Qui est Norbert Turini, cet archevêque cannois qui a protégé un abbé pédophile et fait évincer sa victime?

Une journaliste de "Médiacités" a révélé lundi dans une longue enquête comment un archevêque, à l'époque posté à Cahors dans le Lot, avait renvoyé du séminaire une victime de pédophilie âgée de 13 ans, Mickaël, tout en protégeant son agresseur, Philippe O, alors curé d'un village... et toujours en poste aujourd'hui.

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F.C. Publié le 21/09/2023 à 07:10, mis à jour le 21/09/2023 à 18:00
La victime reproche à la hiérarchie épiscopale, et notamment à Norbert Turini, d'avoir minimisé ce qui lui était arrivé. En 2012, l'évêque avait alors expliqué que "le père O. s’[était] épris de Mickaël et a[avait] vécu une relation amoureuse ". La victime était alors âgée de 13 ans. Photo AFP

"Ce qui est important, ce n’est pas de protéger l’institution, c’est de protéger les victimes." Tels ont été les mots prononcés en 2020 par l'archevêque de Montpellier, Norbert Turini, après la condamnation du Père Savioz à 15 ans de prison pour agressions sexuelles et viol sur trois jeunes garçons.

Ce lundi, Médiacités, repris ensuite par France 3, révélait pourtant dans une enquête de plus d'un an, par la journaliste Emma Conquet, comment ce même archevêque, à l'époque posté à Cahors, dans le Lot, avait renvoyé du séminaire une victime de pédophilie âgée de 13 ans, Mickaël, tout en protégeant son agresseur, Philippe O, alors curé du village de Lalbenque et toujours en poste aujourd'hui, non loin des lieux de son crime.

Toujours archevêque de Montpellier à ce jour, Norbert Turini (qui n'a pas souhaité s'exprimer dans les médias lors de l'enquête de la journaliste), est en fait originaire de Cannes. Né en 1954 dans les Alpes-Maritimes, il a d'abord obtenu une licence en Sciences de la vie à l'Universite Nice-Sophia-Antipolis, avant de faire son séminaire à Marseille et de finir sa formation de théologie à Strasbourg.

Une "relation amoureuse", selon l'archevêque

Passé par le diocèse de Nice à deux reprises dans les années 80 puis de 1996 à 2004, il est prélat d'honneur de Sa Sainteté depuis 2001. "Après avoir été pendant dix ans responsable du service diocésain des vocations, responsable de l'année propédeutique du séminaire et responsable d'un foyer d'étudiants chrétiens, il est devenu vicaire épiscopal pour la pastorale des jeunes de 1996 à 2000", précise le quotidien d'Occitanie, La Dépêche du Midi.

En effet, l'homme d'Eglise est installé dans le Sud-Ouest depuis 2004. Passé par Cahors (Lot) pendant dix ans et Perpignan-Elne (Pyrénees-Orientales) durant huit ans, il est archevêque métropolitain de Montpellier depuis 2022.

La victime, interrogée par Médiacités, reproche à la hiérarchie épiscopale d'avoir minimisé ce qui lui était arrivé dans le Lot. En 2012, l'évêque Turini avait alors expliqué que "le père O. s’[était] épris de Mickaël et a[avait] vécu une relation amoureuse ". Pour rappel, le jeune homme était alors âgé de 13 ans.

Selon son supérieur, l'abbé Philippe O. "aurait lâché prise et par la même dérapé" face à "un genre de jeu affectif". Norbert Turini avait également jugé bon de témoigner devant la justice, à l'époque, sur le fait que l'agresseur était "très affecté" et "dans un état dépressif". Une relation pédocriminelle qualifiée à plusieurs reprises "d'égal à égal".

Si le condamné, Philippe O., a retrouvé un poste l’année suivante dans l'évêché (dans le village de Catus, à 15 kilomètres des lieux de ses crimes), la victime, qui se destinait à devenir prêtre, n'a pas pu être ordonnée. Et ce, à la suite du refus de Norbert Turini de le laisser terminer son séminaire.

La réponse des diocèses de Cahors et de Montpellier

A la suite de l’article paru le 18 septembre 2023 sur le site de France 3 Régions relayant les informations données par un ancien séminariste Mickaël, âgé de 34 ans, le diocèse de Cahors souhaite apporter les précisions suivantes.

Avant toute chose, le diocèse de Cahors tient à dire son soutien à Mickaël, qui a été victime, alors qu’il était mineur, d’atteintes sexuelles de la part d’un prêtre du diocèse. Le diocèse de Cahors est mobilisé dans la prévention des infractions de nature sexuelle faites aux mineurs et collabore avec la justice civile chaque fois qu’une telle situation se présente.

Quand en 2012, Mickael a le courage de révéler les atteintes dont il a été victime à l’évêque de
Cahors de l’époque, Mgr Turini, ce dernier signale immédiatement les faits au procureur de la
République lequel ouvre une enquête préliminaire.

Des mesures conservatoires canoniques sont prises par Mgr Turini vis-à-vis du prêtre mis en cause. Celui-ci n’exerce déjà plus sa charge curiale.

Le 27 juin 2013, un an après la révélation des faits, le prêtre mis en cause est reconnu coupable "d'atteintes sexuelles sur un mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime", pour des faits commis en 2002 et 2003, à l’issue d’un procès tenu à huis-clos par décision du Tribunal de grande instance de Cahors. Il est condamné à 1an de prison avec sursis avec mise à l’épreuve de 18 mois, avec obligation de soin et dédommagement de la victime à hauteur de 2.566€.

A la suite de ce jugement correctionnel, la procédure canonique ouverte par Mgr Turini a pu se poursuivre. Elle a été menée sous l’autorité de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi conformément au droit canonique. En août 2014, le décret canonique définitif spécifiant la sanction est transmis. Il interdit au prêtre reconnu coupable d’exercer un ministère auprès de mineurs.

Aujourd’hui, conformément à la sanction canonique, le prêtre concerné exerce un ministère paroissial restreint, sans activité pastorale directement en lien avec des mineurs. Il est vicaire, sous la responsabilité d’un curé qui a été informé de sa situation et qui est vigilant sur ce point.

Pour ce qui est de Mickaël, il ne lui a pas été demandé de quitter le séminaire en raison des révélations qu’il avait légitimement et courageusement faites à propos de ce prêtre reconnu par la suite coupable. C’est dans le cadre habituel du suivi des séminaristes par leurs formateurs que cette demande lui a été faite. Il revient en effet aux supérieurs du séminaire et à l’évêque dont relève le séminariste d’apprécier et de discerner l’aptitude de tout candidat à exercer le sacerdoce.

Mgr Camiade, évêque de Cahors, redit sa disponibilité à Mickaël et à tous ceux qui en ont besoin. Il rappelle l’existence d’une cellule d’écoute joignable par ce mail: celluledecoute@diocesedecahors.fr et sa détermination à œuvrer avec tous les acteurs de la vie du diocèse contre toute forme d’abus.

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