Les fluoroquinolones sont des antibiotiques déjà anciens. Pourquoi se retrouvent-ils aujourd’hui pointés du doigt?
Cela effectivement fait plus de 30 ans que les fluoroquinolones sont sur le marché; le problème, c’est qu’ils sont trop prescrits hors indications. On estime à 6 millions le nombre de prescriptions en France, à 50 millions en Europe. Or, depuis 25 ans, plusieurs thèses de médecine, de pharmacie ont été publiées décrivant de graves effets indésirables associés à ces antibiotiques.
Et il n’y a pas eu d’alerte?
Il y a 4 ans, l’Agence européenne des médicaments "a réévalué" leur "rapport bénéfice/risque" et a restreint leurs indications thérapeutiques. Mais, ça n’a rien changé. Cette classe d’antibiotiques continue d’être prescrite à grande échelle.
Pourquoi?
Les médecins refusent de faire le lien entre les signes cliniques et la prise d’antibiotiques alors que les effets indésirables graves sont bien documentés. Il n’est quasiment pas fait de signalements à la pharmacovigilance: seulement 5% d’entre eux remontent.
Quelles actions votre association conduit-elle?
Cela fait 18 mois que je harcèle les autorités de santé, les conseils des ordres de médecins, de pharmaciens… Et un an que j’essaie d’obtenir que les patients victimes d’effets indésirables graves, comme Élise, puissent bénéficier d’un parcours de soins adaptés, comme pour les maladies rares, avec une équipe de professionnels compétents.
Les fluoroquinolones sont-ils la nouvelle affaire Médiator?
Non, dans l’affaire du Médiator, c’était le fonctionnement d’un laboratoire pharmaceutique qui était au cœur du scandale. Là, c’est la négligence du corps médical, cautionnée par les autorités de santé au niveau européen qui est en cause.
Il reste que ce sont des antibiotiques qui ont une grande utilité.
Oui, mais dans le cadre d’infections sévères. Or, dans les faits, des médecins n’hésitent pas à le prescrire pour des infections urinaires simples, voire des infections respiratoires sans aucune gravité! Et sans même informer sur les potentiels effets indésirables graves. En France, on estime ainsi que 60% des prescriptions se font hors AMM, et ce taux est même de 80% dans d’autres pays comme l’Italie ou l’Espagne.
Mais les médecins sont-ils bien informés?
L’information est connue et largement diffusée. Mais il existe une ignorance réelle chez une majorité d’entre des mécanismes d’action de ces antibiotiques; ils agissent en empêchant la réplication de l’ADN des bactéries. Le problème, c’est que, chez certains patients, ils endommagent l’ADN d’organites intracellulaires appelés mitochondries, qui sont les usines à énergie de nos cellules. Et que l’on retrouve partout, notamment au niveau des cellules nerveuses, des nerfs périphériques, du cerveau… D’où ces signes diffus.
Combien de victimes?
On recense actuellement environ 100 personnes gravement malades suite à la prise de ces antibiotiques; mais les témoignages affluent, augurant d’un nombre bien plus important.
Quelle est votre requête aujourd’hui?
On demande la mise en place d’un processus administratif de type «médicament d’exception obligeant les médecins à justifier par écrit leur prescription de fluroquinolones - soit en cas d’infections graves et sans autres options- et à prévenir les patients des risques.
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