Orbital Solutions fabrique le premier nanosatellite de Monaco

Née en juillet à Fontvieille, la société Orbital Solutions fabrique actuellement à Monaco un satellite de petite taille qui, une fois dans l’espace en 2020, récoltera des données atmosphériques

Article réservé aux abonnés
Thibaut Parat Publié le 09/10/2019 à 07:05, mis à jour le 09/10/2019 à 07:07
Le nanosatellite est stocké dans une salle blanche, vierge de poussières et autres saletés. Les trois ingénieurs ont pu expliquer, hier, au prince Albert II à quoi servira l’appareil une fois dans l’espace. Sébastien Botella et Axel Bastello/Palais Princier

C’est un satellite à peine plus grand qu’une boîte à chaussures. Environ quinze kilos à la balance. Dans le jargon de l’industrie spatiale, on parle de « nanosatellite ». A Monaco, Orbital Solutions s’est engouffrée dans la brèche de cette prolifération d’engins spatiaux de petite taille en développant le sien : OSM1 Cicero. Un marché à haute valeur ajoutée, donc, implanté depuis juillet au cœur du quartier industriel de Fontvieille. Dans des locaux de 300 mètres carrés, au cinquième étage du Triton, que le prince Albert II a visité hier. « On peut dire que Monaco a son propre programme spatial », sourit Francesco Bongiovanni, fondateur et p.-d.g. de la société.

Ancien entrepreneur et financier, l’homme s’est associé à un riche milliardaire italien - Manfredi Lefebvre d’Ovidio - et à un partenaire industriel, TYVAK, pour surfer sur ce qu’il nomme une « révolution ». Celle de la miniaturisation des satellites. « C’est comparable aux ordinateurs et aux téléphones. Une révolution est en cours en termes d’occupation de l’espace, assure-t-il. Celui-ci, jusque très récemment, était seulement ouvert aux grands consortiums et aux États. Il est devenu désormais à la portée de sociétés privées et d’acteurs plus petits. »

L’appareil lancé en 2020 

Alexander Erlank s’assure que la carte électronique ne présente aucun défaut; Yann Gouy place les composants du satellite pour les tester à des températures extrêmes; Les pièces sont soigneusement nettoyées au bain à ultrasons.

Des satellites plus petits et, de facto, plus faciles à produire et bien moins onéreux. Là où certains pesaient des tonnes et plusieurs centaines de millions de dollars, celui qui naît à Monaco coûte un bon million d’euros. Les trois ingénieurs qui travaillent dessus (lire page suivante) espèrent le voir graviter en orbite autour de la Terre au premier trimestre 2020. Une fois dans l’espace à 400 kilomètres d’altitude, l’appareil, aux ailes truffées de capteurs solaires pour alimenter la batterie, absorbera moult données atmosphériques (lire ci-contre).

Pour l’heure, l’appareil en est à la phase de production et d’assemblage. Suivront ensuite les tests. « Il faudra s’assurer que tous les composants et modules fonctionnent. S’assurer que tous les systèmes communiquent entre eux. Il y aura aussi des tests environnementaux. On doit voir si le satellite résiste aux vibrations pendant la phase de lancement de la fusée, aux chocs, aux températures extrêmes qu’elles soient chaudes ou froides. Pour ce dernier test, on a une chambre thermique avec des cycles de plus d’une heure », développe Francesco Bongiovanni.

Soit le temps qu’il mettra pour faire le tour de la planète bleue, avec des expositions plus ou moins conséquentes à l’astre solaire.

"Il faut que l’orbite nous convienne"

Reste désormais à savoir de quel site de lancement il partira et dans quelle fusée il prendra place. En Guyane ? En Inde ? En Russie ? En Nouvelle-Zélande ? « On étudie toutes les possibilités. C’est un peu de l’auto-stop. Car personne ne va lancer une fusée rien que pour nous. Comme il y a de la place dans l’ogive, on met notre nanosatellite et, une fois arrivé à la bonne hauteur, il est expédié par ressorts à la bonne orbite. Mais il faut que celle-ci nous convienne, martèle-t-il. Si le satellite est, par exemple, trop exposé au soleil et n’a pas le temps de refroidir, cela peut réduire son temps de vie. Celui-ci est normalement de 4 à 5 ans. Ensuite, comme il est petit, il rentrera dans l’atmosphère et se désintégrera. » Avant que celui-ci ne soit réduit à l’état de cendres, il aura capté de précieuses données pour le climat. Une part de Monaco subsistera dans l’espace.

À quoi va-t-il servir concrètement ?

 

À quoi sert généralement un satellite ? À l’observation de la terre, aux télécommunications ou à la recherche scientifique. Pour le nanosatellite monégasque OSM1 Cicero, c’est du dernier volet dont on parle. Il viendra compléter le travail de deux autres nanosatellites de la constellation Cicero de GeoOptics. Il s’agit avant tout d’absorber des données atmosphériques grâce au système de radio occultation.

