Vous avez eu à trancher sur l’utilisation, ou non, de l’hydroxychloroquine à Monaco…
Oui, ça a été mon rôle car tout un tas de personnes ont proposé des traitements soi-disant miracles, dont l’hydroxychloroquine. Mon rôle était d’analyser ça d’un point de vue scientifique et de donner un avis.Et je peux vous dire qu’en l’état actuel, rien n’est démontré. Il n’y a aucun traitement miracle contre la Covid-19.
Des patients ont tout de même été traités par hydroxychloroquine au CHPG, non?
Le CHPG s’est accolé à des protocoles de recherche qui se faisaient en France et était un des centres investigateurs. à ce titre-là, un certain nombre de patients ont été inclus dans des études cliniques et ont pu bénéficier d’un certain nombre de traitements expérimentaux.
On a aussi appliqué les mesures de bon sens qui avaient été prises en France, notamment d’interdire la vente de l’hydroxychloroquine dans les officines [le stock a été préempté par l’État et seule une pharmacie avait l’autorisation de le distribuer, ndlr], parce que ce médicament a des indications dans un certain nombre de maladies rhumatoïdes, et on allait causer une pénurie pour des malades chroniques qui avaient du mal à se procurer le médicament. Il y a aussi une certaine toxicité cardiaque qui, surajoutée à l’atteinte cardiaque due à la Covid, peut faire un cocktail dangereux. Ce n’est pas un médicament anodin
"C'est une histoire de com', pas une histoire de médecine"
Avez-vous senti une insistance des malades et de leurs proches pour en bénéficier?
Oui, les gens sont inquiets à juste titre, mais cette histoire d’hydroxychloroquine c’est une histoire de com’, pas une histoire de médecine. J’ai lu les deux ou trois premiers articles du professeur Raoult. Dans un comité de lecture d’une revue scientifique, je les aurais rejetés. Même dans une revue de très bas niveau, ça n’aurait pas dû passer. En gros, c’était des démonstrations du genre: “Je l’ai utilisé, la plupart de mes patients sont guéris et j’en suis content”.
Mais, heureusement, la plupart des patients atteints de Covid guérissent pareil sans rien. C’est pour ça qu’il faut toujours faire une comparaison entre ceux qui reçoivent le traitement et ceux qui ne le reçoivent pas. Et le mieux c’est que cette comparaison se fasse en double aveugle. Que le médecin et le patient ne savent pas s’ils reçoivent un principe actif ou un placebo.
La randomisation qu’on reproche au Pr Raoult de ne pas avoir pratiqué…
Il n’y avait probablement pas le temps de faire cette étude randomisée. Il y avait au moins le temps de faire une étude comparative, voire une étude randomisée sans le procédé de la double aveugle. C’est-à-dire qu’on tire au sort le patient et tout le monde sait qu’il reçoit le traitement. On ne s’affranchit pas de l’effet placebo, mais ça a une certaine valeur scientifique.
Là, il n’y a pas eu ça. Il y a eu que des malades qui ont reçu l’hydroxychloroquine et effectivement une mortalité un petit peu plus basse que dans d’autres séries, mais étant donné qu’il faisait beaucoup plus de PCR, le professeur Raoult a recruté aussi beaucoup d’asymptomatiques et de paucisymptomatiques qui n’étaient pas dans les autres séries. ça peut expliquer les résultats relativement meilleurs, qui restent à démontrer d’ailleurs. Le vrai problème de tout ça, c’est que ça a tué l’hydroxychloroquine. Si jamais c’était un traitement efficace, ce sera beaucoup plus dur pour le démontrer maintenant.
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