Salomé crée une association liée aux troubles de l'apprentissage pour que l'histoire ne se répète pas

Salomé, Monégasque de 20 ans et diagnostiquée tardivement dysphasique, a créé avec ses parents l’association « Alta » pour sensibiliser et informer sur les troubles du langage et neurodéveloppementaux. Avec sa maman, elle témoigne avec force de ces années d'errance médicale et prêche pour que l'histoire ne se répète pas au cœur d'autres familles.

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Thibaut Parat Publié le 10/03/2021 à 11:13, mis à jour le 10/03/2021 à 11:20
Salomé aux côtés de son père, Eric Fissore. Avec ses parents, la jeune fille dysphasique a crée une association liée aux troubles de l'apprentissage. Photo Jean-François Ottonello

Elle le clamait à qui voulait l’entendre mais n’a jamais été entendue. Alexandra Fissore l’a toujours su : depuis toute petite, sa fille Salomé, désormais âgée de 20 ans, souffre de troubles du langage et de compréhension. « Elle avait un temps de retard, avait dû mal à assimiler des consignes, a commencé à parler à 4 ans », énumère la maman.

L’institutrice de CP lui fait part de ses inquiétudes. La famille monégasque ne compte plus les visites chez les spécialistes : trois orthophonistes, deux psychomotriciens, deux psychologues…On dit de Salomé qu’elle est timide, que le déclic arrivera tôt ou tard.

Entre-temps, la jeune fille est déscolarisée en troisième. « Elle ne pouvait plus suivre un cursus normal », poursuit sa mère.

« Ces années sans diagnostic m’ont été volées »

Le combat pour poser un diagnostic précis durera des années, jusqu’en 2019 : Salomé souffre de dysphasie. Un trouble « dys » répandu, certes, mais encore trop méconnu.

Des années d’errance médicale, de manque d’écoute qui restent encore en travers de la gorge d’Alexandra Fissore. « Beaucoup de choses lui ont été enlevées, dont la confiance en elle. Elle a grandi en pensant qu’elle était inférieure aux autres ».

Mêmes sentiments de colère et de rancœur chez Salomé, suivie par une équipe médicale renforcée. « Toutes ces années sans diagnostic m’ont été volées. On m’a volé mes relations sociales, les études que je souhaitais faire, souffle celle qui suit des formations à l’Institut d’études tertiaires à Monaco. Dès que j’ai su pour mon handicap, j’ai promis à ma mère de travailler dur pour récupérer. C’est ce que je fais tous les jours. »

« Être utile aux parents »

Salomé, avec ses parents, a créé l’association ALTA. Quatre lettres pour Association liée aux troubles de l’apprentissage. Sur les réseaux sociaux, la vidéo de présentation de l’association et de l’histoire de Salomé a cartonné.

L’objectif est clair : éviter que d’autres familles ne subissent le même calvaire, la même attente interminable avant un diagnostic. « Devant toutes les difficultés que mes parents ont rencontrées, nous avons pensé pouvoir être utile aux parents pour qu’ils puissent avoir des réponses les plus précises et le plus rapidement possible, argumente Salomé. Toutes ces années ont été stressantes. Mon incompréhension générait de l’inquiétude et du mal-être. Sans parler d’une relation difficile avec ma mère. »

L’association tourne autour d’un triptyque : repérer, dépister et accompagner.

« Autour de nous, il y a des docteurs spécialisés, le Cerpea de Beausoleil qui a énormément aidé ma fille. Chaque praticien, à son niveau, va aider. On va répondre aux questions des parents, mais aussi des enfants. Certains ont honte. Si, déjà, ils pouvaient dépasser ce sentiment, c’est déjà bien. On aimerait montrer qu’on peut vivre normalement avec ces troubles, explique Alexandra Fissore, présidente de l’association. L’Éducation nationale aimerait travailler et communiquer avec nous pour qu’on ne perde pas de temps et que les enfants n’en subissent pas les conséquences. J’aimerais organiser des conférences, et aussi mener une réflexion sur la prise en charge financière. Nous avions la possibilité, au détriment d’autres choses, de payer des professeurs et des frais médicaux à Salomé, à hauteur de plusieurs milliers d’euros par mois. Ce que ne peuvent pas faire toutes les familles… »

La dysphasie, c'est quoi ?

