Chef du service de pédiatrie au centre hospitalier Princesse-Grace de Monaco, le docteur Hervé Haas pense que oui, on peut encore sauver Noël. Ce qu’il nous explique au téléphone depuis Stockholm où il se trouve ces jours-ci. Pas si loin finalement du village de Laponie d’où partira le traîneau…
Quelles sont nos chances d’avoir un Noël normal?
Tout dépend de ce que l’on entend par "normal". Si la normalité, cela consiste à se retrouver en famille, sans port du masque, comme s’il ne s’était rien passé, je n’y crois pas une seconde. Plus particulièrement avec les plus fragiles – je pense à nos aînés. Il ne s’agit pas de jeter la pierre à qui que ce soit, mais les gens doivent comprendre qu’à chaque relâchement de notre vigilance, le virus ne nous le pardonne pas. Ça repart. Là encore, il n’est pas question de stigmatiser. Mais chez les jeunes, disons jusqu’à 45 ans, quand il y a une forte circulation du virus, on augmente obligatoirement le nombre de cas graves au sein de cette population et parmi les personnes les plus fragiles. Or, nos services de réanimation sont pleins et nous sommes obligés de déprogrammer des interventions pour d’autres pathologies tout aussi graves, comme la chirurgie du cancer. Parce que l’on a besoin de lits pour surveiller ces patients en post-opératoire, ce qu’il n’est plus possible de faire aujourd’hui. D’ici à Noël, nous avons deux mois devant nous. On sait que, lorsqu’une mesure est prise, il faut deux à trois semaines pour en voir les effets. Donc, on peut avoir un Noël où les gens courront un risque moindre si l’on adopte tout de suite des dispositions très fermes. Les décisions actuelles vont donc dans le bon sens.
Le couvre-feu: judicieux?
Oui. Cela va réduire la circulation du virus. La convivialité, voir les autres, se rapprocher d’eux, oublier toutes les mesures de distanciation… Oui, le couvre-feu aura un impact et c’est notre dernière chance avant un confinement total. Il faut vraiment en avoir conscience. Il s’agit de ralentir de manière efficace, en faisant en sorte que, malgré l’envie que nous pouvons avoir de le faire, on ne peut pas aller dans les bars, rencontrer les copains et se retrouver à dix, quinze, dans une pièce fermée, avec une ventilation qui va diffuser le virus.
Que l’on soit quatre ou dix, est-ce très différent?
Si l’on a un contaminateur potentiel dans le groupe, ce sont autant de personnes qui, par la suite, vont diffuser le virus. Si l’on est en tout petit nombre et si l’on peut se tenir à une distance d’un à deux mètres, surtout avec un masque, le risque est nettement, nettement plus faible.
Il y a encore des gens qui ne prennent pas cette menace au sérieux…
C’est tout notre problème. En Suède, où je me trouve, je vois que les gens respectent la distanciation et le port du masque, sachant que, lorsque l’on se trouve au contact des autres, il faut les respecter, ce qui revient à se respecter soi-même. Dans notre pays, on va parfois devant les tribunaux parce que l’on ne veut pas porter le masque. C’est terrible.
Que dire à ceux qui doutent?
Ils doivent admettre que la théorie du complot n’a aucun sens. Personne n’a de plaisir à contraindre les gens alors qu’ils sont malheureux, sous pression. Sur le plan économique aussi, c’est terrible. Qui gagnerait à imposer cela, sauf à comprendre qu’il n’y a pas d’autre solution? On espère que le vaccin sera d’une grande efficacité. Mais on ne l’a pas. Il faut serrer les dents en attendant de disposer de cet outil. Ceux qui existent aujourd’hui étant très utiles sur le plan thérapeutique, permettant de réduire le temps de réanimation et d’hospitalisation.
Noël est, par définition, intergénérationnel. Comment se rassembler?
Plus nos aînés sont âgés, moins ils savent combien de Noël ils auront encore avec leurs enfants. Il ne s’agit donc pas de leur interdire ce plaisir. Par contre, leur proposer de porter un masque FFP2 (plus protecteur que le masque chirurgical., NDLR) et d’éviter les réunions de vingt personnes, cela me paraît raisonnable. Donc, faire de petits groupes. Un câlin aux petits-enfants, oui, mais pas forcément avec le visage à dix centimètres, alors que son nez coule et qu’il va éternuer. Bien se laver les mains, et ventiler régulièrement, puisque nous vivons dans une région où nous pouvons nous permettre d’ouvrir souvent les fenêtres. Aucune mesure n’est parfaite, mais nos aînés doivent pouvoir profiter de ce Noël. Tout est question de bon sens.
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