la « main-mise » de l'agent Jorge Mendes dans la chaîne de transferts. Un propos conclut par une question aux airs d'ultimatum : « Peut-être qu'il est à nouveau temps de conjuguer la ressuscite sportive avec la réussite économique ? »
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