La dysphasie est un trouble développemental du langage oral. En France, selon les chiffres officiels, cela touche 2 % de la population, soit 1 million de personnes. à des degrés divers. Les enfants dysphasiques sont normalement intelligents mais présentent un déficit cantonné au domaine langagier.

Les composantes pouvant être altérées s’avèrent nombreuses : distorsions au niveau des sons, inintelligibilité de la parole, vocabulaire réduit, faible structuration des phrases, difficultés de compréhension du second degré ou de l’abstrait, difficultés également à décrire une suite d’événements ou d’apprendre de nouveaux mots ou de nouvelles structures grammaticales.

Laëtitia Veillon, neuropsychologue au Cerpea de Beausoleil. DR.

« Le dialogue entre les parents et l’école est primordial »

Laëtitia Veillon est neuropsychologue au Cerpea de Beausoleil. Elle nous éclaire sur les troubles de l'apprentissage et du développement.

Comment détecter, rapidement, les troubles de l’apprentissage et du développement  ?
C’est souvent l’école qui alerte de difficultés : un retard de langage oral – lequel peut retentir sur le langage écrit – des difficultés d’attention, des problèmes de compréhension etc.
La dyslexie, par exemple, va être détectée en classe de CP avec l’apprentissage de la lecture. Le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) peut être observé en maternelle. On voit alors si ça persiste dans un cadre structuré. Il y a les hyperactifs mais aussi les élèves rêveurs qui sont inattentifs.
On retrouve aussi les troubles de la motricité, comme la dyspraxie : ce sont des enfants qui ont des problèmes de coordination, des difficultés à colorier ou à former des lettres. Le dialogue entre les parents et le personnel éducatif est primordial. Car certains enfants en difficulté vont être dans l’opposition et manifester un désintérêt pour les activités scolaires.

À quoi sont dus ces troubles ?
Ce sont des troubles neurodéveloppementaux, d’ordre neurologique donc.
Ces enfants ont une intelligence tout à fait normale. Ils sont capables de raisonner, d’abstraire des notions, de mémoriser, de traiter une information. Ils vont juste avoir une difficulté dans un domaine ciblé. La dyscalculie est le trouble spécifique dans le raisonnement mathématique, la dyslexie concerne le langage écrit, la dysphasie le langage oral etc. C’est pour cela que les écoles veulent les détecter au plus tôt pour que soient mis en place des aménagements scolaires et une rééducation.

Une fois la détection, quelles sont les étapes ?
Une fois le diagnostic posé par un spécialiste, il existe des rééducations orthophoniste, neuropsychologique, psychomotrice ou ergothérapique. Et, bien sûr, des aménagements scolaires.
À Monaco, il y a des projets d’accueils individualisés : cela va permettre à l’enfant de le mettre en condition optimale, en fonction de son trouble.
Cela s’illustre par un temps supplémentaire pour son évaluation, un exercice en moins, des dictées à trous, des reformulations de consignes.
Il y a aussi des aides humaines, des AVS. Et des classes d’adaptations spécialisées pour les enfants atteints de troubles à l’apprentissage, du CM1 jusqu’à la fin du collège.

L’exemple de Salomé montre qu’on peut vivre ces troubles normalement et être inséré dans la société.
Oui. Cela ne se soigne pas, mais on vit avec. Cela n’empêche pas d’être inséré dans la société.
Les aménagements scolaires, qui sont indispensables, vont permettre d’être dans les mêmes conditions que les autres.
Ces enfants, en avançant à leur rythme dans des classes à effectif réduit, peuvent tout à fait être en réussite scolaire. Le rythme imposé par le système scolaire est, sinon, trop rapide.
Pour ma part, le redoublement d’une classe n’est pas efficace : la dyslexie sera toujours là l’année d’après.

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