Kézako ? Francesco Bongiovanni développe : « Les satellites GPS, en géostationnaire à 35 000 kilomètres au-dessus de la terre, lancent des ondes radios que votre téléphone capte et qui peut vous dire où vous êtes. Lorsque ces ondes pénètrent dans l’atmosphère, elles font une sorte de courbure, laquelle est équivalente à la lumière quand elle rentre dans l’eau. C’est cette courbure qui sera analysée par la charge utile de notre nanosatellite en orbite basse. »

Lequel pourra déduire de façon précise les données atmosphériques. « L’application du nanosatellite permettra de récolter sur une colonne verticale, allant du sol jusqu’à la fin de l’atmosphère, des données de base : température, pression, humidité. Avec le changement climatique, il y a un appétit de plus en plus fort pour des données climatiques encore plus précises. Au lieu de dépenser des centaines de millions de dollars, on arrive à faire la même chose avec des satellites bien moins coûteux. Nous, on récolte des données brutes. Puis, des sociétés, s’occupent d’en faire des modèles de prévisions. »

Qui sont les plus gros consommateurs de ces données atmosphériques et climatiques ? Les sociétés d’assurances, les agriculteurs, les météorologues et les scientifiques.

Un cheveu dans le satellite et ça bousille tout

Quand ils n’ont pas les yeux rivés devant l’ordinateur - pour la visualisation 3D, de la conception ou le design du nanosatellite - c’est dans le laboratoire que l’on retrouve les trois ingénieurs qui planchent sur OSM1 Cicero. Tous les trois, par le passé, ont participé à l’élaboration de satellites bien plus imposants et coûteux. « Dans nos anciennes sociétés, on ne travaillait que sur une portion du satellite et on n’avait pas accès au reste de l’appareil. Là, on a la main sur tout, c’est très appréciable », souffle l’un d’entre eux.

Scotchés au mur, les drapeaux de leur pays natal. La France pour Yann Gouy, spécialisé en software, comprendre le logiciel embarqué. L’Italie pour Gabriele Trani, le Monsieur mécanique de l’équipe. Et l’Afrique du Sud pour Alexander Erlank qui touche à l’électronique. Les yeux dans le microscope, l’ingénieur s’assure que la carte électronique érigée par un sous-traitant ne présente aucun défaut. « Qu’il n’y ait pas un court-circuit par exemple. Si besoin, on a les outils pour faire des soudures et réparer », explique-t-il. A son poignet, il porte un bracelet antistatique. « On évite ainsi l’électricité statique qui peut provoquer des décharges de courant et abîmer la carte électronique », poursuit-il.

Dans la pièce, d’infimes précautions sont prises par l’équipe. Manipulées au préalable avec des gants à usage unique, toutes les pièces - de la simple vis aux composants électroniques - qui composeront le nanosatellite passent par la case du bain à ultrasons. « On lave avec de l’eau savonneuse et on utilise aussi de l’alcool isopropylique pour éliminer la graisse. L’ultrason sert à bien détacher les particules sales qui s’immiscent dans les petits interstices. En bref, ça décape », résume Yann. Pourquoi une hygiène poussée à son paroxysme ? Car la salle blanche, où est stocké le nanosatellite, doit être vierge de saletés, poussières et autres éléments indésirables. Les conséquences pourraient être catastrophiques. « Si vous avez un morceau de matière organique, comme un cheveu, qui est pris au milieu d’un circuit, cela peut tout bousiller. Car il peut se vaporiser ou se désagréger et ainsi abîmer un composant ou créer un court-circuit. Le satellite ne fonctionnerait plus », explique Francesco Bongiovanni. Et autant dire qu’à plus d’un million d’euros pièce, c’est un scénario inenvisageable pour le fondateur et p.-d.g. d’Orbital Solutions Monaco. Même la colle utilisée ne doit pas contenir de bulles d’air - éliminées grâce à une chambre à vide - au risque d’éclater dans l’espace et de projeter des débris de colle dans le satellite.

Bref, zéro pollution permise à l’intérieur de cette fameuse « chambre propre ». Si bien qu’on y accède en pénétrant, d’abord, par un sas. Là, il faut alors revêtir toute la panoplie de protection. Charlotte, masque, gants, blouse et chaussons… Autre gage de sécurité, la pression positive à l’intérieur de la salle. « S’il y a des poussières à l’intérieur, ça les éjecte à l’extérieur », continue Francesco Bongiovanni.

Un secteur pour le moins risqué, donc. « On a des assurances pour la construction, le lancement et la mise en orbite. Mais une fois qu’il est en orbite, non. Si une micrométéorite lui rentre dedans, aucune assurance ne prendra en charge. Après, les nanosatellites fonctionnent par flotte. Alors qu’un gros bébé de 300 millions de dollars, s’il y a un important dommage, tout est terminé. »

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver juste pour ce site parce que la pub permet à la presse de vivre.

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.