L’étude 14-7 qu’elle a coordonnée faisait l’objet en février dernier d’une publication dans une revue scientifique internationale, Jama (1). Cheffe du département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital universitaire pédiatrique Lenval à Nice et du Centre d’évaluation pédiatrique du psychotrauma (CE2P), le Pr Florence Askenazy publie aujourd’hui un ouvrage très didactique consacré au psychotrauma de l’enfant.
"Trop d’enfants et d’adolescents subissent des événements traumatiques de plus en plus violents. Quand l’effroi paralyse, que la peur de la mort saisit, le psychotrauma et ses symptômes entravent le développement de l’adulte en devenir. Le trouble de stress post-traumatique et les maladies associées sont une affaire de santé publique", écrit-elle en préambule. Rencontre.
Vous coordonnez l’étude 14-7 (2) dont les premiers résultats ont été publiés. Pouvez-vous nous en décrire les contours?
Ce travail a été réalisé auprès de 271 enfants et adolescents pris en soin à Lenval après l’attentat du 14 juillet 2016 et répartis en trois groupes d’âge: moins de 6 ans, 7-12 ans et 13-18 ans. L’étude s’étendra jusqu’aux 25 ans de la plus jeune des victimes recensées, soit 2041.
Que ressort- il de votre étude?
Les résultats préliminaires montrent que 62% des enfants qui ont consulté souffraient de TSPT (Trouble du stress post-traumatique), 79% de troubles anxieux (dont 56% de trouble d’anxiété de la séparation), 9% d’un trouble dépressif majeur, 18% de troubles du contrôle des impulsions et 33% d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH).
Les enfants étaient d’âges très différents. Note-t-on des spécificités liées à l’âge au moment des faits?
Non, nous n’avons pas établi d’association entre l’âge et la fréquence du trouble du stress post-traumatique. Aussi attirons-nous la vigilance de tous sur la nécessaire prise en soin de tous les enfants, dès leur plus jeune âge.
Existe-t-il des médicaments indiqués dans le traitement des TSPT?
Aucun médicament n’est, à ce jour, validé dans cette indication. La prise en charge des TSPT chez l’enfant passe essentiellement par la psychothérapie; elle est même le nerf de la guerre. Mais elle doit être adaptée aux troubles dont souffre l’enfant. Et cela passe par une bonne évaluation des difficultés de chacun d’entre eux: tel enfant va présenter plutôt des troubles de l’apprentissage, un autre des réminiscences [rappel de l’événement traumatique sous l’effet d’un élément déclencheur, Ndlr], etc. On doit pouvoir proposer une palette de soins psychothérapeutiques.
Quel objectif caressez-vous avec votre ouvrage?
Il me semble très important d’éclairer la population générale sur le psychotrauma de l’enfant, ses effets à long terme, le risque de rechutes, etc. Et aussi de déployer des programmes de prévention; c’est un chantier majeur à mettre en place.
Des recommandations qui dépassent nos frontières…
Absolument. Le travail que nous avons réalisé auprès d’enfants et adolescents après l’attentat du 14 juillet 2016 a été partagé au niveau international auprès de la communauté médicale. Les premiers éléments qui ressortent de cette étude doivent inciter les professionnels à mieux affronter collectivement la prise en soin des enfants lors d’un événement tel qu’un attentat, une attaque de masse, un conflit (on pense à la guerre en Ukraine) et pointent la nécessité de développer des centres d’expertise de proximité tels que le CE2P.
1. Consultable sur: jamanetwork.com/journals/ jamanetworkopen/fullarticle/2800940
2. En savoir plus: lenval.org/14-7/
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