Réforme des retraites: avec le 49.3, la colère ne bat pas en retraite

L’exécutif a finalement décidé de ne pas soumettre la réforme des retraites au vote des députés et de recourir à l’article 49.3 pour la faire adopter. Les syndicats annoncent une nouvelle journée d’action jeudi prochain.

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Lionel Paoli Publié le 17/03/2023 à 07:15, mis à jour le 16/03/2023 à 22:10
Ils étaient plusieurs centaines à battre le pavé à Lille hier après-midi. (Photo AFP)

Ils y ont cru jusqu'au bout. Quasiment jusqu'à la dernière minute. Depuis mercredi soir, les deux têtes de l’exécutif ont multiplié les réunions, convoqué les chefs des groupes parlementaires et des partis, afin de savoir s'ils devaient recourir ou non à l'article 49.3.

Mais une heure avant l’examen du texte au Palais-Bourbon, l’incertitude demeure trop forte. "Ça passe à deux voix près", laisse filtrer une source gouvernementale. "C’est mort pour trois bulletins", réplique un élu d'opposition.

"Entre la roulette russe et la Grosse Bertha", pour reprendre l’expression de Bruno Retailleau, Emmanuel Macron finit par trancher: ce sera la seconde option.

Reste à trouver les "éléments de langage" pour justifier cette volte-face du chef de l’État. Son service de presse s’y emploie en sortant les avirons: "Le Président souhaitait qu'il y ait un vote sur ce texte. Ce vote est prévu par nos institutions; c’est la motion de censure!"

"Un basculement autoritaire"

Pendant ce temps, sous les huées des oppositions, Élisabeth Borne engage la responsabilité de son gouvernement. "Aujourd’hui, sur le texte du Parlement, l’incertitude plane à quelques voix près, plaide-t-elle. On ne peut pas prendre le risque de voir le compromis, bâti par les deux assemblées, écarté. Cette réforme est nécessaire."

Plusieurs motions de censure sont aussitôt annoncées. Devant les caméras, Marine Le Pen affirme qu’Élisabeth Borne "ne peut pas rester" à Matignon. "C’est un constat d’échec total" pour Emmanuel Macron, grince la présidente du groupe RN. Tandis que la patronne des députés LFI, Mathilde Panot, s’emporte: "Nous sommes dans un basculement autoritaire. Rien n’est fini." Elle aussi s’engage à déposer une motion.

La piste qui inquiète le gouvernement

Mais l’initiative qui est sur toutes les lèvres, celle qui inquiète le gouvernement, vient du centre de l’hémicycle. Charles de Courson, du groupe Liot (Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires), propose une "motion de censure transpartisane" pour contrer le passage en force de l’exécutif. Du RN à LFI, cette piste est immédiatement plébiscitée.

Seul le président des Républicains, le Niçois Éric Ciotti, indique que son parti ne votera "aucune motion de censure". C’est sans compter sur les députés LR frondeurs, opposés à la réforme des retraites, qui pourraient être tentés de lui faire faux bond.

Une source proche de la direction du parti avance qu’une dizaine de députés gaullistes – sur 61 – pourraient passer outre les ordres du chef. Malgré la menace d’Olivier Marleix, à peine voilée, de devoir ensuite "aller siéger ailleurs".

Parallèlement, des rassemblements s’organisent dans plusieurs villes de France – notamment à Marseille, Grenoble, Bourges, Toulouse et Nice (lire page ci-contre). Environ 6.000 manifestants sont dénombrés place de la Concorde à Paris, avant d’être évacués par les forces de l’ordre.

De son côté, l’intersyndicale, réunie au siège de la CGT, appelle sans surprise à poursuivre la mobilisation. D’abord via des "rassemblements de proximité" ce week-end, puis avec "une grande journée de grèves et de manifestations le jeudi 23 mars".

"Mauvaise chose" pour 82% des Français

Peu avant 20 heures, alors qu’Élisabeth Borne s’apprête à prendre la parole sur le plateau de TF1, un sondage Harris Interactive révèle que, pour huit Français sur dix (82%), dont un sympathisant "Renaissance" sur deux (49%), le recours à l’article 49.3 est une "mauvaise chose".

Face au journaliste Gilles Bouleau, la Première ministre botte en touche. Et pointe la responsabilité des frondeurs gaullistes: "Au sein du groupe LR, certains ont joué une carte personnelle, en contradiction avec ce que portent les Républicains depuis des années – et en contradiction, pour certains, avec ce qu’ils ont eux-mêmes proposé il y a quelques mois."

Interrogée sur son propre avenir, la cheffe du gouvernement précise qu’elle ne démissionnera pas… à moins, évidemment, que le vote d’une des motions de censure ne lui soit défavorable.

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