La réouverture de ce chantier public monégasque fait débat

La Fédération patronale applaudit, l’Ordre des architectes grince des dents. La décision du gouvernement de rouvrir le chantier de l’esplanade du Larvotto fait jaser en Principauté.

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Arnault Cohen acohen@nicematin.fr Publié le 09/04/2020 à 20:52, mis à jour le 09/04/2020 à 20:54
"Appliquer, sur un chantier, toutes les préconisations nécessaires pendant cette crise sanitaire, c’est illusoire", estime le président de l’Ordre des architectes de Monaco. Photo Dylan Meiffret

La décision du gouvernement de rouvrir le chantier de l’esplanade du Larvotto fait débat. Et pas seulement dans l’hémicycle du Conseil national, comme on a pu l’entendre lundi soir.

La publication de notre article dans le journal, mais aussi sur nos sites et réseaux sociaux, a déclenché une avalanche de critiques, les internautes dénonçant, pour la plupart, la mise en danger de tous ceux qui travaillent sur ce chantier.

>>RELIRE."La décision a été mûrement réfléchie": Pourquoi Monaco a décidé de rouvrir le chantier du Larvotto

"Ah oui, il faut bien que la plage soit prête pour l’été, pendant que les ouvriers seront en réa", stigmatise l’un d’eux, résumant le point de vue général.

Le patronat: POUR

Le débat vit aussi chez les plus concernés d’entre tous: les acteurs du secteur du BTP. D’un côté, la Fédération des entreprises monégasques (Fedem), le patron des patrons en Principauté, considérait déjà, avant cette annonce, que le maintien de chantiers ouverts était une bonne chose.

"Il y a des secteurs clés pour notre modèle économique et pour notre collecte de TVA, le bâtiment en fait partie, écrivait son président, Philippe Ortelli, le 31 mars. Si je comprends l’arrêt temporaire de certains chantiers durant la période de confinement, je pense qu’il faut revendiquer les chantiers restant actifs comme des points symboliques et stratégiques pour la relance économique et commerçante de Monaco. [Le] bâtiment est un secteur qui pourrait voir encore plus de faillites en cascade si tout est mis à zéro."

Quelques jours plus tard, le président de la Fedem, dans cette droite ligne, considère donc que la réouverture de ce chantier est une bonne nouvelle. "On ne peut qu’y être favorable, à condition, bien sûr, que les règles d’hygiène et de sécurité soient irréprochables et bien respectées", réagit Philippe Ortelli, au nom de la fédération patronale qu’il préside.

Les architectes: CONTRE

Les architectes de la Principauté, à l’inverse, sont vent debout contre cette décision. Ils estiment que faire respecter les gestes barrières sur un chantier est quasiment "mission impossible".

"Plusieurs entreprises se retrouvent à travailler ensemble sur un chantier, expose Gabriel Viora, le président de l’Ordre des architectes de Monaco. Déjà, en temps normal, faire respecter les mesures de sécurité sur un chantier est compliqué. Alors appliquer toutes les préconisations nécessaires pendant cette crise sanitaire, c’est illusoire."

Pour le représentant de la profession, c’est d’autant plus irréaliste que les entreprises et les architectes sont limités dans leur activité de contrôle. "On ne peut pas organiser normalement les réunions de chantier et les visites sur site. Les mesures barrières nous empêchent de jouer pleinement notre rôle de chef d’orchestre."

Un autre risque se profile derrière les palissades, au-delà de celui qui pèse sur la santé de tous ceux qui travaillent sur ce chantier et sur les deux autres, privés, toujours en activité à Monaco (1). "Par manque de moyens de vérification et d’encadrement, nous risquons d’être confrontés à des malfaçons et de potentiels sinistres", redoute le président de l’Ordre des architectes de Monaco.

Une profession qui, soit dit en passant, aurait apprécié être consultée par le gouvernement avant la décision de rouvrir le chantier du Larvotto. "Les architectes ont été mis devant le fait accompli. Le gouvernement et le maître d’ouvrage ont dû considérer que les conditions sanitaires étaient suffisantes pour garantir la santé des ouvriers et la réalisation des travaux. Je ne le crois pas. On risque de faire entrer sur ce chantier des porteurs sains du virus. Le risque est toujours là."

"Cette décision est indécente"

Le gouvernement a décidé de rouvrir le chantier du Larvotto pour offrir aux résidents, à l’issue du confinement, un accès à la plage dès les premiers jours de juillet, et pour tenir les délais de ce chantier qui doit être livré fin juin 2021. En gros, si le chantier ne rouvrait pas la semaine dernière, pas de plage cet été et pas d’esplanade l’été suivant.

"La population qui est confinée ne peut comprendre, alors qu’elle doit faire de nombreux sacrifices, que se déroulent des chantiers sous ses fenêtres", a regretté Stéphane Valeri, le président du Conseil national, lundi soir.

Les élus ne sont pas les seuls à condamner cette décision. Contactée jeudi, l’Union des syndicats de Monaco (USM), après avoir consulté le syndicat des salariés du bâtiment, a pris une position bien tranchée: "La réouverture de ce chantier ne répond à aucune nécessité vitale, rapporte Christophe Glasser, le secrétaire général de l’USM. Cette décision est indécente et est en contradiction avec le message de confinement. Des ouvriers vont être exposés, cela va créer des flux de transport et de consommation à l’heure du déjeuner."

Et puis, cette question: "Pourquoi ces trois chantiers et pas les autres? Ils ne sont pas plus prioritaires que les autres. On a l’impression que le gouvernement a cédé à la pression de certains pouvoirs économiques."

Les trois chantiers actuellement en activité sont pilotés par le groupe Pastor et Bouygues Travaux publics.

(1) La place du Casino, à Monte-Carlo, et l’extension en mer, au Portier.

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