- Pour un enfant présent sur les lieux de l'attaque au couteau, quel risque de trouble du stress post-traumatique, comment travailler avec lui ?
Le risque de complications par exposition visuelle au traumatisme existe et n'est pas négligeable. Il faut que les parents et ou les enseignants, suivant l'âge de l’enfant, soient capables de repérer les symptômes d'appel. Chez l'enfant petit, ça peut être des troubles du sommeil importants, d'alimentation, des terreurs nocturnes etc. et il faudra alors consulter. Chez l'enfant plus grand, il peut y avoir des réactions importantes, des peurs en passant près d’un parc public, en croisant quelqu'un qui ressemble à l'agresseur, ou encore lors d'un moment qui lui rappelle la scène.
Chez l'enfant de 3 à 8 ans, le jeu répétitif traumatique est un signe d'alerte. L'enfant joue seul dans son coin, et refait la scène d''horreur avec des petits personnages. Les difficultés à l’école sont un signe également, que parents comme professeurs doivent alors repérer. Tout ne conduit pas à la psychiatrie, des enfants ne développeront pas de symptômes, mais d'autres oui. Plus la prise en charge est précoce, plus c’est pris tôt, et plus on pourra travailler efficacement. La peur subjective est plus importante que la peur objective chez l’enfant. Plus l'enfant aura eu peur, et plus le risque de symptômes est important.
Si les parents se sentent impactés, troublés, perdus, et traversent un moment d'angoisse extrême après l’événement, il faut qu'eux-mêmes consultent puisque l’état des parents influe sur l’état de l’enfant. En fonction de l'évolution, il faudra suivre des psychothérapies adaptées au psychotrauma s'il y a des troubles, avec des suivis longs si des symptômes persistent.
Comment appréhender la prise en charge thérapeutique d'un enfant qui aurait été victime de cette attaque?
Il faut informer sur les possibilités de soin si nécessaire et des signaux d'appels : difficultés scolaires, anxiétés, troubles du sommeil. Chez le tout-petit, on peut observer des régressions, comme la réapparition de l'énurésie par exemple (l'enfant "mouille son lit" NDLR). Par la suite, le professionnel indiquera, si nécessaire, une thérapie individuelle ou de groupe centrée sur le traumatisme qui sera ensuite évaluée pour savoir s'il est nécessaire de la poursuivre ou non.
Est-ce comparable d'un point de vue psychologique au psychotrauma d'après les attentats de Nice en 2016 ?
Les grandes études épidémiologiques sur l'ensemble de ces traumatismes dans le monde donnent des résultats assez similaires. Le risque de psychotrauma est plus important dans le cas d'attentats ou d'attaques violentes que dans d'autres types de traumatismes collectifs. Plus ça va être violent, plus ça va être inattendu, plus l'événement va être terrifiant, et plus le risque de conséquences est important.
Pour les parents d'enfants en bas âge, comment expliquer ce qu'il s'est passé à son enfant ?
Pour des enfants de moins de trois ans, c'est difficile. Mais pour ceux, un peu plus âgés, qui ont déjà un langage, il y a des précautions à prendre. Il faut éviter que l'enfant ne soit exposé aux médias sur ce thème, aux images notamment. Si le sujet survient dans la conversation, il faut bien garder à l'esprit que l’enfant entend ce que les adultes disent. Il faut reprendre les choses avec lui, en utilisant des mots simples, à son niveau.
Le parent doit alors expliquer à l'enfant que cette attaque ne va pas forcément se reproduire, que c’est quelque chose d’unique et que lui n'est pas en danger. Il est important également de bien expliquer à l'enfant que les parents et la société dans son ensemble, école, professeurs etc. sont là pour assurer sa sécurité. Ce sont des choses qui permettent généralement de bien calmer les peurs de l'enfant.
Comment appréhender la suite, en tant que parent, notamment pour réussir à laisser son petit retourner jouer au jardin d'enfants etc.
Il faudra surmonter ses peurs et ses craintes toutes naturelles. Toute la France y sera confrontée. Les gens auront, dans un premier temps, peur de mettre les enfants dans des parcs publics. Mais il faut que la vie reprenne, c'est important. Si on confine l'enfant, il va y avoir un effet boule de neige sur les craintes.
Il faut éviter l'effet de sidération (Incapacité momentanée à pouvoir réaliser ce qui arrive à la suite d'un choc NDLR). Ça rappelle le malheur que nous avons vécu à Nice, c'est une répétition. L'attentat du 14 juillet 2016, à Nice, a eu lieu un soir de feu d'artifice, et qui y va ? Bien sûr les enfants. Une fois de plus, des enfants sont attaqués!
commentaires