Cancers pédiatriques: à Monaco, la Fondation Flavien mise sur une molécule

Avec 500 000 € versés au Centre scientifique de Monaco en cinq ans, la Fondation Flavien entrevoit une solution pour réduire souffrances et séquelles des enfants atteints d’une tumeur au cerveau

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Thibaut Parat Publié le 10/12/2020 à 14:00, mis à jour le 10/12/2020 à 14:01
Le prince Albert II a assisté, ce lundi soir, à la remise de chèque de la Fondation Flavien au Centre scientifique de Monaco. Sur la photo : l’équipe de chercheurs. Photo Jean-François Ottonello

Une tradition solidement ancrée et porteuse d’espoir pour tous les enfants atteints d’un cancer du cerveau. Chaque année - et ce fut le cas ce lundi en présence du prince Albert II - la Fondation Flavien remet un chèque de 100 000 euros aux équipes de chercheurs du Centre scientifique de Monaco (CSM), planchant sur cette thématique. Il y a cinq ans jour pour jour - 21 mois après la disparition tragique du petit Flavien (*) - le partenariat était scellé, noir sur blanc, dans une convention. Les études pointues menées en laboratoire ont accouché d’avancées majeures, bientôt publiées auprès de la communauté scientifique, et déboucheront bientôt sur un essai clinique. En quatre points, le Dr Vincent Picco, chargé de recherches au CSM et coordonnateur du projet, lève le voile sur ces recherches menées en Principauté.

Comment est dépensé l’argent de la Fondation Flavien ?
Au Centre scientifique de Monaco, c’est l’équipe « Mécanismes de résistances aux thérapies ciblées » qui explore les nouvelles pistes dans le traitement des cancers pédiatriques, et plus spécifiquement ceux localisés au niveau du cervelet : le médulloblastome. C’est cette satanée maladie, au nom barbare, qui a emporté l’ange Flavien en 2014. Une grande partie de la dotation est utilisée pour rémunérer les chercheurs hautement qualifiés. Pierre angulaire du projet : Marina Pagnuzzi, technicienne supérieure, capable de réaliser des implantations de cellules dans les cerveaux des animaux. Une technique maîtrisée par de rares élus dans la région.

Autres postes de dépenses : l’achat de réactifs et de consommables, ainsi que d’équipements de pointe. "Ceux-ci coûtent cher mais sont indispensables car ils nous servent à visualiser et quantifier le vivant. En cancérologie, on travaille beaucoup sur des cellules en culture, explique le Dr Vincent Picco. Deux exemples majeurs : le cytomètre trieur de cellules et un microscope holomotographique qui filme les cellules vivantes. "

À quoi ont abouti les cinq années de recherche ?
"Dans l’article, en cours de publication auprès de la communauté scientifique, on démontre qu’une molécule a un potentiel thérapeutique pour les cancers pédiatriques du cerveau », poursuit Vincent Picco. Son petit nom : l’axitinib. Elle est déjà utilisée pour traiter les cancers rénaux chez l’adulte. « Elle est capable de rentrer dans le cerveau et présente un faible niveau de toxicité pour les tissus sains. C’est particulièrement important pour les cancers pédiatriques du cerveau car cela diminuerait les effets secondaires (lire la prochaine question)."
Une fois ces constatations posées par écrit, reste l’espoir d’un essai clinique. Une prochaine étape, espérée à moyen terme, qui, une fois le protocole validé, serait pilotée par le Pr Nicolas André de l’Assistance publique - Hôpitaux de Marseille (AP-HM). "Les cliniciens et la firme qui commercialise le médicament, prendront alors le relais."

Quel espoir pour les enfants concernés par un essai clinique ?
Le protocole d’essai clinique intégrerait les enfants atteints d’un médulloblastome (une naissance sur 200 000) mais aussi ceux souffrant d’autres cancers pédiatriques du cerveau. "Ce type d’essai clinique concerne les enfants pour qui les lignes de traitements habituels ne sont plus efficaces. Même si le taux de survie est devenu bon pour ce type de cancers, de l’ordre de 70 % à 5 ans, cela se fait au prix de séquelles, extrêmement lourdes au niveau cognitif et moteur, qu’ils gardent à vie. Cela est dû aux traitements très lourds : chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie d’exérèse. Un des défis que l’on veut relever donc : mieux soigner et réduire les séquelles pour les enfants qui survivent", résume le Dr Vincent Picco. En bref : que la maladie, et les traitements inhérents, soit moins néfastes pour ces jeunes organismes en croissance.

Est-ce une première ?
"Aucune molécule n’a été spécifiquement développée pour les tumeurs pédiatriques. Les enfants ne bénéficient que de traitements créés pour les adultes, alors même que les cancers pédiatriques sont très différents de ceux adultes", explique le chercheur. Pourquoi ? N’ayons pas peur des mots : de l’avis du milieu scientifique, cela n’est pas rentable pour les laboratoires pharmaceutiques qui, motivés par les profits, n’ont aucun intérêt à développer des molécules pour lutter contre des maladies orphelines, et donc rares. C’est pourquoi la recherche académique et ses soutiens se doivent de prendre le relais.

Denis Maccario, président de la Fondation Flavien : "Cette molécule a un potentiel thérapeutique"

Ce lundi soir, donc, la Fondation Flavien a remis son cinquième chèque au Centre scientifique de Monaco. 500.000 euros ont ainsi été versés depuis 2015 au profit de la recherche sur les cancers pédiatriques du cerveau.

"En tout, c’est même 643 000 € puisqu’on a aussi financé les équipes scientifiques de Nice, de Bordeaux et d’ailleurs", précise Denis Maccario, président-fondateur de la Fondation Flavien. Que vous inspirent les progrès réalisés dans la recherche sur les cancers pédiatriques du cerveau depuis 2015 ? Il y a 5 ans, jour pour jour, on signait la première convention.

Aujourd’hui, on est au seuil de l’essai clinique. On a prouvé que cette molécule avait un potentiel thérapeutique. Le milieu de la recherche a fait son job, maintenant il faut que l’essai clinique valide l’idée. J’espère que celui-ci interviendra le plus tôt possible. Nos travaux sont issus d’un enfant qui n’est plus là [Flavien, le fils de Denis Maccario, ndlr] mais depuis, combien d’autres enfants ont eu le médulloblastome ou l’ependymome [l’autre tumeur qui sera concernée par l’essai clinique, ndlr] ? Plus tôt on commencera à inclure des enfants en échec thérapeutique, plus tôt on donnera de l’espoir aux autres enfants qui tomberont malades. Que changera cette molécule pour les enfants malades ? Cette molécule diminue les effets toxiques de la dureté des traitements (chimiothérapie et rayons, notamment).

Le propriétaire de cette molécule, c’est Pfizer. J’espère qu’il nous entendra pour nous aider, hormis le fait qu’il doit nous donner la molécule gratuitement. Justement, 2020 a été une année "blanche" pour lever des fonds… ça a été une catastrophe au niveau événementiel. On s’est quand même débrouillé pour donner les 100.000€ au Centre scientifique, grâce à des institutionnels.

Le Crédit foncier de Monaco, par exemple, est venu nous rejoindre. On a pu boucler notre budget 2021, et même celui de 2022. On ne peut pas ne rien donner. On doit respecter la convention et notre engagement financier. D’où, aussi, un appel aux dons plus important que jamais cette année… Le don est essentiel pour une structure caritative car il quantifie le retour de la sensibilisation du public. Et une année pareille, c’est quasiment la seule ressource des associations. On l’a bien vu avec le Téléthon 2020, en baisse de près de 17 millions d’euros par rapport à 2019.

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